Réuni en Collège d’avis au CSA, à la demande de la Ministre des Médias Bénédicte Linard, le secteur audiovisuel s’est penché sur un projet de réforme du système de contribution à la production locale par les éditeurs de services télévisuels linéaires et non-linéaires. En effet, l’une des mesures phares de la directive SMA[1] est d’étendre l’obligation d’investissement aux éditeurs qui ciblent un territoire depuis l’étranger. Une série d’intervenants, dont TF1, Netflix et Disney ont été auditionnés pour la première fois par le Collège d’avis. L’analyse qui ressort des débats soutient la nécessité d’une réforme ambitieuse permettant de consolider et de développer la production locale. Le Collège soutient, dans sa majorité, le rehaussement des taux d’investissements,  Ce rehaussement permettrait, en fonction du taux choisi par le Gouvernement, d’ajouter jusqu’à 26 millions d’euros à la manne de la production audiovisuelle de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

 

Un système de contribution actuel en dessous des systèmes prévus par nos voisins européens.

 

La nouvelle directive prévoit que les éditeurs télévisuels, linéaires et non linéaires, doivent contribuer à la production locale sur chaque marché qu’ils ciblent. Depuis la transposition, les éditeurs de services de médias audiovisuels, qu’ils soient établis en Fédération Wallonie-Bruxelles (« FWB ») ou à l’étranger, doivent contribuer annuellement à la production locale selon un pourcentage proportionnel à leur chiffre d’affaires (entre 1,4% et 2,2%). Le Collège d’avis du CSA considère que le moment est opportun pour adopter une réforme de ce système de contribution. Alors que les réflexions sur le contrat de gestion de la RTBF sont en cours, plus précisément sur son volet relatif au soutien à la production indépendante, la réforme, proposée par la Chambre de concertation cinéma, pourrait constituer un tournant pour ce secteur en plein développement.

D’autres pays européens imposent des obligations de contribution à la production locale supérieures à celles de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Le Danemark, l’Espagne, les Pays-Bas et le Portugal établissent des taux allant de 4 à 6%. La Pologne, l’Allemagne, l’Italie et la France imposent ou envisagent une contribution à la production audiovisuelle locale pouvant représenter jusqu’à 20% du chiffre d’affaires des éditeurs.

Le marché télévisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles est petit et très ciblé. 7 services télévisuels linéaires étrangers ciblent le marché local. Ces services cumulent 17% de parts d’audience (dont 12.4% pour le seul TF1).

Même si leur impact précis sur le marché est plus difficile à établir, les ciblages des services non-linéaires continuent de s’intensifier. Le CSA identifie actuellement 5 services. Il s’agit essentiellement de plateformes américaines établies pour la plupart en Irlande et aux Pays-Bas, dont Netflix, Disney et Amazon.

Que ce soit pour les services linéaires ou non linéaire, le ciblage du marché de la Fédération Wallonie-Bruxelles n’est donc pas d’un phénomène anecdotique.

 

Un investissement proportionnel à la taille des acteurs

 

Le régime de contribution à la production est fondé sur un principe de proportionnalité en fonction de la taille des acteurs concernés. Concrètement, plus le chiffre d’affaires de l’éditeur généré sur le territoire de la FWB est important, plus la contribution à la production locale sera importante. Le choix du mode de contribution est laissé à l’éditeur. Celui-ci dispose d’une grande flexibilité pour composer la formule qui convient le mieux à sa stratégie sur le marché local (coproduction, préachat, ou versement au Centre du Cinéma). Une réflexion sur l’élargissement du type d’œuvres éligibles a été menée au sein du Collège. Jusqu’à présent, seules les œuvres dites « de stock » (fictions, documentaires), par opposition aux programmes de flux (formats de magazines, de jeu ou de téléréalité), mais aussi aux programmes d’information et aux captations sont considérées comme éligibles. Les taux plus élevés qui pourraient être retenus pour les acteurs de plus grande taille imposent une réflexion quant à l’éligibilité des investissements. Un certain pourcentage de l’investissement dans la production audiovisuelle locale pourrait dès lors être dédié à d’autres formats que les programmes de stock, de manière à accroitre encore les opportunités pour les contributeurs.

 

Enfin, le Collège recommande de permettre aux éditeurs d’équilibrer leur investissement dans la production audiovisuelle locale sur plusieurs exercices en fonction des opportunités de marché.

 

Impact sur le secteur de la production en FWB

 

En dépit de certaines craintes formulées, notamment par les éditeurs télévisuels extérieurs consultés et la RTBF, la majorité du Collège s’estime confiant dans la capacité du marché de la production à absorber ce nouvel apport. Si les données concernant le marché de la production en FWB sont assez limitées, le CSA a estimé les montants des dépenses globales en production afin de quantifier l’effet des nouveaux apports de contribution sur ce marché.  Selon deux méthodes, une estimation évalue ces dépenses à 175 millions d’Euros en moyenne.

 

L’apport total de nouveaux capitaux sur le marché de la production en FWB oscillerait entre 17 millions et 26 millions d’Euros en fonction du type d’investissement ce qui représente une augmentation comprise entre 10 et 15%. Cet écart s’explique principalement par le fait que, dans l’analyse de la proposition effectuée par le Collège, un certain pourcentage des contributions pourrait être valorisé de manière double dans le quota lorsque ces dernières touchent à des œuvres dites “majoritaires”. Les œuvres majoritaires étant des productions principalement ancrées en FWB selon une série de critères, dont l’origine des entreprises et du personnel employés, des lieux de tournage etc.

 

L’apport financier total que permettront les nouvelles obligations sera progressif. Le marché de la production devrait déjà recevoir un nouvel apport de 5 millions d’Euros en 2022, avec l’élargissement du système de contribution aux éditeurs extérieurs, jusqu’alors écartés. Ce montant devrait déjà stimuler le marché de la production en FWB et le familiariser avec les besoins, les contraintes et les méthodes de travail de grands groupes audiovisuels internationaux.

 

Ensuite, avec un dispositif de mise en place progressif dans le temps, le marché augmentera sa capacité de manière crescendo, afin de permettre au marché d’absorber l’apport complémentaire de capitaux.

 

 

D’autres acteurs pourraient contribuer à la production audiovisuelle du marché FWB

 

Certains membres du Collège d’avis, considèrent qu’une réflexion pourrait être utilement menée sur l’élargissement du régime de contribution à d’autres acteurs, comme les fournisseurs d’accès mobile à internet, dont les connections sont de plus en plus utilisées pour la consommation de contenus audiovisuels.  La Flandre a déjà initié une réflexion sur son marché. À l’instar de son homologue flamand, la FWB pourrait ouvrir de nouvelles pistes de contribution pour renforcer davantage encore sa production audiovisuelle locale…

 

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[1] Directive européenne sur les services de médias audiovisuels et les services de partage de vidéos.