Le Conseil supérieur de l’audiovisuel publie son premier bilan sur l’application du nouveau règlement en matière d’accessibilité des programmes aux personnes en situation de déficience sensorielle. Depuis 2021, un premier « palier » de nouvelles obligations définies dans le règlement accessibilité sont imposées aux éditeurs et distributeurs de services de médias audiovisuels. Ces obligations concernent essentiellement le sous-titrage en différé et en direct, l’audiodescription et l’interprétation en langue des signes de leurs programmes. Ce rapport dresse un premier bilan plutôt positif quant à l’engagement des éditeurs. Il témoigne des démarches mises en œuvre pour augmenter significativement le volume de programmes rendus accessibles dès 2021.
Ce premier contrôle des obligations quantitatives aura également permis d’appréhender les principales difficultés auxquelles doivent faire face les éditeurs de Fédération Wallonie-Bruxelles pour concrétiser leurs obligations. En effet, si les résultats sont très encourageants en matière de sous-titres adaptés, notamment dans le cas des services linéaires, l’audiodescription semble constituer un réel défi pour la plupart des éditeurs.
Les obligations quantitatives et qualitatives varient en fonction de la taille des éditeurs et du type de services qu’ils proposent. Si l’ensemble du secteur doit pouvoir atteindre des objectifs quantifiés très clairs, certains éditeurs sont soumis à des obligations de « résultats » et d’autres à des obligations de « moyens ». Les premiers doivent atteindre les objectifs fixés, les seconds doivent justifier des démarches entreprises dans le cas où les objectifs ne sont pas atteints. En matière de sous-titrage, le CSA constate que la grande majorité des acteurs soumis à des obligations de résultats ont fourni les efforts nécessaires pour atteindre, voire dépasser les objectifs fixés. Le bilan est en revanche moins positif pour les acteurs qui sont soumis à des obligations de moyens, car, à l’exception d’Auvio, aucun d’entre eux ne parvient à atteindre les quotas fixés par le règlement.
Le bilan du respect des quotas de programme audiodécrits est quant à lui plus mitigé, puisque seuls 7 services sur 18 concernés par des obligations de résultats respectent les objectifs fixés. Aucun des services soumis à des obligations de moyens ne parvient à respecter les quotas.
Sur le plan qualitatif, le CSA salue la qualité des sous-titrages en différé que proposent les éditeurs, ainsi que l’interprétation en langue des signes des programmes d’information. La qualité des sous-titres en direct ou semi-direct est quant à elle à améliorer pour garantir la bonne compréhension des programmes. Le CSA constate également une inégalité dans la qualité apportée à l’audiodescription des programmes. Certaines d’entre elles respectent parfaitement les critères de la Charte et favorisent une réelle immersion du public, d’autres moins, notamment du fait de descriptions imprécises.
Si les progrès sont à saluer à l’issue de ce premier bilan, le CSA conclut que des efforts importants devront être mis en œuvre dans les mois à venir pour offrir au public en situation de déficience sensorielle une véritable offre de programmes de qualité à l’intérieur du paysage audiovisuel francophone. En 2022, le second palier des obligations du règlement accessibilité a été atteint et les services de la RTBF ayant une audience supérieure à 2,5% (La Une et Tipik) ont vu leurs obligations pratiquement doubler, en passant de 47,50% à 95% de leur programmation qui devra être sous-titrée (contre 75% pour les services privés ayant une audience supérieure à 2,5% comme AB3, Club RTL et RTL TVI). Les quotas en matière d’audiodescription ont également augmenté de manière significative. Le CSA contrôlera ces paliers d’obligations dans le courant de l’année 2023.
Le CSA est conscient des difficultés et des freins, notamment techniques et financiers auxquels doivent faire face les éditeurs pour rendre leurs programmes accessibles. En tant que régulateur, le CSA souhaite accompagner le secteur vers la concrétisation des objectifs ambitieux prévus par le règlement en gardant l’intérêt du public en situation de déficience sensorielle au cœur de ses préoccupations et de ses actions en la matière. L’organisation de groupes de suivi semble tout indiquée pour favoriser les échanges et la collaboration entre les éditeurs, les associations, les prestataires et le CSA.
Sous-titrage : les quotas largement atteints, mais uniquement pour les éditeurs soumis à des obligations de résultat
Onze des douze médias de proximité sont parvenus à atteindre et dépasser l’obligation de 17,5% avec une moyenne de 25% de contenus rendus accessibles au moyen d’un sous-titrage. Les services linéaires de la RTBF la Une et Tipik ont eu aussi respecté, parfois largement, les quotas 2021 en matière de sous-titrage. Toutefois, les chaînes du groupe RTL, qui considère que ses trois services (RTL TVi, Club RTL et Plug RTL) sont édités sous la compétence des autorités de contrôle luxembourgeoises et non du CSA n’a fourni aucun rapport annuel ni aucune donnée relative à l’accessibilité de ses programmes. Le CSA a néanmoins mené des monitorings sur ces trois chaînes qui font état d’une très faible prise en charge de l’accessibilité des programmes aux personnes en situation de déficience sensorielle sur les trois services de l’éditeur. Il s’agit d’un constat regrettable au vu des audiences générées par ces trois services et donc de l’impact sur les publics bénéficiaires.
