Le CSA monitore la pub auprès des vlogueur.euse.s
Le CSA a réalisé son premier monitoring des pratiques de communication commerciale par les vidéastes sur les plateformes de partage de vidéos. L’objectif ? Examiner si les influenceur.euse.s audiovisuel.le.s, principalement sur YouTube mais également Instagram TV et Twitch, identifient clairement les contenus publicitaires, comme le leur impose le Décret coordonné sur les services de médias audiovisuels. Si le régulateur s’intéresse depuis plusieurs années aux vlogueur.euse.s, il s’agit de la première action concrète de régulation de ces éditeurs depuis la transposition de la Directive SMA, venue confirmer la compétence du CSA en matière de régulation des vidéastes sur Internet.
Le CSA se réjouit du bilan généralement très positif de cette analyse, qui révèle une identification majoritairement claire des contenus commerciaux par les vlogueur.euse.s. Seules quelques chaînes font exception, et ont été contactées pour un rappel de la législation. Le CSA relève néanmoins deux cas problématiques de chaînes entretenant vraisemblablement des partenariats publicitaires non identifiés avec des marques de boissons alcoolisées et de sites de paris en ligne. Ces chaînes dépassant chacune le million d’abonné.e.s sur YouTube, abonné.e.s présumé.e.s en grande partie mineur.e.s, Le CSA a pris contact avec les éditeurs et transmis leur dossier au Jury d’éthique publicitaire (JEP) et à la Commission des jeux de hasard. Il a également transmis ses observations aux Ministres compétents. Comme le souligne Karim Ibourki, Président du CSA : « Un des enjeux essentiels de la régulation des vlogueur.euse.s est la protection des jeunes consommateur.rice.s face au marketing d’influence. Vu les audiences importantes et en partie mineures des chaînes concernées, le Collège d’autorisation et de contrôle a été particulièrement attentif à ces pratiques ».
Des audiences exponentielles impliquant une responsabilité éditoriale
La popularité des plateformes de partage de vidéos est en croissance constante, surtout auprès des jeunes publics. Avec un nombre d’abonnés s’élevant parfois à plusieurs millions, certaines chaînes éditées en Fédération Wallonie-Bruxelles peuvent toucher un public bien plus important qu’une audience de prime time en télévision traditionnelle. Ceci témoigne d’une influence forte sur les publics et doit dès lors s’accompagner d’une responsabilité éditoriale et sociétale, ce qu’est venu officialiser la Directive SMA. Celle-ci confirme en effet le statut de service de média audiovisuel des chaînes d’une certaine taille, leur imposant une série d’obligations et confirmant la compétence du CSA pour leur régulation.
S’intéressant depuis plusieurs années aux médias web et aux vidéastes sur Internet, le CSA entend se positionner dans une démarche de soutien et de co-régulation de ces éditeurs d’un genre nouveau. Dans cette optique, le régulateur organisait l’année passée la première édition des rencontres Meet You, rencontres professionnelles entre YouTubeur.euse.s, destinées à les sensibiliser à leurs obligations. A cette occasion, le CSA et le JEP avaient conjointement exposé aux influenceur.euse.s les principes de base de la communication commerciale, à savoir la nécessité d’identifier clairement le caractère commercial des contenus publicitaires.
L’objet du monitoring était donc d’établir, un an après cet événement, un premier état des lieux des pratiques mises en place par les vlogueur.euse.s en matière d’identification de la communication commerciale.
100 vidéos analysées sur YouTube, Twitch et Instagram
Le CSA s’est concentré principalement sur YouTube, plateforme dont le caractère audiovisuel est le plus établi. Il a également élargi son échantillon à Twitch et Instagram (IGTV) afin d’y avoir un premier aperçu de la manière dont la publicité se déploie sur d’autres plateformes. Au total, 100 vidéos ont été analysées, éditées par 20 chaînes. Tant des chaînes de vlogueurs.euse.s faisant partie du top 50 YouTube en FWB (+ 300 000 abonnés) que de micro-influenceur.euse.s (chaînes thématiques dont l’audience est plus limitée mais disposant d’un taux d’engagement élevé) ont été monitorées, couvrant une diversité de sujets : lifestyle et beauté, humour, gaming, sport, loisirs et thématiques de niche.
