Ce jeudi 29 octobre, le Conseil supérieur de l’audiovisuel présente les résultats de son étude « l’Egalité de genre dans les métiers de l’audiovisuel ». Cette étude permet de combler un manque d’analyses spécifiques et de données statistiques en Fédération Wallonie-Bruxelles sur cette question. Pour Joëlle Desterbecq, Directrice des Etudes et Recherches du CSA, « l’objectif était avant tout de dresser un premier état des lieux quantitatif de la répartition hommes – femmes dans les métiers de l’audiovisuel en Fédération Wallonie-Bruxelles, mais aussi de comprendre les mécanismes des inégalités et de réfléchir à des leviers ou pistes d’actions pour accroître l’égalité de genre ». « Quatre grandes catégories d’inégalités ont été analysées dans l’étude », poursuit Camille Laville, Chargée de recherche au CSA : « l’accès au pouvoir, la ségrégation horizontale, la conciliation vie professionnelle-vie privée et les manifestations du sexisme, discrimination et violence auxquelles sont parfois confronté.e.s les professionnel.le.s de l’audiovisuel. Pour chaque aspect de l’étude, on s’est penché plus spécifiquement sur les obstacles rencontrés par les femmes. On a cherché à identifier les freins, les mécanismes à l’œuvre et leurs conséquences sur la trajectoire professionnelle ».

 

L’étude dresse une série de constats relatifs à des inégalités entre les hommes et femmes au sein des métiers de l’audiovisuel. Certains de ces constats sont communs à l’audiovisuel et à de nombreux secteurs professionnels. D’autres sont spécifiques au secteur audiovisuel. Nous pouvons citer notamment les horaires atypiques, le recours aux emplois précaires (pigistes, indépendants) mais aussi un accès difficile pour les femmes à certains métiers de l’audiovisuel.

Les résultats de l’étude reposent sur une analyse de 753 profils LinkedIn de professionnel.le.s des médias audiovisuels ; 404 questionnaires collectés auprès du personnel (hommes et femmes) des éditeurs de services de médias audiovisuels (“SMA”), des indépendant.es et pigistes qui collaborent avec eux et des personnes qui exercent une activité dans une entreprise qui (co)produit un contenu audiovisuel avec/pour un SMA ;  22 entretiens semi-directifs auprès de femmes salariées, indépendantes et pigistes ; 16 questionnaires remplis par la direction de services de médias audiovisuels et une analyse des Bilans sociaux des entreprises. « Un travail conséquent pour les équipes, mais nécessaire pour rendre compte d’une réalité à laquelle les médias n’échappent malheureusement pas », rappelle Karim Ibourki, Président du CSA.

 

Accès au pouvoir, aux métiers, sexisme, discriminations et violences, conciliation vie privée – vie professionnelle…

 

Les femmes sont globalement moins présentes que les hommes dans les métiers de l’audiovisuel. Elles ont une carrière plus courte, se heurtent à un plafond de verre et à un cloisonnement par genre de certains métiers. Elles peuvent également parfois faire face à des situations de sexisme, discrimination et violence.

Tout d’abord, on constate que les femmes sont sous-représentées au sein du personnel de la grande majorité des éditeurs de services de médias audiovisuels. L’analyse du Bilan social (exercice 2018) de 24 éditeurs de SMA[1] montre que la proportion moyenne de femmes au sein du personnel est de 36,08 %.

Lorsque l’on monte les échelons de la hiérarchie, la proportion de femmes diminue. Ainsi, la proportion moyenne de femmes parmi les administrateur.trice.s de 27 éditeurs de services de médias audiovisuels[2] est de 21,84 %. Si on examine les « top managers » (CEO, administrateur.trice général.e, directeur.trice général.e, …) de ces 27 éditeurs de services de médias audiovisuels, on note que 22 sont des hommes et 5 sont des femmes (soit 18,5 % de femmes). L’analyse a permis d’identifier un certain nombre de freins à la progression hiérarchique des femmes.

Les familles de métiers restent elles aussi genrées. Au sein des trois familles de métiers les plus représentées dans les profils LinkedIn des professionnel.le.s de l’audiovisuel, on recense 19,57 % de femmes dans les métiers « techniques », 33,89 % dans les métiers de la production et 39,13 % dans la famille « rédaction » (journalisme et production de contenus). Dans les métiers du journalisme, on constate davantage une ségrégation genrée des contenus. Les matières comportant une dimension sociale-sociétale telles que la santé, l’éducation, la société sont davantage couvertes par les femmes. En revanche, les hommes sont proportionnellement plus nombreux que les femmes à traiter régulièrement des thèmes tels que les technologies, l’actualité nationale et internationale, le sport et les médias. L’étude se penche sur les mécanismes qui sous-tendent la « ségrégation horizontale ».

L’étude s’est largement penchée sur le vécu du sexisme, des discriminations et des violences auxquel.le.s les professionnel.le.s de l’audiovisuel peuvent être confronté.e.s :

 

  • A la question « Avez-vous déjà été victime de discrimination ou de harcèlement au travail» : 33,33 % des femmes et 7,74 % des hommes répondent oui.
  • A la situation : « J’ai déjà été victime, témoin ou informé.e de harcèlement sexuel dans mon entreprise», 33,94 % des femmes et 20,83 % des hommes répondent oui.

