Q : Quel sont les objectifs du régulateur belge dans l’étude sur la représentation des femmes dans les fictions ?

 

L’objectif du partenariat entre le CSA et la HAICA consiste à identifier des problématiques spécifiques mais aussi transversales relatives à la place et représentation des femmes dans les médias, en l’occurrence ici dans les fictions TV. Une fois que ces problématiques sont identifiées, il s’agit de réfléchir à des champs de développement possibles d’actions régulatoires adaptés à des contextes variables et destinés à améliorer cette place et cette représentation. L’étude participe en outre d’un échange d’expériences et de pratiques entre deux régulateurs, tant sur le plan de la régulation que sur le plan de la recherche.

Enfin, le CSA s’est vu confié depuis juin 2016 des missions décrétales en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Il s’agit notamment de réaliser une analyse périodique de la représentation équilibrée des femmes et des hommes. La publication participe aux différentes analyses que nous menons à cet égard.

 

Q : Est-ce que cette étude est une première chez nous ?

 

Des publications existent dans le milieu académique mais elles portent surtout sur les fictions TV françaises et américaines. Elles mettent en exergue des problèmes de représentation à la fois quantitative et qualitative des femmes dans ces fictions. Nous avons souhaité cibler l’analyse sur les fictions coproduites ici en Fédération Wallonie-Bruxelles.

 

Q : Quel est le corpus de cette étude de fictions TV ?

 

En raison du déploiement des politiques publiques de soutien à la production de séries télévisuelles locales, nous avons intégré dans le corpus les fictions à épisodes dans lesquelles la RTBF a investi au cours de l’exercice 2015. Nous avons pris en considération différents modes de production des fictions : des fictions du « Fonds séries » (La Trêve et Ennemi public) ; des webséries (Euh, Typique, Burkland) ; enfin, des coproductions en partenariat avec la France (Clem, Une famille formidable, Candice Renoir). Nous avons donc trois genres de fiction : des séries familiales, des séries policières et des webséries.

 

Q : Quels ont été les critères d’analyse ?

 

Les analyses établies par le CSA et la HAICA reposent sur un cadre méthodologique commun. L’équivalence dans la construction de l’échantillon et des indicateurs était un enjeu important de la méthodologie comparative.

On s’est posé la question de savoir si un rôle est « assigné » aux personnages des fictions en fonction de leur sexe. Et s’il existe, dès lors, des stéréotypes de genre mais aussi d’éventuelles reconfigurations dans les identités et les rapports de genre.

On a donc encodé les personnages principaux et secondaires récurrents des fictions et on a étudié leurs caractéristiques par épisode. Quelles caractéristiques avons-nous étudiés ? Eh bien, on a d’abord analysé quels sont les attributs constitutifs de l’identité du personnage dans le récit (nom/prénom/surnom ; genre ; catégorie d’âge ; état civil ; orientation sexuelle ; maternité-paternité ; catégorie socio-professionnelle ; lieu de vie ; espaces de référence ; mise en valeur du corps ; normes et valeurs ; caractéristiques comportementales, etc.). Ensuite on s’est penchés sur son rôle ou sa fonctionnalité dans le récit. Enfin, on a procédé à une relecture de l’ensemble afin de déterminer s’il existe des stéréotypes de genre mais aussi, des contre-stéréotypes ou anti-stéréotypes de genre.

 

Q : Et quels sont les principaux enseignements de l’étude ? Y-a-t-il une persistance de stéréotypes ?

 

D’un point de vue quantitatif, on a recensé un total de 82 personnages principaux et secondaires récurrents, dont 43,90% de femmes et 56,10% d’hommes. On observe donc une sous-représentation des femmes dans ces séries, puisqu’au 1er janvier 2016, la proportion de femmes dans la société belge était de 50,86%. En revanche, 60% des personnages principaux sont des femmes : on a donc globalement une présence féminine relativement importante dans des positions clés du récit.

D’un point de vue qualitatif : les résultats sont nuancés. 

