En 2019, 285 plaintes ont été déposées auprès du CSA, signe que les citoyen.ne.s, téléspectateur.trice.s continuent à se montrer vigilant.e.s et critiques envers les médias.

Au travers de ces plaintes, apparaissent les sujets qui préoccupent les publics : les règles régissant la publicité, le respect de la dignité humaine, la protection des mineurs, les discours de haine, le sexisme dans les publicités ou les programmes, ou encore l’information.

L’équipe du Secrétariat d’instruction (« SI ») est chargée de traiter, de manière indépendante, les plaintes reçues par le CSA et, le cas échéant, de mener les instructions. Elle veille à apporter à chaque plaignant.e une réponse complète, dans une perspective de transparence, d’accessibilité et d’information des publics.

 

Les plaintes en 2019

En 2019, 285 plaintes ont été adressées au CSA, soit une diminution par rapport à 2018 (-75 plaintes). Le nombre de dossiers a lui aussi diminué par rapport à l’année précédente : 189 dossiers ont été ouverts sur la base des plaintes en 2019, pour 235 en 2018. Cette différence entre le nombre de plaintes et le nombre de dossiers s’explique par le phénomène des plaintes multiples sur un même sujet. En effet, un dossier peut rassembler plusieurs plaintes portant sur un seul et même sujet. Phénomène très marqué en 2017, les plaintes multiples ont été moins nombreuses en 2018 et en 2019.

Néanmoins, deux programmes ont suscité de vives réactions de la part des publics. La diffusion d’un reportage intitulé « Une touriste belge découvre des cadavres sur une plage de Djerba » dans le journal télévisé de RTL-TVi a provoqué 36 plaintes auprès du CSA. La campagne publicitaire pour produits d’hygiène féminine lancée par « Nana » a, quant à elle, fait l’objet de 20 plaintes.

La recevabilité des plaintes 

Afin d’être recevable, une plainte doit (1) viser un éditeur établi en Fédération Wallonie-Bruxelles et (2) contenir un grief suffisamment précis qui est couvert par la législation audiovisuelle.

Par exemple, les plaintes visant les médias audiovisuels de manière générale ou portant sur un enjeu ne relevant pas des compétences du CSA sont irrecevables. Lorsqu’il est saisi d’une telle plainte, le SI adresse une réponse circonstanciée au plaignant, l’informe et veille, lorsque cela est possible, à le réorienter, par exemple en transférant directement sa plainte à l’institution compétente ou en lui fournissant le lien vers le formulaire de plainte de celle-ci.

Auparavant, les plaintes adressées au CSA étaient majoritairement irrecevables. En 2018, la tendance s’est inversée. Le SI constatait la compétence du CSA pour examiner 63 % des 360 plaintes reçues. Le nombre de plaintes recevables s’élevait à 227 en 2018, soit une augmentation de 131 % en un an.

 

Ce changement s’expliquait notamment par la forte diminution des plaintes dénonçant les chaînes ou radios françaises. En effet, le SI avait redirigé 17 plaignant.e.s vers le CSA français en 2018, contre 154 en 2017.

En 2019 toutefois, on constate à nouveau une plus forte proportion de plaintes irrecevables que de plaintes recevables, bien que la tendance soit moins marquée qu’auparavant. Le SI a constaté la compétence du CSA pour examiner 132 des 285 plaintes reçues (soit un ratio de 46 %). 153 plaintes ont donc été considérées comme étant irrecevables (ce qui représente 54 % de la totalité des plaintes reçues). On observe à nouveau une forte augmentation des plaintes dénonçant les chaînes françaises, parmi lesquelles LCI (appartenant au groupe TF1) est visée par le plus grand nombre de plaintes. En 2019, le SI a redirigé 65 plaignant.e.s vers le CSA français. Une nuance peut être apportée par le phénomène des plaintes multiples, puisque ces 65 plaintes concernent de facto 32 dossiers différents. En effet, certains dossiers ont suscité de nombreuses plaintes, tel est le cas de la campagne publicitaire Nana (20 plaintes), d’une émission « On n’est pas couchés » qui a fait l’objet de 5 plaintes pour propos racistes, 4 plaignant.e.s ont également dénoncé les propos d’Alain Finkielkraut dans « La grande confrontation » et enfin, une émission « Touche pas à mon poste » a fait l’objet de 4 plaintes sur la base de propos incitant à la haine.

Il sera dès lors intéressant d’observer les chiffres des plaintes irrecevables en 2020 pour voir si, comme les chiffres de 2018 l’avaient laissé espérer, on peut se réjouir d’une meilleure connaissance par les publics des compétences du CSA.