Concernant les services privés ayant une audience inférieure à 2,5% et étant soumis à des obligations de « moyens », aucun ne parvient à atteindre les quotas. On relève quelques efforts consentis par certains services de BeTV et par ABX, mais on note à peine 1% de programmes sous-titrés sur LN24 et 0% pour Canal Z, Dobbit, PmH ou encore Sooner.
Audiodescription : des coûts élevés pour le secteur et une charte de qualité à mieux respecter
En 2021, parmi les chaînes les plus consommées, seuls les services de la RTBF (La Une, Tipik) ont respecté les objectifs fixés en matière d’audiodescription. Malgré des difficultés exprimées par la RTBF dès 2020 concernant l’acquisition et les coûts engendrés par l’achat ou la production des pistes d’audiodescription, ses services ont vu leur volume de fictions et documentaires en audiodescription augmenter de manière importante avec 19,5% de programmes audiodécrits sur la Une (+ de 324 heures) et 12,5% (+ de 273 heures) sur Tipik.
Contrairement à la RTBF et aux médias de proximité pour lesquels le gouvernement a approuvé, en 2019, une allocation de crédits visant à accompagner l’implémentation du règlement, les éditeurs privés n’ont pas bénéficié de financements publics pouvant les aider à assumer ces charges supplémentaires, particulièrement dans le cas de l’audiodescription qui qui implique des coûts importants.
Audiodécrire un programme représente en effet un certain coût pour les éditeurs soumis aux obligations du nouveau décret. Ces coûts sont près de 10 fois supérieurs à ceux du sous-titrage adapté. L’identification des programmes qui disposent d’une version audiodécrite déjà produite représente une autre source de difficulté pour les éditeurs. En concertation avec leurs partenaires commerciaux, l’exercice 2021 aura été consacré à cette identification. Il est donc à espérer que ces démarches puissent se concrétiser dès 2022.
Le Centre du cinéma et de l’audiovisuel oblige les producteurs belges à produire une piste d’audiodescription et octroie une aide de 5000 euros pour couvrir les frais. ScreenBrussels prévoit la possibilité, sous certaines conditions, notamment économiques, de financer divers postes de dépenses dont des dépenses de post-production et de sous-titrage. De même, Wallimage encourage « Les producteurs présentant des œuvres dont la langue originale est le français (…) à prévoir une audiodescription. Si celle-ci est réalisée auprès d’un prestataire établi en Région wallonne, le devis (et postérieurement la facture) de ce dernier pourra être valorisée à 200% de sa valeur dans le décompte des dépenses éligibles. » A contrario, aucun mécanisme d’aide financière n’est prévu pour les éditeurs de services de médias audiovisuels privés qui doivent atteindre jusqu’à 75% de programmes sous-titrés ou interprétés mais aussi (et surtout, en termes de coûts) 20% de fictions et documentaires audiodécrits diffusés aux heures de grande écoute d’ici 2024.
À côté des aspects financiers, le CSA relève enfin des problèmes dans la qualité de l’audiodescription des programmes. La plupart des programmes monitorés ne rencontrent en effet pas pleinement les critères de la Charte qualité qui a été adoptée dans la foulée du règlement sur l’accessibilité des programmes.
Ce constat s’explique aussi par le fait que le marché de l’audiodescription en Fédération Wallonie-Bruxelles est encore en phase de développement. Actuellement, il existe peu d’acteurs et d’actrices professionnelles, notamment parce que les éditeurs établis en Fédération Wallonie-Bruxelles ne diffusaient pas d’audiodescription, ou à de très rares occasions, avant l’entrée en vigueur du Règlement. À l’inverse, il existe davantage de sociétés de sous-titrage en FWB.
Les prestataires belges soulignent la nécessité d’agir pour sauvegarder les entreprises belges de l’audiodescription face à la concurrence du marché français.
Cette action est généralement attendue de la part des pouvoirs publics au travers de mécanismes semblables à ceux mis en place par Wallimage. Ce mécanisme pourrait être inspirant pour une politique visant à encourager la production d’audiodescriptions en Belgique par les éditeurs télévisuels.
Des groupes de suivi nécessaires pour suivre de près les évolutions
Au regard des enjeux que représente la mise en route du règlement accessibilité, le CSA s’engage à suivre les évolutions de très près et à les accompagner avec des groupes de suivi pour favoriser les échanges et la collaboration entre les éditeurs, les associations, les prestataires et le CSA.
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