Jumelage entre la HAICA, le CSA belge et l'Ina : le bilan d'une belle aventure
Le mercredi 9 décembre 2020, les régulateurs de l’audiovisuel tunisien (HAICA) et belge (CSA), ainsi que l’Institut national de l’audiovisuel français (Ina) ont clôturé deux années d’intense collaboration ayant pour objectif de renforcer la régulation des médias en Tunisie. 300 jours d’échanges entre les partenaires à Tunis, mais aussi Bruxelles, Paris ou encore Pavie, ont rythmé des dizaines d’activités, d’ateliers, de formations ou d’événements communs.
Avant propos
Instrument de renforcement des capacités institutionnelles d’une institution publique mis au point par la Commission européenne, un Jumelage repose sur une coopération entre pairs – l’institution publique d’un État membre de l’UE (ou de plusieurs Etats membres, comme dans le ca de ce Jumelage-ci) et celle du pays bénéficiaire, pour atteindre des résultats spécifiques convenus conjointement.
Concrètement, le renforcement des capacités de l’institution bénéficiaire s’exécute par une série d’activités, d’échanges de bonnes pratiques et de visites d’études, pendant lequel les deux entités partenaires collaborent et tissent des liens humains et professionnels.
La pertinence d’un tel projet réside dans le transfert d’expertise dans des domaines relevant exclusivement du secteur public, visant l’obtention de résultats pleinement opérationnels dans un domaine particulier.
Le projet de Jumelage présent a ainsi associé la Haute Autorité Indépendante de la Communication et de l’Audiovisuel (HAICA) tunisienne, en tant qu’entité bénéficiaire, au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) belge, en tant que partenaire principal, sur deux années (d’octobre 2018 à décembre 2020). Ce projet, tout d’abord formulé par le Gouvernement tunisien à la demande de l’institution bénéficiaire, est financé et exécuté dans le cadre du Programme d’Appui à l’Accord d’Association et à la Transition Phase III (P3AT3) de l’Union Européenne, et vise à contribuer à la réussite de la transition démocratique et économique en Tunisie.
Intégré dans un contexte politique particulier marqué par une nécessité de consolider les acquis de la révolution de 2011 et de mettre en œuvre la nouvelle Constitution de 2014, ce jumelage intervient auprès d’une autorité de régulation jeune d’un peu plus de 5 années (la HAICA a été créée le 3 mai 2013) dont l’un des plus gros défis reste celui d’asseoir son autorité et sa légitimité.
Financé par l’Union européenne à concurrence de 800 000 euros, le projet doit, comme tout projet européen, répondre à un objectif général et un ou plusieurs objectifs spécifiques. L’objectif général est ici de contribuer à garantir la liberté d’expression et d’information, ainsi qu’une information pluraliste et intègre en Tunisie. L’objectif spécifique recouvre quant à lui la nécessité de renforcer les capacités de l’Instance constitutionnelle chargée de la régulation et du développement du secteur de la communication audiovisuelle en termes de stratégie, d’organisation, de compétences et d’outils nécessaires de sorte à optimiser la réalisation de ses missions. Ceci en conformité avec les principes partagés avec l’Union européenne de pluralité, de liberté d’expression et de renforcement du processus démocratique.
Pour remplir ces différentes missions, les institutions partenaires ont également fait appel à l’Institut National de l’Audiovisuel (INA) français pour prendre en charge le volet du Jumelage relatif à la question de la captation et à l’archivage des programmes audiovisuels, ainsi que ponctuellement à l’Observatoire de Pavie1 pour un travail sur le pluralisme politique dans les médias en temps électoral.
Chaque membre du consortium a un rôle.
La HAICA, bénéficiaire du projet, s’engage à assurer la mise en œuvre du projet et d’atteindre les résultats obligatoires. Au niveau politique d’une part, en procédant aux réformes et organisations requises ; au niveau pratique, d’autre part, en fournissant les moyens nécessaires à la réalisation du projet : des responsables pour chaque volet du projet, des cadres disponibles pour la mise en œuvre des activités, des informations détaillées sur les services concernés et une infrastructure logistique appropriée.
Le CSA s’engage pour sa part à assurer la mise en œuvre du projet et à atteindre les résultats obligatoires en fournissant les moyens nécessaires à la réalisation du projet : un.e chef.fe de projet disponible, un.e Conseiller.e Résident.e au Jumelage (CRJ) détaché.e à plein temps au siège de la HAICA, des expert.e.s à court et à moyen terme (ECT) compétent.e.s et une gestion administrative et financière diligente, efficace et responsable.
