Entretien avec Noël Theben, responsable de l’Unité Télévisions du CSA
L’Unité télévisions aura mérité plus que jamais d’être au pluriel en 2019. De nouveaux acteurs ont été approchés par le CSA, la transposition de la directive SMA concerne désormais des secteurs qui échappaient jusqu’alors à la régulation. Peux-tu nous faire un petit topo des changements pour ton unité en 2019 ?
Oui, en effet, on assite à un basculement progressif de l’audiovisuel sur internet. Le CSA doit accompagner cette évolution. Nous devons transposer les grands principes de la régulation, tels que, par exemples, la protection des consommateur.trice.s, ou celle des mineurs, aux nouvelles formes de télévisions sur internet. Pour cela, il nous faut comprendre ces écosystèmes : qui sont leurs producteurs, quelles sont leurs audiences, leurs fonctionnalités, leurs réalités économiques ? C’est notamment ce qui nous a amené à organiser notre première rencontre professionnelle à destination des vidéastes sur internet. Intitulée « MeetYou », elle s’est déroulée en octobre dernier au CSA. 5 millions d’abonnés cumulés avaient fait le déplacement… Un succès qui appelle des suites ! D’autant que notre objectif est également de mettre en lumière la créativité des vidéastes et influenceurs belges francophones, de comprendre leurs besoins et de tenter, à notre niveau, de contribuer à leur développement, car ils sont un apport indéniable pour la diversité du PAB et que leur succès à l’étranger en fait des ambassadeurs de la FWB.
L’accessibilité est l’affaire de toutes et tous. Un nouveau règlement est d’application pour les médias. Que dit-il ?
Le secteur audiovisuel belge francophone s’est fixé de nouveaux objectifs ambitieux en matière d’accessibilité des programmes. Nous rattrapons notre retard par rapport à nos voisins européens. Le Règlement porte des objectifs de quotas en matière de sous-titrage adapté, d’interprétation en langue des signes et d’audiodescription. Ceux-ci sont différenciés entre éditeurs publics et privés, mais aussi nuancés en fonction des audiences et des canaux de distribution. Par exemple, notre éditeur de service public devra rendre la quasi-totalité de sa programmation accessible via le sous-titrage adapté et donner accès à une version audiodécrite d’un quart de son offre de fictions et de documentaires. Un pas de géant par rapport à la situation actuelle. La transition va d’ailleurs devoir se mettre en place progressivement sur les 4 prochaines années.
C’était simple de le mettre en place ?
Non. Ce fut un sujet de tensions vu les enjeux économiques sous-jacents. Les positions des associations représentatives et du secteur se sont néanmoins progressivement rejointes, fruit d’un dialogue de plusieurs mois auquel le CSA a pris une part très active. L’apport d’experts internationaux et celui des pouvoirs publics se sont également révélés déterminants. Ce fut un dossier palpitant sur lequel travailler ! Rétrospectivement, je crois que toutes les parties impliquées sont sorties fières et grandies des avancées enregistrées. Rendre notre paysage audiovisuel plus inclusif est un réel enjeu démocratique et une nécessité au regard du droit européen.
Avec plusieurs de mois de recul, est ce qu’on observe des avancées positives en matière d’accessibilité des programmes ?
On sait que le secteur travaille en coulisse, réfléchit au financement, cherche les bons partenaires techniques, etc. À l’antenne, on constate des avancées mais le résultat n’est pas encore saisissant. Cependant, le premier objectif strict de quota, c’est pour 2021, il reste donc un peu de temps au secteur pour mettre en place les bonnes synergies. Dans l’intervalle, nous avons réalisé un monitoring du niveau d’accessibilité des informations en période de crise sanitaire. Bilan ? Il reste du chemin à parcourir… Car, au-delà de tout objectif de quota, il s’agit ici d’informer équitablement toutes et tous, ce qui est un facteur clé de résolution de la crise ! La transition vers un paysage audiovisuel plus inclusif devra s’accompagner d’une évolution progressive des réflexes et des mentalités.