Le 13 décembre 2018 était lancé officiellement le jumelage européen entre le CSA belge, en consortium avec l’Institut National de l’Audiovisuel français (INA),  et l’Autorité tunisienne de régulation audiovisuelle (HAICA) avec pour mission première le renforcement des acquis démocratiques de l’instance tunisienne, créée consécutivement à  la Constitution de 2014 issue de la révolution de 2011. Exprimant le besoin de renforcer son savoir-faire et sa technicité dans ses activités et missions de régulation, la HAICA a recouru au mécanisme du Jumelage européen, dans le cadre du « Programme d’appui à l’accord d’association ».

Ce projet de 21 mois, financé par l’Union européenne, a vocation à contribuer à plusieurs des questions auxquelles est confronté le régulateur tunisien de l’audiovisuel et notamment : le monitoring  du pluralisme et de la diversité dans les médias, la lutte contre les discours de haine et les discriminations,  l’égalité entre les femmes et les hommes, la protection des mineurs et des consommateurs dans les programmes audiovisuels, à travers le contrôle des obligations d’intérêt général des médias et des infractions, et le soutien aux actions de prospective, de recherche, de communication et de support technique et documentaire.

Les campagnes des élections législatives et présidentielles au dernier trimestre et la passation de la présidence du Réseau Francophone des Régulateurs de l’Audiovisuel et des Médias à la HAICA en septembre ont constitué des moments forts dans le contexte local de notre collaboration durant cette année.

Plus d’un an après le démarrage du jumelage, le travail de collaboration entre les équipes des deux entités est concrétisé par la tenue de plus d’une soixantaine d’ateliers, de visites d’études et d’échanges de bonnes pratiques. Il représente par ailleurs un très fort engagement de la part des deux équipes qui ont chacune impulsé une énergie et un volontarisme de bonne augure pour le projet.

Le jumelage à mi-parcours :

Entrecoupées de visites d’études spécifiques des membres de la HAICA à Bruxelles, les activités se déroulent principalement au sein des bureaux de la HAICA à Tunis dans 5 volets d’expertise, et sous la coordination d’un Chef de projet à Bruxelles et d’un Conseiller résident permanent à Tunis :

  • Un volet « prospectif », pour contribuer à la définition des stratégies du régulateur tunisien. Dans ce cadre, la HAICA s’est donné comme objectif d’élaborer un plan de développement et de positionnement stratégique de sorte que l’institution puisse formaliser une vision de son mandat et de ses missions à moyen terme en se basant sur ce qu’elle a déjà accompli en 6 ans d’existence.

S’effectue parallèlement un soutien au positionnement international de la HAICA qui a pris la forme d’un accompagnement conceptuel de la Conférence du Réseau REFRAM.

Une visite d’étude du président de la HAICA, Nouri Lajmi, a par ailleurs été consacrée en juillet au thème spécifique de la régulation des fake news et de la lutte contre la désinformation, avec 3 jours de rencontres personnalisées avec la plupart des initiatives européennes.

La Haica est une instance constitutionnelle, ce qui donne déjà la hauteur des enjeux qu’elle recouvre. Elle est aussi une instance démocratique. On parle de quoi finalement ? De la liberté des médias, de la liberté d’expression, du pluralisme des médias, autant de choses sans lesquelles les acquis de la révolution disparaitraient du jour au lendemain. Les enjeux sont donc nombreux et les défis sont de taille. Il faut maintenant se projeter dans l’avenir” – Jean-François Furnémont, Chef de projet.

  • Un volet « monitoring et régulation », pour renforcer les capacités des départements en charge de la surveillance des programmes, de l’instruction des infractions, et du contrôle annuel des obligations des médias audiovisuels. Les diagnostics interne et stratégique ont été partagés. A la suite de visites d’étude dans les services du CSA à Bruxelles, les ateliers portant sur le contrôle annuel des obligations des médias privés et publics et l’instruction des infractions ont été conduits, avec en priorité, la méthode de contrôle du nouveau Contrat de la télévision publique tunisienne ainsi que le monitoring de la protection des mineurs.

Des membres du service juridique et monitoring ont participé aux Ateliers de manière assidue.  Ces participations ont été bénéfiques car elles permettaient un partage des différentes réalités de travail entre les services. Nous avons pu dégager et discuter en direct de solutions simples à mettre en œuvre pour répondre à certaines difficultés exprimées. J’ai apprécié la proactivité et la bienveillance qui régnaient autour de la table”. Maxime Fabry, ancien du Secrétariat d’instruction du CSA.

