La directive européenne des services de médias audiovisuels (SMA) a fait l'objet d'un accord entre la Commission, le Conseil et le Parlement européen. De nouvelles mesures qui impacteront le paysage audiovisuel tant du point de vue des acteurs que des publics. 

 

 

De nombreux fournisseurs de SMA ne respectent pas les règles plus strictes des pays dits de réception

 

En Belgique, comme dans de nombreux pays de l’Union  européenne, tous les acteurs d’un même paysage audiovisuel ne sont pas régulés de la même manière. Certains d’entre eux proposent un contenu audiovisuel spécifiquement destiné au public d’un pays mais agissent sous couvert de la législation d’un autre pays. Ils contournent ainsi – volontairement ou non – la législation du pays auquel ils s’adressent principalement. C’est de cette manière qu’un SMA visant le public belge francophone peut être régulé en Espagne, aux Pays-Bas ou au Luxembourg.  La directive SMA dont l’objectif initial était de faciliter la diffusion pan-européenne des SMA et des œuvres européennes ne s’y opposait pas vraiment, au risque de créer des conditions de concurrence déloyale, de ne pas garantir un même degré de protection des consommateurs et des mineurs ainsi que de menacer la diversité culturelle.

 

Lorsqu’elle permet le contournement des règles du pays spécifiquement visé, la liberté d’établissement que met en œuvre la directive SMA crée des situations d’inégalité de traitement, notamment économique.  De tels services ne contribuent en effet pas de manière équivalente à la production de contenus audiovisuels européens et de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ils développent des pratiques publicitaires pourtant interdites aux autres fournisseurs de services qui sont, eux, régulés sur base de la législation du pays ciblé. Cette législation peut être plus stricte ou détaillée que la directive  SMA, moyennant contrôle de la Commission européenne. La pratique du contournement met à néant cette possibilité offerte par la directive.

 

L’ERGA(1)  et le  CSA proposaient de  réduire ces situations d’inégalité de traitement en faisant évoluer l’approche stricte du principe dit du pays d’origine(2).

 

Les cas de contournement de la législation  nationale par des fournisseurs de services concernent de nombreux pays européens. Le plus souvent, ce sont des services VOD qui sont pointés du doigt mais pas uniquement. Si elle allait dans la bonne direction, la proposition intiale de directive modifiée par la Commission ne rencontrait que partiellement les conséquences de ces situations.

 

D’abord, la proposition initiale de la Commission intégrait la nécessité pour les Etats Membres  et leurs  régulateurs de préciser  les critères de rattachement des fournisseurs de services à la compétence d’un seul d’entre  eux. La compétence d’un et un seul Etat est un principe  fondamental  de la directive SMA. Cependant, dans cette proposition, le critère du lieu où sont adoptées les décisions éditoriales restait non résolu : rien n’était dit de la nature  des décisions concernées, alors qu’il s’agit d’un critère essentiel pour déterminer qui est le fournisseur du service et où il est établi. C’est désormais chose faite, puisque l’accord obtenu en avril apporte des précisions essentielles quand à la nature des décisions éditoriales.

 

Ensuite, dans la situation où un fournisseur de service de télévision ciblerait manifestement un pays autre que son pays d’établissement, la proposition initiale de la Commission semblait vouloir renforcer la nécessité de prouver qu’il y a une intention de contournement  en ajoutant un échéancier contraignant à une procédure déjà considérée par beaucoup d’autorités européennes comme difficile à mettre en œuvre. Une perte de temps, estimait le CSA, qui plaidait avec ses collègues européens pour une simplification de la procédure  et la nécessité  d’adopter les décisions  relatives  à la juridiction dans un délai raisonnable. Pour le CSA, le test établissant le ciblage explicite d’un Etat par un service de télévision devrait  suffire à lui appliquer  les règles plus strictes de cet Etat. À nouveau, l’accord obtenu fait un grand pas avant, puisque les Etats concernés par un ciblage « devront » coopérer pour dégager des solutions, et il ne sera  plus nécessaire de « prouver » l’intention de contournement par un éditeur, mais seulement d’établir la réalité du ciblage par des éléments concrets.

 

1. ERGA :  Le groupe des régulateurs européens de l’audiovisuel

2. Le principe  de pays d’origine permet de définir le territoire au sein duquel le fournisseur de SMA sera régulé.

 


 

C’est quoi le contournement de la compétence territoriale ?

 

La directive SMA prévoit qu’un fournisseur de  services est  soumis aux obligations de l’ Etat dans  lequel il est établi, le pays avec lequel il entretient une relation économique durable. Selon la directive SMA, cet  établissement est déterminé lorsque sont réunis deux des trois critères suivants : le lieu du siège social, le lieu où sont prises les décisions éditoriales et le lieu où la majeure partie du personnel travaille.

 

En  jouant sur  ces  trois critères, un fournisseur de services peut choisir de s’établir dans un  pays  qui  offre un cadre législatif minimal et des conditions de régulation moins contraignantes et de proposer un service entièrement  dédié à un autre pays. Cette pratique est connue sous le nom de Forum Shopping ou Shopping territorial. Le dispositif qu’avait proposé la Commission restait toujours insuffisant pour empêcher le fournisseur de décréter, par exemple, qu’il prend ses décisions éditoriales là où ne travaillent pourtant habituellement pas les principaux responsables des chaines en question. Ce comportement permet alors à ce fournisseur de services de contourner les obligations plus strictes ou plus détaillées du pays de destination/réception des services.

 

 

  

 

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