Quelles solutions concernant les groupes médias qui ciblent la Belgique et qui s’établissent ailleurs ? 

En Belgique, comme dans de nombreux pays de l’Union européenne, tous les acteurs d’un même paysage audiovisuel ne sont pas régulés de la même manière. Certains d’entre eux proposent un contenu audiovisuel spécifiquement destiné au public d’un pays  mais agissent sous couvert de la législation d’un autre pays. Ils contournent ainsi – volontairement ou non – la législation du pays auquel ils s’adressent principalement. Quelles sont les solutions amenées par la Commission européenne pour répondre à cette situation ? Ces solutions sont-elles adaptées à la situation belge francophone ?

La définition de règles claires pour déterminer de manière durable la compétence d’un Etat Membre et de son ou ses régulateurs est un enjeu majeur de la proposition de la directive. Elle est étroitement liée aux principes qui fondent la directive SMA, à savoir la libre circulation des SMA et la liberté d’établissement.

Face au risque de voir se développer un Forum Shopping, une potentielle volatilité des fournisseurs de services et une absence de lien durable avec l’économie d’un Etat Membre, il est essentiel de clarifier les critères de rattachement d’un service à la compétence d’un et un seul Etat Membre (principe dit du pays d’origine) et d’éviter tout phénomène de contournement de compétence de l’Etat Membre dont le public est spécialement visé.

La compétence territoriale des Etats européens se pose lorsque l’ensemble des activités de production d’un SMA ne sont pas localisées dans un seul Etat. Cette situation n’est ni exceptionnelle, ni récente. Aussi, pour déterminer l’Etat compétent, depuis 1997, la directive utilise une combinaison de certains critères : le siège social effectif, le lieu où sont prises les décisions éditoriales, le lieu où se situe une part significative du personnel attaché à la production du service. L’application de ces critères peut mener à des situations où un fournisseur de SMA est réputé établi dans un état avec l’économie duquel il n’entretient que peu de liens économiques. La proposition de la Commission du 25 mai 2016 tend à donner une influence relative plus importante au lieu où travaille désormais la majorité du personnel.

Selon le CSA, cette proposition devrait également mieux tenir compte des réalités de la fourniture de SMA en précisant que le lieu où sont prises les décisions éditoriales est celui où travaillent généralement les responsables ultimes de l’édition de ces services (directeur.trice d‘antenne, directeur.trice des programmes, rédacteur.trice en chef…) et non celui où se prennent les décisions stratégique liées à un tel service.

Le contournement de la compétence d’un Etat Membre dont le public est ciblé est une autre question qui reste irrésolue dans la directive SMA. Elle est particulièrement sensible lorsque ce contournement mène au non-respect de règles nationales plus strictes ou plus détaillées adoptées par l’Etat visé, conformément à ce qu’autorise cette directive et sous le contrôle de la Commission européenne. Outre que ce phénomène crée une distorsion de concurrence, il va aussi à l’encontre de la volonté du législateur national concerné qui a jugé utile de fixer de telles règles, généralement pour satisfaire des besoins d’intérêt général.

La proposition de directive de la Commission européenne maintient la possibilité pour un Etat Membre visé par un fournisseur de SMA d’un autre Etat d’entreprendre une procédure anti-contournement. Cette procédure peut mener à l’application du droit de l’Etat dont le public est visé. S’il faut se réjouir de voir cette procédure renforcée sur le plan des garanties des droits du fournisseur de SMA, il faut regretter qu’elle reste lourde, si pas impossible, à mettre en oeuvre. Il convient en effet toujours de démontrer préalablement l’intention de contourner la législation de l’Etat dont le public est ciblé. S’agissant des SMA non linéaires de type VOD, la proposition de directive adopte une logique inverse à ce qui prévaut pour les SMA linéaires. En cas de ciblage du public d’un Etat, un service VOD doit contribuer à la production audiovisuelle dans cet Etat. De manière partielle, ceci constitue une entorse au principe dit du pays d’origine et une solution imparfaite aux situations de ciblage d’audience.


L’ERGA adopte 15 recommandations à destination de la Commission européenne pour rencontrer les nombreuses difficultés  liées au rattachement des services de médias audiovisuels à la compétence et la régulation d’un Etat déterminé.

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