Réuni en groupes de travail et en réunions plénières du Collège d’avis au CSA (CAV), le secteur a remis fin 2019 son avis au Gouvernement sur la transposition de la directive sur les services de médias audiovisuel (DSMA). Il s’agit de la dernière étape avant que le Gouvernement adapte les nouvelles dispositions de la directive dans le droit audiovisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Le chantier est important car il concerne de nombreuses obligations qui incombent aux médias régulés, telles que les règles en matière de communication commerciale, de protection des mineurs, ou encore de promotion des œuvres européennes. Il intègre aussi les plateformes de partage de vidéos qui, jusqu’ici, se situaient hors du champ de la régulation.

 

Nouveaux régulés et nouvelles obligations 

La révision de la directive apporte une extension du périmètre de la régulation, au-delà des SMA diffusés sur internet, la directive inclut désormais formellement les courtes vidéos ainsi que les plateformes les hébergeant, réseaux sociaux compris. En conséquence, les géants d’internet se voient assigner de nouvelles obligations eu égard à leur nouveau statut de plateformes de partage de vidéo. Il s’agit d’une évolution notable. Même si les obligations de ces plateformes sont circonscrites à la protection des mineurs, l’interdiction des discours de haine ainsi que l’identification des contenus publicitaires, ces obligations amorcent un rééquilibrage réglementaire salutaire pour le secteur.

Dans cette perspective, la régulation des chaînes présentent sur les agrégateurs (type YouTube), des WebTV et des onglets vidéo de plateformes multimédias ont fait l’objet d’une attention particulière du Collège. On touche ici au basculement d’une partie grandissante de l’audiovisuel sur internet. En ce sens, les valeurs liées à la préservation d’une saine concurrence, d’une égalité de traitement et de la protection des publics que recèle la révision des règles, conduisent à faire entrer les médias web natifs, quels que soient leurs formats ou leurs modes de distribution, dans la catégorie de service de média audiovisuel dès lors qu’ils correspondent aux critères définissant ce statut.

 

Qui régule qui et comment ?

Dans un paysage médiatique globalisé, de nombreux éditeurs « ciblent » des marchés depuis l’étranger ou revendiquent l’application de règles d’un Etat distinct par rapport au champ géographique de leur activité éditoriale. Une réalité particulièrement vérifiée en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Dans le cas d’un ciblage, deux scénarii peuvent se présenter. Le premier scénario est celui d’un éditeur qui produit des contenus destinés au territoire à l’intérieur duquel il est établi tout en diffusant aussi ces mêmes programmes vers des territoires souvent voisins. Il s’agit de ce qu’on appelle les décrochages publicitaires, créant par là-même un signal et donc un service de média audiovisuel distinct. C’est ce qu’on observe, entre autres, avec TF1 qui cible désormais le marché publicitaire belge francophone. Le second scénario est celui d’un signal entièrement destiné à une zone géographique particulière, distincte de l’Etat Membre où il est établi. Dans tous les cas de ciblage, on interrogera l’existence ou non d’un contournement des règles du marché ciblé.

Dans le cas d’activités éditoriales exercées en dehors du pays hébergeant le siège social, on sera amené à identifier le lieu où se situe une partie importante des effectifs liés à la production et la diffusion des programmes.

Dans les deux cas, la question de savoir « qui régule qui et comment ? » est essentielle. En fonction de la réponse à cette question, la Fédération Wallonie-Bruxelles sera potentiellement en mesure d’obtenir le respect de ses règles plus contraignantes par les éditeurs actifs sur son territoire, un enjeu important en vue de préserver la diversité audiovisuelle sur un marché aussi réduit que celui de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Parmi ces règles figurent notamment une protection plus élevée des mineurs et de la diversité, ainsi qu’une contribution à la production locale.

 

Préciser l’application des règles

Pour faciliter cette identification des régulateurs et des régulés, les propositions de modifications décrétales telles que débattues en Collège d’Avis visent en particulier à préciser davantage les « critères de rattachement » d’un éditeur à la juridiction dont il doit dépendre. A cette fin et toujours dans un objectif d’égalité de traitement entre éditeurs actifs sur un même territoire, le Collège d’avis à la quasi-unanimité recommande de :

  • Définir la catégorie des personnes habilitées à prendre des décisions éditoriales dans le sens défini par la directive :
    • Ces personnes devraient être identifiées comme les membres opérationnels du staff qui exercent des responsabilités directes et quotidiennes en matière de programmation ;
  • Définir le lieu où sont prises les décisions éditoriales :
    • Ce lieu devrait correspondre au lieu de travail habituel des personnes précitées ;
  • Définir en quoi consiste un contrôle éditorial effectif sur la sélection et l’organisation des programmes
    • Ce contrôle devrait correspondre aux opérations susceptibles de produire un effet tangible sur la sélection et l’organisation des programmes.