Des pratiques commerciales hybrides et spécifiques
En plus de 10 ans, le marketing d’influence a créé un écosystème spécifique sur les plateformes de partage de vidéos. Les pratiques de communication commerciale s’y développent et s’y combinent, rendant plus floues les frontières des catégories publicitaires telles que définies dans les textes légaux. De nouvelles techniques émergent qui sont en avance sur la législation et qui nécessitent l’adaptabilité de la régulation audiovisuelle.
Au rang des pratiques spécifiques aux plateformes, on citera notamment le statut d’ambassadeur.rice d’une marque (fréquent dans l’univers du lifestyle ou du gaming) ou la mention, par les vlogueur.euse.s, de codes promotionnels à leur nom dans la description textuelle des vidéos.
Des pratiques traditionnelles sont également adaptées, comme le sponsoring, technique très répandue chez les vlogueur.euse.s qui consiste pour une marque à parrainer tout ou partie de la vidéo en échange d’une annonce, orale et/ou écrite.
Identification des contenus : un bilan globalement très positif, quelques améliorations souhaitées
Les résultats du monitoring démontrent une prise de conscience globale, par les vlogueur.euse.s, de la nécessité d’identifier la communication commerciale. L’argument selon lequel une telle identification rejoint leur intérêt dans la mesure où elle permet de maintenir une authenticité avec leurs audiences paraît porter. Les initiatives du JEP et du CSA lors de l’événement Meet You ont également permis de vulgariser la législation dans une perspective de responsabilisation. Le monitoring indique en effet que 47% des cas de communication commerciale font l’objet d’une identification claire, 24% présentent une intention d’identification mais dont le résultat peut prêter à confusion, et 29% de cas ne sont pas identifiés.
71% des pratiques commerciales relevées dans l’échantillon font donc l’objet d’une conscientisation par les vlogueurs de leur caractère publicitaire et, partant, d’une tentative d’identification.
S’agissant du sponsoring, pratique dont le caractère commercial semble le plus intégré par les vlogueurs, on monte à 96% de contenus clairement identifiés. Comme le souligne Noël Theben, responsable de l’Unité Télévisions au CSA : « Nous constatons qu’à quelques exceptions près, quand les vlogueurs ont conscience que leur vidéo contient de la publicité, ils l’identifient très clairement. Reste à préciser avec eux les pratiques qui constituent, ou non, de la communication commerciale ».
Ce constat est très encourageant et témoigne de la responsabilisation des vlogueur.euse.s. Il constitue également une amélioration notable : en effet, en 2018, lors d’une première observation des pratiques sur YouTube en FWB, le CSA constatait que seuls 10% des vidéastes identifiaient clairement leurs contenus publicitaires. Notons néanmoins que 30% des communications commerciales restent à l’heure actuelle non identifiées. Il reste donc encore du chemin à parcourir.
Deux cas problématiques : publicité pour de l’alcool et des sites de paris en ligne auprès d’une audience mineure
Le CSA relève deux cas problématiques de publicité présumée pour des objets particuliers au regard du droit de l’audiovisuel : l’alcool et des sites de paris en ligne. Deux vlogueurs semblent en effet entretenir des partenariats commerciaux non identifiés avec des marques de boissons alcoolisées et de jeux de hasard, présentant les produits, vantant leurs mérites ou proposant des codes promotionnels sur Instagram, YouTube ou Twitch.
Ces pratiques sont particulièrement problématiques sachant que les chaînes concernées se placent parmi les 10 chaînes les plus populaires en FWB, et touchent une audience constituée en grande partie de mineur.e.s.
Outre l’absence des mentions obligatoires propres aux objets publicitaires concernés sur certaines des vidéos, le CSA note un manque d’identification claire des partenariats commerciaux. Le régulateur a dès lors contacté les éditeurs des chaînes, et transmis leur dossier au Jury d’éthique publicitaire et à la Commission des jeux de hasard (1).
Comme le rappelle Noël Theben, « Cette situation appelle une sensibilisation des influenceurs, des annonceurs ainsi qu’une vigilance accrue, notamment de la part du régulateur et des instances d’éthique publicitaire. Il est évident que l’on ne pourra prendre en charge la régulation du web qu’à condition de s’accorder, entre institutions, sur nos pratiques, et en travaillant en étroite collaboration ».
Le monitoring en quelques chiffres
Liens utiles
(1) En effet, si le CSA est compétent pour traiter du défaut d’identification des contenus commerciaux par les vlogueur.euse.s, le JEP l’est concernant l’objet publicitaire en tant que tel et les obligations propres aux annonceurs.