 

L’étude met en exergue les différentes formes que peuvent revêtir le sexisme, les discriminations et violences : paroles condescendantes ou infantilisantes, paroles relatives aux compétences et habiletés intellectuelles et humaines, paroles relatives à la sexualité, paroles relatives à la maternité, propagation de rumeurs, harcèlement moral, agression sexuelle. Elle chiffre et analyse ces différentes formes.

L’étude montre également combien les femmes ont régulièrement des difficultés à nommer et reconnaitre les faits de sexisme, de discrimination et de violence dont elles font l’objet. Elles oscillent entre la verbalisation, la reconnaissance du sexisme et la minimisation des faits.

Enfin, si l’étude fournit des données chiffrées conséquentes sur les inégalités de genre, le sexisme, les discriminations et les violences au sein des métiers de l’audiovisuel, elle illustre également la complexité des stratégies mises en œuvre par les femmes pour y faire face et les conséquences sur leur trajectoire professionnelle.

L’étude pointe enfin les difficultés rencontrées par les professionnel.le.s des médias dans leur conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle. Plusieurs freins pèsent lourdement sur les femmes : la répartition inégale des tâches au sein du couple, la fréquence des horaires atypiques qui caractérise l’activité des professionnel.le.s des médias et enfin, l’accès à la maternité qui semble fréquemment vécu comme difficilement conciliable avec l’exercice d’une activité professionnelle dans l’audiovisuel et avec une progression hiérarchique…  Ainsi, 25,41 % des femmes salariées et 7,58 % des hommes salariés sont d’accord avec l’affirmation selon laquelle le fait d’avoir des enfants les ont pénalisés sur le plan professionnel (déclassement, absence/refus de promotion, stagnation de carrière, etc.).

 

Et après ? Des recommandations pour accroître l’égalité de genre

 

Pour Joëlle Desterbecq, l’étude est un outil important pour stimuler le changement. Elle insiste sur l’importance de « disposer de données, parce qu’on ne peut mettre en place des actions qu’à partir du moment où on a un état des lieux de la situation. Cette recherche visait à combler un certain manque de données pour pouvoir passer à un deuxième stade : la réflexion sur les actions ».

Une série de recommandations sont proposées par le CSA. Elles s’adressent au secteur, mais aussi aux pouvoirs publics.

Par exemple, aux pouvoirs publics :

 

  • Définir des objectifs concrets/précis dans la législation en matière d’égalité des genres dans les ressources humaines pour les éditeurs de services de médias audiovisuels, à tout le moins pour tous ceux qui bénéficient d’un financement public ;
  • Intégrer les questions de genre et de discriminations à la formation des professionnel.le.s de l’audiovisuel au sein des Ecoles et Universités ; mettre en place des politiques de soutien à la mixité au sein des différentes filières et produire des statistiques de genre ;

 

Par exemple, aux éditeurs de services de médias audiovisuels

 

  • Assurer un monitoring des politiques salariales afin de prévenir le « gender pay gap » et publiciser les résultats ;
  • Mettre en place des programmes visant à soutenir le développement de la carrière des femmes et favoriser leur accès aux postes de direction ;
  • Formaliser et soutenir des initiatives visant à lutter contre le sexisme, le harcèlement, la violence de genre, tels que des workshops, mécanismes d’alerte, de suivi et de sanction et des structures de soutien ;
  • Formaliser et soutenir des politiques visant à concilier vie privée et vie professionnelle: développement de services à la personne au sein de l’entreprise pour faciliter la vie familiale (crèche et garderie, prise en charge de frais de garde, …), aménagements relatifs à l’équilibre entre temps de travail et vie familiale (congés familiaux pour les femmes et pour les hommes, possibilité de faire du télétravail, …) etc. ;

 

La question de l’égalité de genre dans les médias est devenue une priorité pour le régulateur. Karim Ibourki, Président du CSA conclut : « Nos différentes études comme le Baromètre égalité et diversité pointent des inégalités importantes tant sur la présence et la représentation des femmes devant que derrière l’écran. Ces chiffres n’évoluent que très peu. Cette nouvelle étude est un argument supplémentaire pour faire bouger les lignes. Il faut que nos observations et nos recommandations soient suivies d’actions concrètes pour répondre à ces inégalités par les médias, mais aussi par les élu.e.s politiques ».

 

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[1] RTBF, RTL Belgium SA, Be TV SA, Belgian Business Television SA, Proximus Media House, TV Lux ASBL, BX1 ASBL, Télévision Mons-Borinage ASBL, Notélé ASBL, Ma Télé ASBL, Antenne centre ASBL, RTC Télé Liège ASBL, VEDIA-Télévesdre ASBL, Télésambre ASBL, TV Com ASBL, Cobelfra SA, Inadi SA, NRJ Belgique SA, Nostalgie Belgique SA, FM Développement SCRL, IPM Radio, RMP SA, Maximum Media diffusion SPRL, RMS Regie SPRL.

 

[2] RTBF, RTL Belgium SA, Be TV SA, Belgian Business Television SA, Proximus Media House, TV Lux ASBL, Canal Zoom ASBL, BX1 ASBL, Télévision Mons-Borinage ASBL, Notélé ASBL, Ma Télé ASBL, Antenne centre ASBL, Canal C ASBL, RTC Télé Liège ASBL, VEDIA-Télévesdre ASBL, Télésambre ASBL, TV Com ASBL, Cobelfra SA, Inadi SA, NRJ Belgique SA, Nostalgie Belgique SA, FM Développement SCRL, IPM Radio, RMP SA, Maximum Media diffusion SPRL, Baffrey-Jauregui SNC, RMS Regie SPRL.