 

Mieux valoriser les œuvres européennes

La nouvelle directive harmonise les règles relatives à la place des œuvres européennes dans les médias et à leur visibilité, notamment dans les catalogues des services de vidéo à la demande (SVOD). Jusqu’à présent, les Etats membres avaient la possibilité (et non l’obligation) d’imposer une proportion d’œuvres européennes aux éditeurs de services à la demande, option qui n’avait pas été implémentée en FWB. Les autres mesures de promotion des œuvres européennes possibles étaient la contribution à la production et la mise en valeur de ces œuvres – le législateur de la FWB avait opté pour ces dernières. Désormais, une proportion de minimum 30% d’œuvres européennes devient obligatoire pour tous les services de vidéo à la demande. Les Etats Membres étant libres d’imposer un quota supérieur à 30%. Les éditeurs devront accompagner obligatoirement ce quota de mesures de visibilité de ces contenus dans leur catalogue, notamment via des campagnes promotionnelles.

Concrètement, de très grands acteurs du marché jusqu’alors épargnés (car installés dans des états membres ayant transposé la Directive 2010/13/UE avec des obligations minimales concernant la promotion des œuvres européennes) tels que Netflix ou Amazon, devront désormais se plier à ces règles. De plus, les services ciblant un Etat membre ayant implémenté une obligation de contribution à la production d’œuvres audiovisuelles devront remplir cette obligation à hauteur d’une proportion du chiffre d’affaires réalisé sur le territoire en question.

Enfin, dans l’attente des lignes directrices de la Commission européenne, le débat subsiste tant sur la proportion du quota à implémenter – suivre le seuil de la directive ou mettre en place un quota plus élevé – que sur la méthode de calculs pour contrôler ces obligations.

 

Encadrement de la publicité

Avec l’intégration des nouveaux acteurs de l’internet dans la directive SMA, la question de l’encadrement de la communication commerciale devait évoluer. Pour mieux rendre compte des nouvelles formes de communication commerciale, une série d’ajustements a été proposée et devra être transposée dans le droit audiovisuel des Etats-membres. Le secteur a notamment débattu de l’évolution de la définition du parrainage, de l’autopromotion et du placement de produit.

La directive prévoit une modification importante en ce qui concerne les durées autorisées des interruptions publicitaires. Jusqu’à présent, la durée autorisée de publicité ne pouvait pas dépasser 20% de l’heure horloge, c’est à dire 12 minutes par heure. Désormais, la directive limite toujours la durée des spots publicitaires à 20%, cependant leur distribution n’est plus limitée à l’heure horloge mais au temps total de diffusion entre 6h et 18h et entre 18h et 24h. Aucune précision n’est apportée dans le texte de la directive concernant la période entre minuit et 6h du matin. Concrètement, un éditeur pourrait concentrer la majorité des spots publicitaires entre 18 et 20 heures tant que la durée globale ne dépasse pas 72 minutes entre 18h et minuit.

Sur la manière d’implémenter ces nouvelles mesures, plusieurs options ont été suggérées au secteur, mais aucune d’entre elles n’a fait l’objet d’une unanimité.

 

Passer la publicité sur les programmes de vidéo à la demande ?

La directive ne prévoit aucune règle d’encadrement publicitaire sur les Service de vidéo à la demande (VOD). Dans le décret sur les services des médias audiovisuels de la Fédération Wallonie-Bruxelles, le choix a été fait de mettre en place un encadrement des durées d’insertion des contenus publicitaires sur les services à la demande, en les limitant à 20% de durée du programme interrompu. Dans le cadre du Collège d’avis, la question de l’encadrement de la durée et des modalités d’insertion publicitaire sur les services VOD a fait l’objet de débats, notamment sur la possibilité laissée (ou non) à l’utilisateur de « skipper » un contenu commercial.

Si les éditeurs belges de services VOD mettent en garde vis-à-vis de l’impact non négligeable de cette option en termes de perte de revenus pour des acteurs de petite taille, les représentants des annonceurs jugent pour leur part que la possibilité de skipper une publicité est essentielle pour éviter la fatigue publicitaire et préserver l’efficacité du message.

 

Consultez l’avis dans son intégralité : https://www.csa.be/document/transposition-de-la-directive-sur-les-services-de-medias-audiovisuels-avis-du-csa/