Le CSA publie son bilan relatif au contrôle annuel des douze télévisions locales actives en Fédération Wallonie-Bruxelles. Cette synthèse met en perspective la manière dont ce secteur concrétise ses missions locales de service public. Elle dégage certaines tendances et perspectives. Le point en quatre thématiques.

 

 

La fin de la course à la production propre ?

 

Moins d’impact sur la subvention

En Fédération Wallonie-Bruxelles, chaque télévision locale bénéficie d’une subvention annuelle de fonctionnement composé de deux parties : la première est fixe la seconde est variable. La partie variable est calculée selon quatre critères : la durée des programmes produits ; la population de la zone de couverture ; le nombre de salariés ; la « productivité » (sorte de ratio entre les critères 1. et 3.).

La partie variable de la subvention consiste à répartir un montant fixe (une « enveloppe fermée »), indexé annuellement, entre les douze éditeurs. Cela signifie concrètement que plus une télévision locale obtient un « bon bulletin » au regard des 4 critères précités, plus sa subvention augmente. Mais, en vertu d’un jeu de vases communicants, les subventions des autres télévisions locales diminuent. Ceci occasionne un manque de prévisibilité budgétaire pour le secteur dans son ensemble.

 

Parmi les quatre critères évoqués, celui de la production propre est pondéré de manière plus importante dans le calcul de la partie variable des subventions. Résultat : les télévisions locales sont engagées, depuis plusieurs années, dans une course effrénée à la production propre d’une qualité se révélant parfois inégale. Une concurrence malsaine en découle pouvant mener, dans certains cas extrêmes, à un appauvrissement de la programmation dû à une dilution progressive des budgets affectés à la production. En clair, trop de production propre de qualité discutable empêche dans certains cas l’accueil d’autres types de programmes.

Lors de ses contrôles annuels successifs, le CSA s’est plusieurs fois prononcé en faveur d’aménagements en la matière. C’est, en effet, au CSA que revient la charge d’établir les durées annuelles de production propre de chaque TVL. Et le régulateur est donc en première ligne pour constater les dérives du système mis en place pour objectiver le calcul des subventions de chaque télévision. Il doit ainsi s’assurer que la déclaration relative à la production propre introduite par chaque télévision locale est conforme aux définitions décrétales. Le cas-échéant, le CSA doit rectifier certaines estimations trop « optimistées ».

En conséquence, le CSA ne peut que se réjouir de l’accord sectoriel dégagé fin 2016 entre les douze télévisions locales au sein de leur Fédération, afin de lisser l’impact du critère de la production propre sur le montant des subventions. Par l’introduction d’un système de plafonds et de moyennes dans les calculs des subventions, le secteur et le Ministre des Médias entendent limiter les variations « saisonnières » qui intervenaient dans le financement de chaque éditeur et ainsi mettre un terme à la compétition stérile qui sévissait depuis des années.

Des obligations formulées en durées

Cette réforme contenue dans le financement s’accompagne d’une réforme des quotas de production propre imposés à chaque télévision locale. Pour rappel, en tant qu’éditeurs de service public, les télévisions locales doivent valoriser les spécificités régionales de la Fédération Wallonie-Bruxelles et, par conséquent, produire elles-mêmes une proportion importante de leur programmation.

En 2014, le Gouvernement a officialisé le passage, pour cette obligation, d’une logique de proportion de la programmation à une logique de durée minimale. Concrètement, chaque éditeur doit dorénavant produire en propre au moins 250 minutes de programmes en moyenne hebdomadaire calculée sur l’année. Par souci de cohérence avec cette norme fixée dans les conventions individuelles des TVL, le CSA souhait voir aboutir la réflexion politique menée actuellement visant à remettre en question l’obligation décrétale, pour chaque télévision locale, de produire au moins 50% de sa programmation. La combinaison de ces deux obligations empêche, en pratique, le développement des grilles de programmes par des coproductions et des acquisitions de programmes.

 


Le CSA perçoit dans ces évolutions une opportunité pour les télévisions locales d’ouvrir leurs grilles à de nouveaux types de programmes et à de nouveaux partenariats (associations locales, créateurs indépendants, échanges internationaux). En effet, cet « appel d’air » ne se fera plus au détriment des subventions ou du respect des quotas de production propre. Les éditeurs ont donc la possibilité de développer une programmation plus dynamique et mieux équilibrée entre expertise interne et ouverture sur l’extérieur.