Il y a des éléments positifs et encourageants, qui témoignent de certaines améliorations quant à la représentation des femmes à l’écran. Néanmoins, d’autres éléments viennent contrebalancer ces représentations positives :

  • En comparaison avec ce que les écrans de télévision nous présentent de manière globale (voyez par ex. les Baromètres Egalité-Diversité du CSA de 2011 à 2013), nous observons que la tendance au "jeunisme" est moins un impératif dans les représentations féminines offertes par les huit fictions du corpus. Une large majorité des personnages féminins principaux (presque 67%) ont entre 35 et 64 ans.
  • Les personnages féminins sont en majorité des femmes actives (61,11% des personnages féminins). On les retrouve dans des métiers diversifiés (police ; médecine; journalisme ; agriculture ; personnel de service…). Les femmes sont également plus nombreuses que les hommes à appartenir à des catégories socio-professionnelles supérieures.
  • Il est vrai que les femmes sont régulièrement représentées comme sentimentales, romantiques, douces et émotives (particulièrement dans les séries familiales) … mais également comme travailleuses. Le travail reste en effet une valeur importante pour une grande partie de personnages féminins que l’on pourrait qualifier d’« héroïnes post-féministes » : ces femmes cherchent à concilier vie de famille, relations sentimentales et carrière professionnelle.

Néanmoins, d’autres éléments viennent contrebalancer ces représentations positives :

  • Tout d’abord, on observe qu’un certain nombre de prescrits pèsent plus fortement sur les personnages féminins que masculins. L’inscription d’un personnage féminin au sein d’une relation de couple et la pression asymétrique à la beauté (via la mise en valeur du corps et la minceur) entre les femmes et les hommes font partie de ces prescrits.
  • Ensuite, on observe certaines reconfigurations ambivalentes. Cette ambivalence crée des personnages paradoxaux, ce qui accroît leur complexité narrative mais limite aussi parfois la portée des reconfigurations. Par exemple, on observe une masculinisation des traits de caractère des « femmes au métier d’hommes ». Les personnages de Chloé Muller (Ennemi Public) ; Sylvie Leclerc, Christelle Da Silva et Aline Jego (Candice Renoir) ; Marjorie (La Trêve) ; Marjorie (Clem) et Lou (Burkland) affichent tous une apparence et un comportement "masculinisés", qui va apparaître comme une performance obligée pour exercer un métier traditionnellement masculin, en l’occurrence : policier, agriculteur, ou journaliste. Autre exemple de reconfiguration ambivalente : lorsqu’un personnage féminin est contre-stéréotypé ou réussi quelque chose dans sa quête, il peut faire en même temps l’objet de mécanismes de « punition symbolique » (par exemple, il présente une « faille ») ou de « disqualification » (il est perçu ou dépeint négativement), ce qui a déjà été souligné par d’autres auteurs. Ces personnages paradoxaux semblent être le reflet des tensions qui se jouent au sein de chaque société entre la contestation des normes de genre et leur réaffirmation.
  • Enfin, on observe un plus grand équilibre entre les représentations quantitatives et qualitatives des personnages masculins que féminin. De manière transversale, les 8 fictions étudiées présentent un nombre important de profils psychologiques masculins, qui sont relativement variés : on observe un équilibre entre des représentations qualitatives et quantitatives de la masculinité. En revanche, seules 4 fictions (sur 8) vont offrir un tel équilibre dans les représentations de la féminité à l’écran. Dans certains cas, les personnages féminins sont minoritaires à l’écran mais en outre leur profil est assez figé et leur participation à l’intrigue assez secondaire.

 

Q : L’image des femmes véhiculée par les séries belges récentes peut encore s’améliorer ? Comment valoriser cette présence féminine moyens, outils à dispositions. 

 

L’objectif de la recherche était aussi de réfléchir à des champs de développement possibles d’actions régulatoires adaptées à des contextes variables et destinées à améliorer la place et la représentation des femmes à l’écran, plus spécifiquement dans les fictions. Nous avons formulé quelques pistes qui s’adressent aux pouvoirs publics, aux éditeurs de SMA mais aussi aux producteurs, réalisateurs et scénaristes. L’enjeu étant de sensibiliser toute la chaîne de production-diffusion audiovisuelle. Précisions toutefois que ce sont des pistes à explorer qui n’ont encore été ni tranchées, ni débattues.

 

Consultez la synthèse de l'étude 

Consultez le dossier de presse 

Consultez l'étude et les résultats belges 

Consultez l'étude et les résultats tunisiens

Consultez l'analyse juridique de l'étude

 

  

 

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