Le transfert/ la redirection des plaintes irrecevables

Parmi les 153 plaintes irrecevables, 94 relevaient en réalité de la compétence d’un autre organisme. Elles ont donc fait l’objet d’un transfert ou d’une redirection dont le principal destinataire est le CSA français. Ainsi, 65 plaintes ont été redirigées vers notre homologue français, 15 ont été transférées au Conseil de déontologie journalistique (« CDJ »), 8 vers le Jury d’éthique publicitaire (« JEP ») et 6 vers d’autres instances telles que Cinecheck, le Service de Médiation pour les Télécommunications ou encore le Vlaamse Regulator voor de Media. 59 plaintes irrecevables n’ont pas été transférées car elles ne relevaient pas des compétences d’une autre instance.

Le tableau ci-dessous reprend la proportion des plaintes transférées.

 

Les thématiques qui mobilisent les publics

L’année 2019 a vu les communications commerciales et la dignité humaine placées au cœur des préoccupations des plaignant.e.s. Ces deux thématiques représentent respectivement 18 % et 15 % de l’ensemble des plaintes (recevables et irrecevables).

La prégnance de la dignité humaine s’explique essentiellement par une plainte multiple mentionnée ci-avant : 36 plaintes ont en effet été introduites à l’encontre d’un reportage du JT de RTL-TVi au sujet de corps de migrants découverts sur une plage de Djerba. La proportion importante de plaintes concernant les communications commerciales s’explique également par une vingtaine de plaintes contre la campagne publicitaire « Nana ». Celles-ci dénonçaient l’image de la femme qui était donnée dans cette publicité.

Les plaintes nous renseignent ainsi sur les préoccupations du public mais aussi sur l’actualité des médias et, partant, sur l’état du monde. 2019 a en effet été marquée par la continuation de la crise de la migration d’une part et par l’accentuation du mouvement « Me Too » et de ses conséquences d’autre part.

Par ailleurs, la protection des mineurs (12 %) et l’incitation à la haine (11 %) restent des sujets très importants pour les citoyen.n.es.

2019 : Triple scrutin

Pendant la « période de prudence » – à savoir les trois mois qui précèdent un scrutin – et jusqu’au jour des élections, les éditeurs sont tenus de respecter le règlement relatif aux programmes de radio et de télévision pendant la période électorale (« règlement élections »), approuvé par un arrêté du gouvernement de la Communauté française le 31 janvier 2018.

Le CSA effectue un travail conséquent autour de cette période : il informe les publics, accompagne les éditeurs et répond à leurs questions, il reçoit et publie l’ensemble de leurs dispositifs électoraux et, tâche essentielle, contrôle la bonne application du règlement élections par des monitorings et le traitement des plaintes. Les publics, citoyen.ne.s, militant.e.s ou candidat.e.s, portent par exemple plainte lorsqu’ils estiment que l’équilibre politique n’est pas respecté, que tous les candidats n’ont pas été invités aux débats électoraux, que les petites listes démocratiques ne sont pas assez visibles ou que des résultats sont révélés avant le délai autorisé.

Lors de ce scrutin, le SI a été saisi de 15 plaintes. 8 de ces plaintes étaient irrecevables. 4 ont été classées sans suite. 3 plaintes ont donné lieu à l’ouverture d’une instruction par le SI, qui s’est également autosaisi dans deux dossiers relatifs à l’absence de dispositif électoral dans le chef de deux radios privées indépendantes.

On notera que si tant 2018 que 2019 ont été marquées par des scrutins, les plaintes y relatives sont passées de 19 % à 5 %. Est-ce-à dire que les médias ont amélioré leurs pratiques et, forts de l’expérience du traitement des élections communales, auraient ainsi traité les élections européennes, régionales et fédérales de manière plus conforme aux règles en vigueur ?

 

La télévision reste le premier média visé par les plaintes

La télévision, visée par 75 % des plaintes, reste le premier média concerné par l’activité du SI (57 % en 2018). La radio, qui représentait 27 % des plaintes en 2018 ne représente plus que 12 % de celles-ci en 2019. Les contenus en ligne (internet et réseaux sociaux) représentent, quant à eux, 6 % des plaintes (11 % en 2018).

On aurait pu penser qu’une consommation croissante de vidéos sur les plateformes des distributeurs serait allée de pair avec une augmentation de la proportion des plaintes relatives à des contenus online, ce qui ne s’est pourtant pas vérifié. On poursuivra attentivement l’observation de la tendance.

 

La proportion importante des plaintes visant RTL doit être relativisée par les 36 plaintes relatives à un même reportage dans le JT. Il n’y a par contre pas de plainte multiple significative en radio.

Le traitement des plaintes

Les plaintes traitées au sein du SI sont d’abord examinées sous l’angle de la recevabilité (voir supra). Le SI procède ensuite à une analyse sur le fond afin de vérifier s’il perçoit, ou non, des indices d’infraction. Si à l’issue de cet examen le SI estime que le programme n’est pas susceptible de porter atteinte à la législation, la plainte est « classée sans suite ».

