Le Conseil supérieur de l’audiovisuel publie son rapport d’activités portant sur l’exercice 2021. Une année forcément marquée par la poursuite de la crise sanitaire, mais qui amorce aussi des projets, d’envergure. Désormais transposée dans la législation de la Fédération Wallonie-Bruxelles, la directive sur les services de médias audiovisuels amène davantage d’égalité de traitement entre les acteurs audiovisuels. 2021 est aussi l’annonce de grands chantiers législatifs européens et de responsabilités pour le CSA. Le CSA a été élu à la présidence de l’ERGA, le groupe des régulateurs européens de l’audiovisuel, pour un mandat d’un an en 2022. Une année qui devrait voir aboutir des dossiers législatifs importants pour le secteur comme le Digital Services Act, le Digital Market Act ou encore l’European Media Freedom Act.  

Sur le plan national, le CSA constate une nouvelle diminution des plaintes qui lui sont adressées. Si ces chiffres attestent probablement d’une confiance renforcée ou renouée envers les médias, les deux années de crise qui précèdent auront aussi eu pour effet de replacer le curseur des préoccupations des publics. Même si cette thématique est en diminution par rapport à 2020, « l’information » reste un sujet de préoccupation important pour les publics et représente la seconde thématique de plainte adressées au CSA. La protection des mineurs et les discriminations occupent également le podium des plaintes en première et troisième place.  

 

 

Les plaintes en détail 

 

 

En 2021, 128 plaintes ont été adressées au CSA, soit une diminution (-98 plaintes) par rapport à l’année 2020 (226 plaintes).  

Le nombre de dossiers a, lui aussi, diminué par rapport à l’année précédente : 109 dossiers ont été ouverts sur la base des plaintes en 2021, pour 180 en 2020 (-71 dossiers). Cette différence entre le nombre de plaintes et le nombre de dossiers s’explique par le phénomène des plaintes multiples sur un même sujet. En effet, un dossier peut rassembler plusieurs plaintes portant sur un seul et même sujet. Phénomène très marqué entre 2017 et 2019, les « plaintes multiples » ont été beaucoup moins nombreuses en 2020 et en 2021.   

En 2021, la thématique qui représente la plus forte proportion de l’ensemble des plaintes (recevables et irrecevables) est la protection des mineur.e.s. En effet, 25 plaintes parmi les 128 reçues concernent cette thématique, ce qui équivaut à presque un cinquième des plaintes (19,5 %). De manière presque aussi importante, l’information est le deuxième sujet le plus formulé par les plaignant.e.s, c’est le cas de 23 des 128 plaintes, soit 18 %. Ensuite, on retrouve les discriminations, troisième grief le plus formulé par les plaignant.e.s, c’est le cas de 21 des 128 plaintes, soit 16,4 %. Plusieurs formes de discriminations sont visées : le racisme, le sexisme, l’homophobie, la transphobie, mais aussi l’on voit apparaître des plaintes relatives à la discrimination potentielle entre les personnes vaccinées et non vaccinées.  Si l’on ne prend en compte que les plaintes recevables, les discriminations représentent la seconde thématique la plus invoquée, après la protection des mineur.e.s.   

Par-là, on constate que nos concitoyen.ne.s placent ces questions au cœur de leurs préoccupations, ce qui est un curseur intéressant en termes de démocratie et de diversité.  Bien entendu, toutes les plaintes n’aboutissent pas à des sanctions, car lors de leur analyse, le CSA doit opérer la balance des intérêts entre la législation qui protège les citoyen.ne.s et la liberté d’expression. Le Secrétariat d’instruction veille par contre à un traitement individualisé et pédagogique de toutes les plaintes reçues. 

 

La télévision, (encore et toujours) le premier média visé par les plaintes  

 

La télévision, visée par 66 % des plaintes, reste le premier média concerné par l’activité du SI (53 % en 2020). La radio représente 17 % des plaintes (26 % en 2020) et les contenus en ligne représentent 14 % des plaintes (15 % en 2020).  

 

Le CSA confirme son rôle dans la lutte contre les violences faites aux femmes 

 

Parmi les douze dossiers d’instruction ouverts en 2021, sept ont été clôturés et ont fait l’objet d’une décision du CSA. Deux d’entre eux concernent la protection des mineurs, dont la diffusion des images liées au documentaire « Capitole, le coup de Trump » 

On retiendra aussi une décision importante concernant un dossier relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’émission « C’est vous qui le dites » au cours de laquelle un débat portait sur la question de l’obligation ou non d’entretenir des rapports sexuels dans le cadre du mariage. La décision du CSA a mené à une sanction de l’éditeur.  Cette décision rappelle encore la nécessité pour les médias de prendre conscience du rôle qu’ils ont à jouer dans la lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes, et notamment dans le phénomène des violences faites aux femmes. Par cette décision, le CSA confirme son rôle, en tant que régulateur, dans la lutte collective contre ces violences.  

 

Une plus grande égalité de traitement entre les acteurs audiovisuels de la FWB  

 

En 2021, le CSA s’est intéressé aux services télévisuels (linéaires et non linéaires) qui ciblent l’audience belge francophone tout en étant établis dans un autre État membre de l’Union européenne. L’objectif était de dresser un panorama de ces services afin de démarrer la mise en œuvre de l’article 13 de la Directive tel que récemment transposé en droit interne à la Fédération Wallonie-Bruxelles.  

