Entretien avec Marie Coomans, Conseillère juridique du CSA

 

La vie au CSA est fortement marquée par l’agenda du Collège d’autorisation et de contrôle et du Collège d’avis. Pourrais-tu nous expliquer comment ça fonctionne et quel est ton rôle à l’intérieur de ce roulement ?

 

Le CAC et le CAV sont les deux organes du CSA qui exercent des compétences de régulation des médias.

Le CAC est un organe de régulation à proprement parler, à savoir qu’il est composé exclusivement de membres extérieurs au secteur régulé, et ayant le pouvoir d’imposer leurs décisions à ce secteur. Il se réunit en moyenne tous les quinze jours sur la base d’un ordre du jour qui varie selon ses missions récurrentes et selon l’actualité. Par exemple, chaque année, il rend des avis sur la manière dont les régulés ont rempli leurs obligations. Régulièrement, il se penche sur les dossiers d’instruction que lui transmet le Secrétariat d’instruction : il peut décider de notifier des griefs, il entend les intéressés et il prend d’éventuelles sanctions. Il a également la compétence d’acter les déclarations des nouveaux entrants dans le paysage audiovisuel, et il autorise les éditeurs qui sollicitent le droit d’exploiter une ressource rare (fréquences FM et DAB+). Quand la nécessité s’en fait sentir, il adopte des recommandations pour éclairer le secteur sur l’interprétation de certaines dispositions. Et puis, il est régulièrement informé par ses services de tout point susceptible de l’intéresser et de nécessiter des initiatives de sa part.

Les réunions du CAC nécessitent un travail d’organisation, que ce soit en amont ou en aval. Il faut veiller à préparer ses ordres du jour et à ce que les documents et présentations soient prêt.e.s à temps. C’est le travail de la directrice générale adjointe et des services. Après chaque réunion, la Secrétaire du Collège en dresse le procès-verbal et veille à ce que chaque point fasse l’objet du suivi nécessaire, en collaboration avec le secrétariat de direction et le service de communication : mise en forme des décisions, notifications, publications, éventuels communiqués de presse, etc. L’organisation est bien rôdée !

A côté du CAC, le CAV est l’organe de co-régulation du CSA. Cela signifie qu’il est composé essentiellement de membres issus du secteur régulé. Il peut rendre des avis et adopter des recommandation dans des matières très diverses, d’initiative ou à la demande du CAC, du Gouvernement ou du Parlement de la FWB. Ses avis n’ont pas la même force contraignante que des décisions du CAC mais sont censés représenter un consensus et donc s’appliquer sur base volontaire. En outre, dans certaines matières limitativement énumérées (par exemple l’information politique en période électorale), le CAV a le pouvoir d’adopter des règlements qui sont ensuite rendus obligatoires par le Gouvernement de la FWB. Le CAV ne se réunit pas comme le CAC sur base très régulière, mais plutôt en fonction de ses travaux, qui sont plus ou moins soutenus selon l’actualité, les demandes d’avis des autorités, etc.

Les réunions du CAV nécessitent également toute une organisation, qui implique à la fois les services du CSA (qui vont rédiger des propositions de textes) et les membres du CAV eux-mêmes, qui font travailler sur ces propositions en groupes de travail. Ensuite, ont lieu les réunions dites « plénières » ou sont formellement adopté.e.s les avis, recommandations ou règlements. Une fois adoptés, ces textes font également l’objet de tout un travail de communication en aval.

 

 

En 2019, de nombreux dossiers ont été mis sur la table. Quel est celui / ceux, qui ont été les plus conséquent pour les Collèges et pour quelle raison ?

 

Au CSA, l’année 2019 a incontestablement été marquée par le plan de fréquences global, lancé en janvier. Il a mobilisé une grande partie des ressources du CSA pendant plusieurs mois, d’abord au niveau des services qui ont dû éplucher les 126 dossiers de candidature reçus, et ensuite au niveau du CAC, qui a dû évaluer ces dossiers afin d’assigner les fréquences et réseaux de fréquences mis en jeu aux projets les plus ambitieux.

En parallèle, le CAC a également dû se pencher sur plusieurs dossiers d’instruction traitant de plaintes reçues dans le cadre de la couverture de deux campagnes électorales : celle des élections locales d’octobre 2018, et celle des élections européennes, fédérales et régionales de mai 2019.

Au niveau du CAV, c’est la transposition de la directive du 14 novembre 2018 venant modifier la directive dite « SMA » qui a largement occupé l’agenda. Cette réforme importante du cadre normatif européen aura en effet des répercussions en interne, et le Gouvernement a, tout naturellement, souhaité connaître l’avis du secteur avant de la transposer.

 

Tu dois choisir personnellement un ou deux dossiers qui ont particulièrement retenu ton attention. Quels sont-ils et pourquoi sont-ils importants pour toi ?

 

Le plan de fréquences est certainement le dossier qui a marqué mon année 2019. Le CSA n’avait plus traité de plan de fréquences global depuis 2008, et les personnes ayant encore l’expérience de 2008 au sein du CSA n’étaient pas nombreuses. Il a donc fallu remettre beaucoup de procédures à plat, et un travail collectif énorme a été accompli à cet égard. C’était un grand défi, mais c’était aussi exceptionnel de pouvoir participer à ce processus hors normes.

Ce dossier a mis en évidence la richesse et la capacité de travail de l’équipe pluridisciplinaire du CSA, et je suis fière d’en avoir fait partie.

 

On est déjà bien engagés dans l’année 2020. Quelques mots pour décrire cette année en matière de régulation des médias ?

 

2020 sera une année charnière. Le CSA devrait connaître l’issue de deux dossiers qui ont été au centre de ses préoccupations depuis 2017.

Tout d’abord le dossier de la compétence territoriale sur les services du groupe RTL ciblant le public belge francophone. Depuis 2017, le CSA a décidé d’affirmer à nouveau sa compétence sur ses services, ce qui n’a pas manqué d’entraîner des recours de la part du groupe RTL. Une clarification de la situation par le Conseil d’Etat est grandement attendue pour enfin pouvoir appréhender avec plus de sérénité nos rapports avec cet éditeur.

Ensuite, le dossier du plan de fréquences toujours. Si l’immense majorité des décisions du CAC ont été acceptées par leurs destinataires, quelques unes ont fait l’objet de recours, qui ont jeté un voile d’incertitude et d’insécurité juridique sur une partie du paysage radio. Après une première vague de suspensions, le CSA a réalisé un travail important de remotivation de ses décisions, mais en dépit de ces efforts, elles ont été attaquées et suspendues à nouveau. Là aussi, une décision du Conseil d’Etat sur le fond est grandement attendue afin de clarifier les choses. Même dans l’hypothèse où le Conseil d’Etat sanctionnerait à nouveau le CSA, il s’agirait au moins d’une décision finale, sur la base de laquelle chacun devra prendre ses responsabilités pour avancer vers une solution stable.

Par ailleurs, à côté de ces deux dossiers, la seconde partie de l’année devrait également être marquée par les suites de la crise sanitaire qui ne manquera pas d’avoir des conséquences économiques, déjà particulièrement marquées dans tous les secteurs de la création. Les répercussions sur les médias audiovisuels devront être étudiées par le CSA (qui a d’ailleurs déjà lancé un sondage à ce sujet) afin qu’il puisse au mieux accompagner et soutenir le secteur.