S’il estime nécessaire d’instruire et, par exemple, d’interroger l’éditeur concerné, le SI ouvre un dossier d’instruction.

Enfin, si au terme de son instruction, il considère qu’une infraction est établie, le SI dépose un rapport d’instruction auprès du Collège d’autorisation et de contrôle, l’organe décisionnel du CSA. Celui-ci peut décider de notifier, ou non, un grief à l’éditeur. Dans l’affirmative, le Collège d’autorisation et de contrôle peut décider d’infliger une sanction, après avoir entendu les arguments de l’éditeur.

 

* Les plaintes portant sur le même sujet donnent lieu à l’ouverture d’un seul dossier. Parmi les 20 dossiers d’instruction, deux ont été ouverts sur la base d’une auto-saisine. Les 18 autres rassemblent un total de 57 plaintes.

 

 

Les collaborations

Lorsqu’il examine un dossier sur le fond, le SI peut faire appel à des expertises extérieures. Les collaborations avec UNIA et l’Institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes (« IEFH ») se sont poursuivies en 2019.

Le SI collabore également avec les instances d’autorégulation, telles que le Jury d’éthique publicitaire et le Conseil de déontologie journalistique.

En 2019, 15 plaintes irrecevables ont été transmises au CDJ (27 en 2018). Ces plaintes portent par exemple sur la presse écrite, l’objectivité de l’information, le traitement d’un sujet par un.e journaliste dans un journal télévisé, ou encore le respect de la vie privée.

Dans certains dossiers, le CSA et le CDJ sont tous deux compétents. Une procédure « dite conjointe » se met en place, dans laquelle le CDJ rend un avis fondé sur le respect de la déontologie journalistique et le CSA se prononce ensuite sur la base de la législation audiovisuelle. Cinq instructions ouvertes en 2019 ont fait l’objet d’une procédure dite conjointe, dont trois sont toujours en cours en 2020.

Ces procédures peuvent en effet s’avérer particulièrement longues, compte tenu des étapes à respecter de part et d’autre. Une procédure simplifiée a été adoptée par les deux instances. Celle-ci permet de réduire les délais de traitement et d’éviter l’ouverture de dossiers d’instruction essentiellement formels.

Quatre dossiers ont ainsi été classés sans suite au CSA puis transférés au CDJ pour analyse uniquement sous l’angle de la déontologie journalistique.

 

Les instructions

 

Dossier relatif à l’accessibilité des programmes d’information aux personnes en situation de déficience sensorielle

Le SI a été saisi de deux plaintes relatives à la non-diffusion du journal télévisé en traduction gestuelle sur La Trois, remplacé par le concours Reine Elisabeth, durant les semaines du 5 mai et du 20 mai 2019. Les plaignant.e.s pointaient l’importance d’avoir accès aux informations, en particulier juste avant le scrutin électoral du 26 mai. Le SI a monitoré la programmation et a constaté que le journal télévisé en traduction gestuelle avait effectivement été déprogrammé et relégué dans la boucle de nuit. Les horaires annoncés n’avaient pas toujours été respectés. S’interrogeant sur l’accessibilité des programmes d’information aux personnes en situation de déficience sensorielle, de surcroit en période électorale, le SI a décidé d’ouvrir une instruction. Le Collège a suivi le SI en estimant que les deux griefs étaient établis et a enjoint la RTBF de diffuser un communiqué.

Dossier relatif à la modération de la page Facebook du programme « C’est vous qui le dites »

Une plainte a été adressée au SI concernant la manière dont était traité un sujet consacré aux migrants du parc Maximilien à Bruxelles dans l’émission « C’est vous qui le dites » ainsi que sur l’absence de modération des commentaires sur la page Facebook de l’émission. Le SI a procédé à un examen de la séquence sur ces deux volets. S’il n’a pas repéré de propos susceptibles de constituer une atteinte à la dignité humaine ou une incitation à la discrimination ou à la violence en ce qui concerne les propos tenus lors du débat, il a cependant estimé, en ce qui concerne la modération de la page Facebook, que certains commentaires paraissaient problématiques. A la suite d’échanges avec l’éditeur, la RTBF a adressé une réponse circonstanciée au SI dans laquelle elle a formulé des excuses envers la plaignante et s’est engagée à améliorer le processus de modération. Le SI a par conséquent estimé que la procédure avait produit ses effets et a décidé de classer le dossier sans suite.

 

Dossiers relatifs au respect de l’égalité entre les femmes et les hommes

Deux plaintes portant sur le respect de l’égalité entre les hommes et les femmes ont été l’occasion de solliciter l’avis de l’Institut pour l’Egalité entre les femmes et les hommes.