Les acteurs audiovisuels qui font du décrochage publicitaire en Fédération Wallonie-Bruxelles comme TF1 ou des ventes locales d’abonnements comme Netflix devront bientôt contribuer à la production locale. L’article 13 prévoit en effet que les services ciblant un territoire doivent dorénavant contribuer à la production locale (fictions, documentaires), au même titre que les éditeurs qui y sont établis. Le montant de cette contribution est calculé annuellement sur la base d’une partie du chiffre d’affaires de l’éditeur. Ce dernier peut verser sa contribution au Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel ou l’investir dans des coproductions ou préachats d’œuvres sous sa supervision. Le système prévoit différents paliers de contribution proportionnels aux chiffres d’affaires.  

Il s’agit là d’une bonne nouvelle pour le secteur de la production audiovisuelle. Ces acteurs linéaires et non-linéaires occupent une place importante en FWB. À titre d’exemple, les services linéaires qui ciblent le marché représentent à eux seuls 19,7´% des parts d’audience.  

En partenariat avec le Centre du cinéma, chargé de la supervision de la contribution à la production, le CSA, conformément aux consignes édictées par la Commission européenne eu égard à la mise en œuvre de la nouvelle Directive, s’est adressé à tous les nouveaux contributeurs potentiels, qualifiés d’éditeurs télévisuels « extérieurs » par le décret, afin de leur fournir une information proactive sur le mécanisme de contribution à la production belge francophone. Les régulateurs compétents sur ces différents services (France, Irlande, Espagne, Allemagne) ont été tenus informés de ces démarches. Des réunions bilatérales se sont tenues durant l’année 2021 afin de clarifier tous les aspects de la procédure. L’implémentation de l’article 13 est donc en bonne voie mais appelle encore un suivi opérationnel. La première contribution des éditeurs de services télévisuels extérieurs est attendue pour l’exercice 2022.  

 

Préparation de la présidence de l’ERGA par le CSA en 2022  

 

L’année 2021 s’est clôturée avec l’élection à l’unanimité du Président du CSA, Karim Ibourki, à la Présidence de l’ERGA lors de la session plénière du 2 décembre 2021. À cette occasion, le CSA a notamment présenté les priorités du programme de travail du réseau européen qu’il a définies pour l’année 2022. Depuis janvier 2022, le CSA prend donc en charge la Présidence du groupe et coordonne les différents groupes de travail et ses missions, en ce compris la communication de l’ERGA.  

La Présidence du CSA à l’ERGA s’inscrit dans une période très importante sur le plan de l’évolution du cadre législatif européen des médias. Depuis janvier 2022, l’ERGA est impliqué dans bon nombre de dossiers législatifs. Le Digital Services Act en fait partie, mais d’autres projets de fond s’ajoutent au tableau, tels que la nouvelle proposition de règlement sur la transparence et le ciblage de la publicité à caractère politique, ou encore la révision du code de bonnes pratiques en matière de désinformation.  Le futur acte législatif intitulé « European Media Freedom Act » est également en cours et représente un chantier important.  

Enfin, la guerre en Ukraine est venue bouleverser le calendrier de l’ERGA et du CSA en charge de coordonner ses travaux.  Les conséquences de cette crise pour le paysage audiovisuel sont importantes et ont mené à des décisions exceptionnelles telles que l’interdiction des médias Sputnik et Russia Today au sein des pays membres de l’Union. Si la désinformation occupait déjà une place importante dans les travaux de l’ERGA, le contexte actuel a encore accentué l’urgence de renforcer la souveraineté numérique européenne et de contrer les impacts de la désinformation sur nos démocraties.  

 

Remise de la 14ème édition du Prix du CSA 

 

À l’issue de la présentation du rapport annuel, le 14ème Prix du CSA a été remis à Andréa Jimenez pour son mémoire de fin d’études « Les influenceurs et la communication commerciale : enjeux régulatoires ». Un sujet jusqu’à présent peu exploré dans le monde académique qui touche pourtant à un phénomène grandissant, celui de la place des influenceurs et des influenceuses dans les stratégies publicitaires des marques, mais aussi d’autres acteurs, comme les politiques. 

Avant d’amener une série de recommandations utiles, le travail d’Andréa Jimenez permet avant tout de prendre conscience de l’impact peu visible et, dans tous les cas, sous-estimé des influenceurs par le monde politique, les législateurs et par le grand public. Les influenceurs peuvent aussi devenir des outils de propagande très puissants, pour les marques, mais aussi pour diffuser d’autres types de messages, notamment politiques. L’absence de législation pour encadrer la communication commerciale auprès des influenceurs et des influenceuses a un double effet. Celui de rendre invisible, ou de minimiser le véritable rôle de ces acteurs aujourd’hui, mais aussi de fragiliser tout un secteur en développement. 

 

Consultez aussi :  

 

Le site dédié au rapport annuel  

Les chiffres du rapport annuel (INFOGRAPHIE)