Protection des mineurs : décision relative à Nickelodeon – MTV Wallonia
Date de référence : 08/01/2009Thèmes : protection des mineurs,
Résumé
Le CSA avait reçu plusieurs plaintes suite à la diffusion sur Nickelodeon - MTV Wallonia, du programme "F**K You", parce que, selon les plaignants, ce programme faisait l'apologie de la consommation de drogue, comportait des scènes d'extrême violence et employait un vocabulaire insultant.
Le CSA a effectivement constaté que ce programme, diffusé quotidiennement vers 23h, n'était accompagné d'aucune signalétique et était précédé d'un avertissement de l'éditeur sur son caractère potentiellement choquant.
L'éditeur ne conteste pas les faits et reconnaît que ce programme aurait dû être accompagné de la signalétique "déconseillé aux moins de 16 ans". Mais, il a informé le CSA que, depuis son autorisation, le 3 juillet dernier, il a du mettre en œuvre diverses procédures pour respecter les dispositions réglementaires applicables en Communauté française ; et, qu'à la date des faits, le comité de visionnage chargé d'effectuer une classification des programmes, n'était pas encore créé (il l'a été le 28 septembre). Toutefois, l'éditeur estime avoir quand même veillé au respect de la protection des mineurs par l'heure tardive de diffusion et par l'avertissement préalable à ce programme, dont la diffusion a d'ailleurs été arrêtée depuis.
Tous les éditeurs de service ont l'obligation de respecter à la fois l'arrêté "signalétique" (arrêté du 1er juillet 2004 sur la protection des mineurs contre les programmes de télévision susceptibles de nuire à leur épanouissement physique, mental et moral) ainsi que le décret sur la radiodiffusion du 27 février 2003, notamment l'article 9 relatif au respect de la dignité humaine et à la protection des mineurs. Dans ces conditions, l'heure de diffusion (23 heures) et l'avertissement de début d'émission ne répondent pas aux exigences règlementaires d'y appliquer la signalétique "- 16 ans", cette signalétique avertissant la diffusion d'un programme notamment "de grande violence » et « susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral [des mineurs]".
Même si le grief est établi, le CSA a pris en compte l'erreur reconnue par l'éditeur, les démarches qu'il a effectuées pour éviter la répétition du problème soulevé par ce dossier et son absence d'antécédents en matière de contravention à l'article 9 2° du décret du 27 février 2003 sur la radiodiffusion, et lui a, par conséquence, adressé un avertissement.
Extrait de la décision
« Au-delà de la protection des mineurs, le législateur de la Communauté française a jugé fondée la possibilité de restreindre la liberté d'expression pour limiter la promotion ou la diffusion de la violence considérée comme gratuite ou pour protéger la dignité humaine.
Le Collège estime que la description de la violence a de tous temps constitué une forme d'expression artistique, esthétique et politique. Son caractère gratuit implique l'absence ou la trivialisation de l'un de ces trois éléments. La transgression et la provocation sont des formes d'expression légitimes, voire salutaires, pour le libre développement de la pensée contradictoire, de la créativité innovatrice et de la remise en cause des idées reçues. Elles sont tant le symptôme que la cause d'une émancipation et d'une maturité de la société démocratique ; à ce titre, elles sont précieuses et ne peuvent elles-mêmes être banalisées ou aseptisées. Certaines séquences de l'émission « F**k You » se rapprochent étroitement de cette conception de la créativité et, ainsi, d'une atteinte à une certaine conception de la dignité humaine.
Tout en respectant sa liberté éditoriale et d'expression, le Collège rappelle dès lors à MTV Wallonia la responsabilité morale qui lui incombe à l'égard de son public et plus particulièrement l'importance pour tout éditeur de traiter celui-ci avec intelligence. Mais le Collège lui reconnaît aussi sa seule autorité et pleine liberté de dénicher, identifier et promouvoir les talents émergents, fût-ce par le biais de la transgression et de la provocation.
S'il reste donc un public, dans ce cas de figure, que le régulateur a la mission de veiller à la protection, c'est celui des mineurs. Le législateur communautaire francophone n'ayant pas fait pas le choix du système de « watershed » et d'avertissement préalable, mais celui de la signalétique, l'heure de diffusion (23 heures) et l'avertissement de début d'émission ne répondent pas aux exigences règlementaires. Le Collège ne peut que constater l'absence de toute signalétique accompagnant la diffusion de ce programme, que l'éditeur ne conteste pas. Le Collège rejoint l'avis exprimé par l'éditeur lors de son audition qu'une signalétique « -16 » aurait effectivement été appropriée, cette signalétique avertissant la diffusion d'un programme notamment « de grande violence » et « susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral [des mineurs] ». »