 

 

 

Un dynamisme sans précédent sur les réseaux sociaux

 

En tant que médias de proximité, les télévisions locales développent des stratégies de plus en plus performantes sur les réseaux sociaux. Une stratégie incontournable lorsqu’on sait que ces réseaux deviennent la source principale d’information des jeunes générations, une des missions locales de service public dédiées aux TVL.

Outre le développement d’offres télévisuelles « à la demande » via leur site Internet, les éditeurs marquent leur présence sur Facebook et Twitter via la publication d’informations locales, d’autopromotion, de concours, etc. Certains programmes interactifs disposent également de pages dédiées sur Facebook. Le recours à ces plateformes permet aux éditeurs d’interagir directement avec leurs publics. En l’absence, malheureusement, de chiffres d’audience précis, cette adhésion en ligne peut être un bon indicateur de la manière dont les télévisions locales parviennent à toucher leurs publics.

Sur l’année écoulée, le nombre de mentions « j’aime » récolté sur Facebook par l’ensemble du secteur est en augmentation de 40% pour atteindre plus de 160.000 personnes. Dans le même temps, le secteur a vu ses « followers » sur Twitter augmenter de 28% pour atteindre près de 30.000 abonnés cumulés.

En outre, certaines télévisions locales développent des activités sur Instagram et sur YouTube. D’autres disposent également d’applications spécifiques.

 


Ces efforts et résultats sont à souligner dans un contexte où ces stratégies de communication ne sont a priori pas couvertes par les subventions octroyées aux télévisions locales. La consommation d’information sur les réseaux sociaux dépasse désormais celles des médias linéaires et de la presse écrite, surtout pour le public jeune. Cet investissement supplémentaire consenti permet donc aux télévisions locales de maintenir un lien continu avec leurs publics et d’imposer utilement leur marque dans l’environnement connecté.


 

 

Synergies

 

Les télévisions locales se serrent les coudes…

 

Lors du contrôle précédent, le CSA constatait un dynamisme sans précédent dans les synergies développées entre télévisions locales. Les coproductions de programmes, en particulier, connaissaient un pic record. Cette tendance se confirme en 2015 avec 219 heures de programmes coproduits sur l’année, parmi lesquels « L’info de l’été » (TV Lux et Matélé), « Mobil’idées » (Télévesdre et Canal C), ou encore « Canal et Compagnie » (Canal C et Canal Zoom).

Le CSA rappelle à cet égard le rôle moteur joué par la Fédération des télévisions locales dans la coordination de projets de coproduction à grande échelle, comme « Bienvenue chez vous », « Ravel » ou la retransmission de séances du Parlement wallon. Les modalités de coproduction mises en place dans ce cadre semblent très efficaces : production d’un tronc commun assorti de séquences déclinées localement.

 


Focus: La mémoire des rues

Le désormais bien connu format de jeu télévisé développé par Antenne Centre, est dorénavant coproduit à l’échelle de toute la Province du Hainaut et implique dès lors Télé MB, Télésambre et Notélé. Si les coproductions entre télévisions locales poursuivent une courbe ascendante, les autres types de synergies imposées par la législation ne sont pas en reste : échanges de programmes (en moyenne 20% du temps d’antenne), collaborations techniques autour de la couverture d’évènements locaux, partenariats « hors antenne » (archivage, création de centrales d’achat de matériels, formation, etc.).


 

… mais la RTBF est moins impliquée

 

Le décret sur les médias audiovisuels, les conventions conclues avec chaque télévision locale, ainsi que le contrat de gestion de la RTBF incitent les éditeurs télévisuels de service public à établir entre eux plusieurs formes de synergies. L’analyse des rapports 2015 des TVL confirme les constats de l’exercice précédent : si des collaborations régulières et efficaces existent entre les télévisions locales, les rapports entre une majorité d’entre-elles et la RTBF sont plus ponctuels.