L’administration contractante, l’UGP3A, assure quant à elle au nom du Gouvernement tunisien la supervision de la mise en œuvre du projet couvrant les aspects opérationnels et financiers. Elle assiste les partenaires pour l’élaboration du plan de travail initial puis des plans ultérieurs, assure le suivi de la mise en œuvre du projet en étroite collaboration avec les partenaires, participe aux réunions du comité de pilotage, approuve les rapports trimestriels intermédiaires et le rapport final.
Une autre entité a un rôle important à jouer dans un tel projet, il s’agit de la Délégation de l’UE dans le pays bénéficiaire. Elle suit les progrès accomplis en vue de l’obtention et de la pérennisation des résultats obligatoires et peut également offrir un soutien pour faciliter la bonne mise en œuvre du projet. De la même manière que l’UGP3A à laquelle elle est liée, la DUE assiste les partenaires pour l’élaboration du plan de travail initial et ultérieurs, elle participe aux réunions du comité de pilotage, approuve les rapports trimestriels intermédiaires et le rapport final et met à disposition le budget nécessaire.
Le Jumelage entre le CSA, l’INA et la HAICA s’est articulé autour de 5 volets distincts décrits ci-dessous.
Durant 2 ans, le Jumelage aura représenté 300 jours d’expertise des conseillers du CSA et de l’INA à Tunis ou à distance, et pratiquement autant de jours de préparation. En poste permanent à Tunis, un Conseiller résident organise les travaux au quotidien tandis qu’un Chef de projet mobilise l’expertise au CSA à Bruxelles et son homologue de l’INA à Paris.
Au total, on dénombrera plus d’une centaine d’activités, répartie sur plus de 70 ateliers et 15 visites d’études, étalés chacun sur une semaine.
Le résumé du jumelage par volet
Cinq grands chantiers (volets) ont été investis tout au long du jumelage. Un volet « prospective et stratégie », un volet consacré au « monitoring et à la régulation », un volet dédié à « l’archivage et à la documentation », un volet « études et recherches » et un dernier volet portant sur la « communication ».
Retrouvez ci-dessous le condensé des résultats du jumelage par volet.
Les mots des Présidents
Deux années d’intense collaboration sous le regard des Présidents de la HAICA et du CSA belge.
Entretien avec Éric Rault (INA)
Responsable du volet “Archivage” pour le Jumelage
Les mots de Delphine Wibaux
Délégation aux Affaires Internationales de l’INA
Entretien de Marcus Cornaro
Ambassadeur de la délégation de l’Union Européenne en Tunisie
Les deux visages belges qui se cachent derrière le jumelage
Entretien avec Paul-Eric Mosseray et Jean-François Furnémont
Le travail au sein du service monitoring est particulier car nous devons agir rapidement sur les violations identifiées
Entretien avec Noujeil Heni Responsable service monitoring (HAICA)
De la régulation au patrimoine audiovisuel : La construction d’une base de données documentaires
Entretien avec Claire Marie Dribault Dujardin, INA
Préserver le patrimoine audiovisuel tunisien et le rendre accessible aux milieux académiques et professionnels
Par Amine Chebbi, équipe technique / informatique HAICA )
La mise en place d'un service d'études et recherches à la HAICA
Entretien avec Joëlle Desterbecq (CSA)
Renforcer la communication de la HAICA : points de vue croisés
Par Marouen Ben Sghaier, Leila Chiboub, Hamza Ben Chaabane (HAICA) et François Massoz-Fouillien (CSA)
Renforcer les procédures pour conférer une plus grande sécurité juridique aux décisions de l’institution
Par Marie Coomans (CSA)
Nous ne sommes pas qu’une simple équipe de travail, mais une famille tuniso-belge solide
Par Sarra Ben Soltane (HAICA) et Mélissande Boyer (CSA)
La mise en place d’un centre documentaire - physique et informatisé à la HAICA
Par Frédéric Vergez (CSA)
Au cœur des missions de monitoring
Entretien avec Senda Mechichi, Chargée de projets de Monitoring à la HAICA
Message de Khélil Kammoun
Directeur général de l’UGP3A
Le Jumelage et après ?
Après deux ans de collaboration avec le CSA belge et l’INA pour le renforcement de ses capacités dans les cinq domaines prioritaires développés ci-dessus, le projet et les activités sont terminés mais les liens professionnels et souvent amicaux restent, bientôt prolongés par un événement de clôture miroir à Bruxelles au premier trimestre 2021 en présence des acteurs belges de la coopération internationale et dans le cadre du programme Tunisie en Mouvement.