La première portait sur une blague sexiste racontée par Mr. Bigard dans l’émission « Touche pas à mon poste ». Interrogé, l’IEFH estime que l’on se trouve dans le registre de l’humour sexiste, dont la banalisation de la violence est un des ressorts comiques ; il estime que ce type d’humour participe à la culture des violences. Toutefois il ne peut pas constater une atteinte à la loi du 22 mai 2014 tendant à lutter contre le sexisme dans l’espace public car elle exclut de son champ les blagues et la publicité ; par ailleurs, il n’y a pas d’intention délictueuse, condition exigée par cette loi qui a été conçue comme une avancée dans la lutte contre le sexisme sans toutefois être attentatoire à la liberté d’expression et à la liberté artistique. Le dossier a été classé sans suite, les propos ayant été considérés comme couverts par la liberté d’expression.

La deuxième plainte portait sur le programme « Go for zero » (Plug TV) qui diffusait un sketch humoristique. L’IEFH a considéré que le sketch véhiculait des stéréotypes sexistes tant sur les femmes que sur les hommes et sur les rapports de genre. Cependant, l’IEFH a également considéré que la séquence était « difficilement appréhendable juridiquement » et n’a dès lors pas conclu que le programme dénoncé n’était pas conforme au principe d’égalité entre les femmes et les hommes. Prenant en considération le type de programme et son caractère humoristique, et s’appuyant sur une série d’indices pour évaluer la gravité (le contenu, le ton, le nombre de stéréotypes véhiculés, l’heure de diffusion…) du contenu sexiste, le SI a classé le dossier sans suite. En outre, il a tenu compte du fait qu’il s’agissait d’un programme très court, dont l’objectif est de sensibiliser à la courtoisie au volant par le biais de sketchs humoristiques et a eu égard à l’interprétation restrictive de l’exception à la liberté d’expression. L’éditeur a toutefois été sensibilisé à la question.

 

Dossier relatif à l’insertion de publicités dans le journal télévisé

Une plainte a été adressée au SI en septembre 2019 au sujet de coupures publicitaires du journal télévisé de la mi-journée de RTL-TVi. Le SI a effectivement constaté que la formule de la tranche d’information de la mi-journée avait été modifiée et que le journal télévisé était désormais chaque jour interrompu à deux reprises par de la publicité. Or, le décret SMA interdit l’insertion de publicité dans les journaux télévisés. Le Collège a décidé de notifier le grief à l’éditeur.

 

Conclusion

Alors que dans le rapport d’activités de l’année précédente, on se réjouissait du nombre important de dossiers et plus encore de l’augmentation du nombre de dossiers recevables, force est de constater que la tendance ne s’est pas maintenue. On se félicitait pourtant d’une meilleure identification du CSA, de son rôle et de ses compétences auprès des citoyen.ne.s.

Que dire de cette année, alors que la proportion de plaintes recevables a diminué ?  En tous les cas, cela ne fait qu’accentuer notre motivation à  poursuivre l’œuvre de communication avec nos publics. Le lancement de notre nouveau site internet devrait à cet égard contribuer à mieux les informer et mieux les aiguiller.

Une vision optimiste des choses ne nous interdit d’ailleurs pas de penser que la diminution du nombre de plaintes pourrait être le signe d’une diminution du nombre de motifs de plaintes. Les médias s’approprient sans doute de mieux en mieux les règles qui régissent leur activité. Ainsi, il est probable que l’année électorale 2018 ait servi de révision générale des réglementations et procédures pour l’année de triple scrutin qu’a été 2019, au cours de laquelle les plaintes ayant pour objet les élections se sont révélées moins nombreuses.

A l’heure d’écrire ces lignes, on ignore encore si 2020 connaîtra des élections. Quoi qu’il en soit, les défis ne manquent pas. Il sera sans doute trop tôt pour avoir à connaître des dispositions transposant la Directive Services de médias audiovisuels. Cela ne nous empêchera pas pour autant d’observer d’ores et déjà les plateformes de partage de vidéos.

De même, on restera vigilant quant à l’application du règlement adopté en 2018 sur l’accessibilité des programmes. Ce dernier a servi de base à une première instruction sur le sujet en 2019, aboutissant sur une notification de grief. Preuve de son utilité.

 

Les deux sujets ayant le plus mobilisé les publics en 2019 sont la communication commerciale et la dignité humaine. Un sujet en particulier a fait l’objet d’une plainte multiple qui dénonce le non-respect de la dignité humaine, en l’occurrence celle de migrants. Or, on l’a dit, les plaintes sont un reflet de la société. Ces chiffres nous montrent la réalité de la crise des migrants, mais aussi cette part d’humanité qui mobilise les téléspectateurs et les téléspectatrices. Ceci nous rappelle que le CSA doit continuer à être un outil de défense des valeurs fondamentales de notre société.