Sur cet aspect du contrôle, l’avancée majeure est la mise en ligne du portail collaboratif « Vivre ici » qui propose, à la demande, des séquences extraites des journaux télévisés de la RTBF et des 12 télévisions locales. Les vidéos peuvent être filtrées par localité. Il s’agit d’une belle concrétisation commune.

Le CSA rappelle néanmoins que, si des synergies sectorielles sont plus que jamais nécessaires, il convient également de maintenir une intensité suffisante dans les synergies pratiques quotidiennes, telles que les coproductions bipartites, la couverture commune d’événements locaux, la systématisation des échanges d’images, etc. Sur ces points, la situation actuelle reste préoccupante.

 


Le CSA poursuivra ses encouragements à toutes les parties afin que la réflexion se poursuive et se développe sur ce point du contrôle. En parallèle, il soutiendra toute réflexion, notamment politique, afin qu’une stratégie puisse être définie pour garantir l’avenir des collaborations entre les télévisions publiques belges francophones. L’obligation formelle de développer des synergies, pour pouvoir être précisément mise en place et contrôlée, nécessite l’élaboration d’une méthode de travail respectueuse de l’indépendance et des réalités de chacun. Le CSA plaide pour une meilleure définition des objectifs qui permette à l’obligation d’être à la fois plus efficace et mieux intégrée.


 

 

Conseils d’administration : équilibrer les expertises

 

Le CSA rappelle la nécessité pour les télévisions locales de disposer d’organes de gestion ouverts, composés d’expertises diverses (économiques, culturelles, artistiques, académiques, associatives) ancrées dans leur espace socio-culturel. Sur ce point, la composition des conseils d’administration fait l’objet d’un encadrement décrétal: la répartition 50/50 des sièges entre « mandataires » publics et « représentants de secteurs associatif et culturel ». L’objectif du législateur est triple : 1. Refléter les forces vives de chaque zone de couverture, 2. soutenir les télévisions locales dans l’expression de leur créativité, 3. maintenir un lien légitime avec les autorités politiques locales tout garantissant le principe d’indépendance éditoriale.

Or, depuis plusieurs contrôles, le CSA constate que de manière significative les représentant.e.s associatifs et culturels qui siègent dans les conseils d’administration sont, soit d’anciens mandataires publics, soit des représentants de partis politiques. Le décret sur les services de médias audiovisuels ne prend pas en compte ces « représentants politiques » lorsqu’il fixe la règle des 50% de « mandataires publics ».

En 2015, dans 7 télévisions locales, plus de 60 % des membres des conseils d’administration sont des représentants de partis politiques, qu’ils soient mandataires publics ou non. Dans certaines situations, le CSA constate que la représentation équilibrée des courants idéologiques voulue par la loi dite du Pacte culturel (la proportionnalité entre les partis) et exigée par le décret n’est pas calculée uniquement sur les mandataires publics mais bien sur une proportion plus large de membres du CA.

Le CSA est bien conscient du fait qu’un représentant politique peut également apporter une expertise culturelle, professionnelle ou académique utile au développement d’une télévision locale. , Mais cette ambigüité dans la législation et son interprétation peut aussi décourager des personnes qui souhaiteraient s’investir dans un média de service public et de proximité, sans référence à un courant politique particulier. À titre d’exemple, toujours en 2015, les représentants issus des mondes académique, artistique ou économique sont des profils peu représentés au sein des conseils d’administrations.

 


Dans la perspective du prochain renouvellement des conseils d’administration, consécutif aux élections communales de 2018 en Wallonie, le CSA considère que des clarifications pourraient être apportées aux règles de répartition des sièges, afin, notamment, de revaloriser le statut de « représentant des secteurs associatif et culturel ». Aussi, il serait plus cohérent que la proportion maximale de 50% soit appliquée non pas aux « mandataires publics » mais bien aux « représentants politiques ». Dans cette perspective, dans le respect du fonctionnement de chaque TVL, il conviendrait à la fois de sensibiliser la société civile à intégrer les structures des médias de proximité que sont les TVL et d’assurer une plus grande transparence au moment de la constitution des conseils d’administration. Ces conseils étant des lieux de décision auxquels le législateur a voulu appliquer des règles de représentativité particulières.


 

 

 

  

 

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