Et bien sûr, la HAICA est appelée à poursuivre son développement et approfondir ses missions, dans le contexte encore incertain d’une réforme de son cadre juridique.
Si la HAICA a raffermi sa légitimité dans le paysage audiovisuel tunisien au cours de ces dernières années, de nombreux défis restent à relever. Certains d’entre eux deviennent de véritables enjeux de société, comme la lutte contre la désinformation, qui implique les régulateurs et de nombreux acteurs de l’information, qui fait face à une crise de confiance sans précédent.
La HAICA entame aussi une nouvelle mission dans l’accompagnement des missions des médias de service public, qui doivent conserver une place centrale dans tous les canaux de distribution plébiscités par le public. Avec la télévision publique, c’est aussi un contrat de confiance qui est appelé à se construire, autant qu’un cercle vertueux où le média public peut devenir le vecteur essentiel de la citoyenneté comme de la création culturelle. Et dans tous les médias, la gouvernance comme l’indépendance par rapport aux forces politiques restent encore un combat de tous les instants.
Enfin, la révolution numérique met la HAICA et les régulateurs en général devant de nombreux défis. Si beaucoup des mesures d’intérêt général restent les bons caps à tenir, les méthodes de régulation classiques des médias radio et TV sont promises à l’obsolescence, au moment où viennent s’ajouter les géants du numérique et leurs plateformes de streaming vidéo telles Netflix et YouTube. Le régulateur n’a encore que peu de poids et de ressources face à celles-ci alors qu’elles entrent en concurrence avec les médias traditionnels sans la moindre contrainte légale locale. L’enjeu consiste ici à garantir un certain bien commun aux utilisateurs et consommateurs de médias. Les régulateurs, dont la HAICA, doivent se doter rapidement de moyens juridiques et techniques afin de reprendre un tant soit peu le contrôle sur ces plateformes.
Quant au CSA, il fait face aux mêmes défis à des degrés divers. La coopération et le partage d’expérience entre ses pairs régulateurs, entamés depuis plusieurs années, figurent à présent dans sa Charte de valeurs. C’est fort de cette expérience incontestablement positive pour l’institution comme pour ses équipes qu’il entend poursuivre dans cette voie.
Remerciements
Le CSA et la HAICA remercient l’Union européenne, sa Délégation à Tunis et l’UGP3A pour la confiance accordée durant la mise en œuvre de ce projet de coopération entre nos deux institutions, ainsi que pour la visibilité dont ils ont pu faire bénéficier le Jumelage.
Nous remercions également vivement notre partenaire l’INA d’avoir assuré un travail de grande qualité et la prise en charge complète du volet Archivage et captation des programmes audiovisuels auprès des équipes de la HAICA.
Nous souhaitons remercier les experts de l’Observatoire de Pavie, venus additionner leur expertise de la pluralité de la représentation politique à celle de l’HAICA pour la période électorale de l’automne 2019.
Le Jumelage est devenu une véritable colonne vertébrale, sur laquelle nous avons pu greffer plusieurs actions complémentaires. Pour cela, nous voudrions aussi remercier nos différents soutiens parallèles : le Conseil de l’Europe et son bureau à Tunis ; Wallonie-Bruxelles International et son Délégué général à Tunis ; Le programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) ; le Coopération suisse; le PAMT – Programme d’appui aux médias tunisiens – et son équipe à Tunis.
Remerciements spéciaux à ;
Jean-François Furnémont et Nouri Lajmi (responsables de volet Prospective).
Paul-Eric Mosseray et Faycel Mhimdi (responsables du volet Monitoring et Evaluation). Senda Mechichi (projets), Monia Fersi (Infractions), Nada Kaboubi (publicité). Abir Mathlouti, Chawki Saidani et Nedhra Marsi (Rapporteur et rapporteuses du Conseil et Service juridique HAICA). Geneviève Thiry (experte du CSA), Marie Coomans (Secrétariat du Collège), Maxime Fabry et Minh Giang Do Thi (Secrétaire d’Instruction).
Éric Rault et Amine Chebbi (responsables du volet Archivage). Claire-Marie Dribault-Dujardin et Kaouthar Hamed (expertes INA).
Joëlle Desterbecq et Hichem Snoussi (responsables du volet Etudes et Recherche). Fréderic Vergez et Marwa Saidani (Centre Documentation) ; Benoit Renneson (Monitoring).
François Massoz-Fouillien (responsable du volet Communication), Leila Mabrouka, Marouen Ben Sghaier et Hamza Ben Chaabane et Tarek Zahraoui (Unité information et TIC).