Le Conseil supérieur de l’audiovisuel sanctionne la RTBF pour non-respect du principe de l’égalité entre les femmes et les hommes. La décision concerne l’émission « C’est vous qui le dites » du 18 mars 2021 au cours de laquelle le débat portait sur la question de l’obligation ou non d’entretenir des rapports sexuels dans le cadre du mariage. Le CSA estime que l’émission a véhiculé des stéréotypes qui sont de nature à banaliser les violences faites aux femmes.   

 

Le débat a été présenté comme suit par l’animateur : « En France, une femme a perdu son divorce pour ne pas avoir accompli le ‘devoir conjugal’. Les relations sexuelles doivent-elles être une obligation dans le cadre d’un mariage ? » Deux journalistes ouvrent le débat, rejoints plus tard par une auditrice et un dernier auditeur. La loi belge n’énonce nulle part qu’un époux ou une épouse ne soit soumis à une telle obligation, et elle condamne en revanche clairement toute relation sexuelle non consentie. Pourtant, l’émission présente la situation d’une manière beaucoup plus brouillée. 

 

En effet, l’animateur parle régulièrement d’obligation prétendument légale d’entretenir des rapports sexuels « consentis ». Le débat se concentre rapidement sur les questions du consentement et de l’obligation. Il fait entrer en jeu le « devoir conjugal », chaque débatteur exposant son interprétation de cette notion qui n’est pas légale et comporte voire constitue en soi un stéréotype sexiste, justifiant et banalisant la violence faite aux femmes. Sans être recadrés, l’un des journalistes invités et le dernier auditeur s’approprieront pleinement ce stéréotype en répétant que le mariage implique nécessairement des rapports sexuels. 

 

Alors que l’auditrice, seule femme invitée durant l’émission, s’offusque à plusieurs reprises et questionne même la légitimité de débattre d’un tel sujet, l’animateur lui répète régulièrement, à tort, qu’une « obligation » d’entretenir des relations sexuelles « consenties » est prévue dans la loi et qu’il est donc pleinement légitime d’en débattre.  

 

Entendue par le CSA, la RTBF a d’abord rappelé que le respect de l’égalité entre les femmes et les hommes fait partie intégrante de son projet éditorial et livré son interprétation de la loi. Elle s’est ensuite défendue, en indiquant notamment que l’animateur n’avait, de lui-même, jamais employé le terme « devoir conjugal » durant l’émission et que cette dernière était un programme populaire destiné à donner la parole à tout le monde.   

 

A côté de la présentation très équivoque, pour ne pas dire erronée, qui est faite du sens de la loi belge, l’éditeur s’est lancé sur un terrain délicat en proposant un débat pouvant facilement être interprété comme une question sur la possibilité de contraindre ou non son époux ou épouse à des relations sexuelles. Face à une telle question, l’obligation de l’éditeur de la traiter avec précaution et finesse n’est pas qu’une obligation de moyen et il ne peut se retrancher derrière le caractère « populaire » de l’émission ou derrière son faible temps de préparation. 

 

  Selon le CSA, la RTBF, en l’espèce, n’a pas joué à suffisance son rôle dans la lutte contre les violences faites aux femmes, alors pourtant que les médias ont une réelle influence en la matière et qu’un acteur de service public se doit d’y être tout particulièrement attentif. Par sa désinvolture dans le traitement du sujet, elle a apporté son concours, même malgré elle, à la perpétuation d’un rapport de domination structurel entre hommes et femmes et d’une culture consistant à banaliser les violences faites aux femmes. Elle n’a, dès lors, pas respecté l’égalité entre les genres. 

 

En conséquence, considérant la gravité du grief et l’absence de remise en question de l’éditeur lors de son audition, le CSA impose à la RTBF la diffusion d’un communiqué. Ce dernier devra être lu, dans son intégralité, deux jours de semaine consécutifs, la semaine du 10 janvier 2022, sur Vivacité, pendant l’émission « C’est vous qui le dites ». Il devra enfin être affiché de manière ininterrompue sur la page d’accueil du site internet de la RTBF, pendant une semaine, à compter du jour de la première diffusion du communiqué sur les antennes de la radio. 

Consultez la décision