Ce lundi 8 novembre, l’ancienne employée de Facebook et lanceuse d’alerte Frances Haugen était invitée à Bruxelles à une audition publique au Parlement européen. Avec des milliers de documents obtenus sur le réseau social interne de l’entreprise, Frances Haugen avait dénoncé, plus tôt dans l’année, les conséquences négatives des produits de l’entreprise sur la démocratie et la securité des usagers, en ce compris les enfants. Les documents témoignent de l’opacité de l’entreprise, plus spécifiquement sur le fonctionnement de son algorithme qui favorise les discours de haine, la désinformation et des modèles polarisants qui augmentent la division.  Sa conclusion est claire : les profits prennent le pas sur les intérêts des citoyen.ne.s et sur la démocratie. 

L’audition de Frances Haugen était très attendue par les régulateurs de l’audiovisuel car elle s’inscrit à l’aube d’un vote majeur, celui du Règlement européen sur les services numériques – le Digital Services Act (DSA). Ce Règlement a pour ambition de créer un environnement en ligne plus sûr et davantage protecteur des droits fondamentaux. Frances Haugen n’a pas hésité à qualifier l’Europe de « lumière dans l’obscurité ». Elle a rappelé que ce projet de Règlement européen était unique au monde et servira sans doute d’exemple en ce compris pour les Etats-Unis. Pour Karim Ibourki, Président du CSA, « sil’audition de Frances Haugen nous confirme, une nouvelle fois, à quel point il est urgent de réguler les plateformes en ligne, elle nous rappelle surtout que nous n’avons pas intérêt à louper le coche. Le DSA est une chance unique et il faut tout mettre en œuvre pour s’assurer qu’il soit effectif. 

Depuis plusieurs mois, le groupe des régulateurs européens de l’audiovisuel (ERGA) dont le CSA occupe la vice-présidence, soumet ses recommandations à la Commission et au Parlement européen en vue du vote du DSA. Le fil rouge de ces recommandations est celui de l’effectivité du Règlement. Selon l’ERGA, la Commission européenne doit s’employer à renforcer la collaboration entre les régulateurs nationaux. Le DSA prévoit de constituer un système complexe composé de 27 coordinateurs et d’une coupole pour s’assurer de l’application du Règlement. Une méthodologie qui représente un risque important d’ineffectivité selon l’ERGA, puisque ce sont des milliers de dossiers transfrontaliers qui devront être traités. « Pour lutter contre les contenus illicites sur les plateformes en ligne, il faut un cadre européen fort, mais ce sont les régulateurs nationaux qui doivent collaborer entre eux pour l’appliquer » insiste Karim Ibourki.  

La transparence doit être une des mesures phares envisagée par le futur Règlement. Lors de son audition, Frances Haugen a rappelé que, même au sein de Facebook, peu de gens savent comment fonctionne l’algorithme. Il faut donc que le DSA prévoit un accès aux données tant aux régulateurs qu’aux  expert.e.s externes et indépendants permettant de le comprendre. Dans le même temps, les plateformes doivent mettre en place des « contre-mesures » permettant de palier aux conséquences négatives  de l’algorithme et que ces dernières soient contrôlées par les régulateurs.   

Le DSA marque la fin d’une période de confiance aveugle envers les plateformes en ligne. La responsabilité des plateformes en ligne doit être renforcée et ce dans l’intérêt des citoyen.ne.s. C’est ce qu’on retiendra de l’audition de Frances Haugen. « Jusqu’à aujourd’hui, les plateformes ont revendiqué le droit de s’autoréguler au nom de la confiance que l’on devait leur porter. Elles ont aussi justifié leur opacité au nom du secret professionnel. Frances Haugen nous a rappelé qu’il fallait mettre en place un système de contrôle externe effectif dans le respect de la liberté d’expression ». Conclut Karim Ibourki.  

L’accord interinstitutionnel (Parlement européen et Conseil) sur le texte final du DSA est attendu pour le mois de juillet 2022. D’ici-là, les régulateurs nationaux espèrent que leurs recommandations seront prises en compte.  

 

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