François Cazals et Chantal Cazals, Intelligence artificielle, l’intelligence amplifiée par la technologie, Ed. De Boeck Supérieur, 2020.

Les auteur.e.s, consultant.e.s en transformation digitale et en Intelligence Artificielle (IA), proposent une approche multiple et aisément accessible de ce qu’est l’IA, de son fonctionnement et des technologies qui ont permis son essor. L’ouvrage résolument généraliste rend compte de diverses applications actuelles et prochaines de l’IA et pose des réflexions sur la transformation sociétale qu’elle induit. S’ils se veulent enthousiastes sur l’apport de l’IA, les auteur.e.s n’en éludent pas pour autant les risques nombreux, notamment pour l’emploi, la sécurité, la protection de la vie privée ou la démocratie.  

L’ouvrage débute par une incursion dans l’imaginaire collectif via la littérature et le cinéma de science-fiction, en particulier l’œuvre romanesque d’Asimov qui avait déjà imaginé des lois pour que ses robots ne puissent que vouloir le bien de l’humanité. Celles-ci resteront en filigrane de tout le livre, notamment lorsque celui-ci abordera les différentes mesures de précaution mises en œuvre par les gouvernements, comme le RGPD en Europe. 

L’IA se fonde sur les sciences cognitives et celles du langage, sur la technologie et sur les mathématiques. Les algorithmes sont expliqués au lecteur néophyte, notamment ceux associés au « Machine Learning », l’outil d’apprentissage qui consiste à déduire de l’observation des règles du passé une règle qui pourrait s’appliquer à des données du présent. En complément de ces explications, le livre décortique des cas aussi concrets de l’usage prédictif de l’IA que la gestion des loyers impayés par un bailleur social.  

Les auteur.e.s retracent aussi l’évolution de l’IA depuis les travaux d’Alan Turing dans les années 30 jusqu’à son essor à partir de 2010 suite à l’évolution impressionnante des capacités de calcul des ordinateurs ainsi qu’à l’accumulation aussi impressionnante de données stockées en réseau à travers de gigantesques parcs de serveurs. Ce volume de données qui s’est mis à croître de façon de plus en plus exponentielle provient des réseaux sociaux, des moteurs de recherche, de la consommation de vidéos en ligne, des smartphones, des objets connectés ou encore des plateformes digitales de service comme Uber ou Airbnb. Ce sont ces données structurées, non-structurées ou semi-structurées, émises le plus souvent en temps réel, qui forment le big data. 

L’IA couplée au big data est donc en train de transformer en profondeur et à la vitesse grand V le mode de fonctionnement de nos sociétés. Tout est impacté : les soins de santé, l’enseignement, le commerce, les industries, la recherche, … Comme le dit justement un des experts interrogés : « Notre société traverse une période de nymphose !»  Evoquer cette mutation implique pour les auteur.e.s d’évoquer les acteurs principaux de ce nouvel écosystème. Certaines de ces entreprises ont fait de la donnée et de son traitement le cœur de leur stratégie comme Google ou Facebook, alors que d’autres utilisent l’IA pour augmenter les performances de leur modèle historique comme Amazon, Apple, Microsoft ou encore les Chinois Alibaba et Huawei. 

En seconde partie de l’ouvrage, celui-ci aborde les nombreux risques liés à l’IA. Il relève entre autres l’impact sur l’emploi, la protection de la vie privée, la dépendance vis-à-vis de multinationales en quasi-monopole, la cybercriminalité, la cyberguerre, … ou encore le risque de déshumanisation progressive en donnant l’exemple d’une justice qui serait rendue par l’IA. Face à tous ces dangers, les auteur.e.s proposent des pistes de réflexion et rendent compte des mesures déjà mises en place qu’elles soient technologiques, législatives, régulatoires. Un chapitre entier est consacré à ce sujet au RGPD européen et à la nécessité d’une transparence algorithmique. Les auteur.e.s insistent sur l’urgence de réformer l’enseignement pour que les emplois perdus soient regagnés dans les nouveaux métiers liés à l’IA, en proposant notamment de recourir à la formation en continu et à l’allocation universelle. 

En treize chapitres, ce livre présente une approche de l’IA à travers ses différentes facettes dont on peut regretter parfois le manque d’homogénéité et d’articulation entre celles-ci. Nombreux de ces chapitres sont enrichis par le témoignage et les réflexions de professionnel.le.s français.e.s de l’IA : patron.e de startup, chercheur.e, avocat.e, spécialiste en cybersécurité, … Ces témoignages ont le mérite de rendre le chapitre qu’ils intègrent plus concret et plus ancré dans notre réalité francophone et européenne. Les lecteur.trice.s sortiront de l’ouvrage avec une vision panoramique de ce qu’est l’IA, de son apport pour l’évolution de nos sociétés, mais aussi de la nécessité de mettre en place des garde-fous pour qu’elle reste à notre service. 

Benoit Renneson,

Responsable Monitoring et suivi des programmes

Conseil supérieur de l’Audiovisuel

Juin 2022