“C’est toujours très intéressant de voir comment d’autres personnes font un travail similaire à celui que je fais, de voir que tout le monde ne fait pas de la même manière, on peut toujours apprendre et enrichir sa pratique (…) et on peut apprendre aussi au sein du CSA de la manière dont travaille la HAICA” – Marie Coomans – Secrétaire du Collège.

  • Un volet « études et recherches », pour nourrir les praticiens de la régulation, coopérer avec le secteur académique, et pour rester pertinent dans les nouvelles questions auxquelles un régulateur des médias est confronté. Après le diagnostic partagé, le cahier des charges (moyens, thématiques, organisation) a été déposé et discuté, tandis que les profils de fonction et la procédure de recrutement ont été définis. Plusieurs outils ont été élaborés ou sont en voie de l’être : des grilles d’analyse en vue de lancer de nouvelles études (présence et représentation des enfants, égalité homme / femme dans les ressources humaines) , un guide de procédure pour lancer une base de données descriptive du paysage médias tunisien. Enfin, les besoins d’un catalogue de ressources documentaires sont identifiés et après des ateliers de formation sur les modalités d’indexation et de classement, une base de données en ligne a été lancée..

La recherche est intimement liée à l’exercice de la régulation. Il faut connaître l’état des lieux du secteur pour fonder des politiques publiques et des mesures régulatoires adaptées aux réalités sociales ou économiques. Il est donc nécessaire de produire des données empiriques, d’objectiver les choses pour agir de manière appropriée. Joelle Desterbecq, Directrice des Recherches au CSA

  • Un volet destiné à renforcer la communication du régulateur tunisien, qui assure la transparence de son action. Après l’accompagnement de l’élaboration d’un plan de communication, de nouveaux supports ont été créés et des projets concrets ont été réalisés, en particulier l’adoption de chartes graphiques et éditoriales pérennes de ces nouveaux supports : la mise en ligne d’un site magazine, l’acquisition du matériel technique nécessaire à l’installation d’un studio, des formations en montage vidéo, graphique, emailing, infographies et stratégies de diffusion.

« C’est incroyablement riche d’échanger sur nos matières. (…) J’ai très vite réalisé que, si nos objectifs sont similaires, les enjeux entre les deux pays sont très différents. En Belgique, la régulation des médias existe depuis longtemps et ne remue plus les foules. Ici, elle est en pleine effervescence et touche au cœur de la démocratie tunisienne. Je suis heureux de pouvoir échanger sur nos méthodes et aider à professionnaliser davantage le service communication de la HAICA, mais dans le même temps, je redécouvre toute l’importance fondamentale de notre travail de communiquant et l’impact réel qu’il peut avoir sur le public et la démocratie ». François Massoz-Fouillien, Responsable Communication du CSA

  • Un dernier volet enfin, dédié aux archives audiovisuelles, est pris en charge par l’INA pour contribuer au renforcement technique de la HAICA sur la mise en place de systèmes de captation, de stockage et de documentation des programmes de radio et de télévision. Après le rapport diagnostic et les missions d’audit, durant lesquelles des adaptations immédiates des équipements d’acquisition ont été réalisées, les cahiers de recommandations pour l’acquisition des équipements, les développements informatiques et la gestion des données ont été finalisés.

 

Le projet représente ainsi un investissement non négligeable pour le CSA tout comme pour   la HAICA. En termes de potentiel humain,  près de la moitié de l’équipe du CSA s’est engagée dans les différentes activités,  au fil des besoins et de leurs évolutions.

Ce projet de jumelage représente enfin une opportunité de partage d’expériences sans commune mesure ainsi qu’une source d’inspiration pour tous les partenaires en ce qu’il contribue à renforcer la liberté d’information et à stabiliser un paysage des médias indépendants et démocratiques dans le processus de transition que connaît la Tunisie.

« C’est aussi et surtout un jumelage entre des personnes qui partagent les mêmes valeurs mais qui travaillent sur des réalités très différentes.  Partager son expérience, en acquérir de nouvelles, apporter sa pierre à l’édifice de la stabilité démocratique en Tunisie : tout cela donne du sens à son action,  pour moi comme pour l’équipe du CSA qui a été d’emblée bien acceptée et intégrée. Et c’est un exercice très riche que celui de s’immerger dans un environnement qui nécessite de la flexibilité et un questionnement permanent sur ses propres pratiques » Paul-Eric Mosseray, Conseiller résident de Jumelage

Pour suivre les actualités du jumelage, nous vous invitons à vous rendre sur le site dédié regulation.be, ou bien vous inscrire à la lettre d’information trimestrielle.