Media Outlook 2025

 

Le rapport 2025 European Media Industry Outlook de la Commission européenne dresse un état des lieux du paysage médiatique du continent. Dans un contexte de concurrence accrue avec les plateformes globales, d’évolution rapide des usages et de révolution technologique, les médias européens, en passant par le jeu vidéo et les expériences immersives, se trouvent à un tournant stratégique.

 

Audiovisuel : un marché puissant mais sous pression

 

Avec 22 % des revenus mondiaux, l’Europe reste un acteur majeur de l’audiovisuel, mais les chiffres illustrent une domination croissante des géants américains : trois plateformes (Netflix, Amazon Prime, Disney+) captent 66 % du marché européen du streaming. YouTube rivalise à lui seul avec l’ensemble des Services de Vidéo à la demande (SVoD) en termes de temps de visionnage.

Si le cinéma européen retrouve son niveau de fréquentation pré-COVID, il reste largement tributaire des blockbusters américains. Dans tous les pays de l’UE, le nombre d’œuvres américaines disponibles sur les plateformes de streaming est le plus élevé et, de plus, elles obtiennent de meilleures performances en termes de visionnage que les œuvres européennes. La part des titres américains représente en effet 51 % de l’offre totale (allant de 44 % en Allemagne à 58 % en Pologne) et le temps de visionnage moyen atteint 61 %. Une tendance encourageante se profile concernant les œuvres « nationales ». Les titres disponibles dans le même pays que celui où ils ont été produits représentent en moyenne 6 % de l’offre de l’ensemble des catalogues, mais les spectateurs locaux leur consacrent 9 % de leur temps de visionnage.

Les diffuseurs traditionnels investissent dans leurs propres plateformes, tandis que les plateformes américaines renforcent leur présence locale et investissent notamment dans les contenus sportifs. L’innovation joue un rôle très important pour le secteur audiovisuel européen. L’IA générative est en forte croissance (+85 %/an d’ici 2028) pour les studios virtuels et dans l’exploitation avancée des données pour personnaliser l’offre. Mais cette évolution représente aussi un risque en matière d’autonomie, car elle est aussi largement dépendante de solutions technologiques non-européennes. L’usage de l’IA aura également à court terme un impact attendu sur la production (scénarios, effets visuels), qui soulève des inquiétudes sur la créativité et les droits d’auteur.

Le rapport pointe les forces du secteur audiovisuel européen dont les productions connaissent un véritable succès en Europe et en dehors. L’Europe dispose également d’un réseau de producteurs indépendants et d’une diversité culturelle unique, mais sa fragmentation linguistique et réglementaire représente un frein important pour sa capacité de diffusion à l’international.

Le rapport confirme les tendances de consommation générationnelles. Les jeunes plébiscitent le streaming et l’expérience multi-écran, tandis que les publics plus âgés restent attachés à la diffusion en linéaire.

De tels constats devraient alimenter les débats autour de la révision de la Directive sur les Services de Medias Audiovisuels prévue en 2026. La Directive actuelle prévoit un mécanisme de contribution à la production audiovisuelle des acteurs non-européens qui

 

Médias d’information : les médias locaux restent incontournables pour les européens, mais leur modèle est fragilisé

 

Les médias d’information européens traversent une transition complexe. 89 % des revenus proviennent encore de modèles traditionnels, tandis que la publicité numérique est largement captée par les plateformes. Les médias locaux restent incontournables pour les citoyens européens en matière de consommation d’information. La télévision, la presse écrite et en ligne et la radio restent de loin les premiers canaux d’accès à l’information pour les Européens, mais cette tendance décline au profit des réseaux sociaux qui deviennent le premier canal d’information pour 37 % des Européens. Cette évolution a pour effet de brouiller les repères entre opinion et actualité, avec notamment le poids que représentent désormais les créateurs de contenus qui concurrencent les médias traditionnels.

Si la confiance reste majoritairement acquise aux médias traditionnels, notamment publics, la faiblesse de la propension à payer (66 % des Européens ne paient pas pour leurs informations) et la fermeture de rédactions locales mettent en péril le pluralisme. Des modèles innovants émergent : diversification des revenus (événements, e-commerce), abonnements numériques, newsletters payantes et accords de licences avec les plateformes, mais ces dernière (Google, Meta…) captent la majorité des revenus publicitaires en ligne, réduisant la marge des médias. La forte transition numérique des médias européens (94% des médias publics sont présents en ligne) s’accompagne donc de défis économiques importants.

À l’instar du secteur audiovisuel dans son ensemble, le rapport pointe le risque que représente le recours à l’IA dans la production de contenus informationnels sur la confiance des publics.

 

Recommandations du Media Outlook 2025

 

À la suite des constats dressés par le rapport, trois grandes recommandations sont adressées au secteur médiatique et à l’industrie européenne : évoluer pour mieux capter l’audience européenne, développer des solutions technologiques locales pour sortir de la dépendance des technologies non-européennes (cloud, IA, moteurs de jeux etc.) et valoriser la propriété intellectuelle des productions européennes.

 

  • Mieux capter l’audience européenne

 

L’explosion de l’offre de contenus, portée par les créateurs indépendants, les outils d’IA générative et les plateformes mondiales, intensifie la bataille pour l’attention. Le rapport appelle les acteurs européens à repenser leurs stratégies : segmentation fine des audiences, marketing personnalisé, formats interactifs et narration adaptée aux habitudes des jeunes générations deviennent des impératifs pour rester compétitifs.

 

  • Développer des solutions locales pour préserver la souveraineté technologique et l’innovation européenne

 

La dépendance aux technologies non européennes (cloud, IA, moteurs de jeux, XR) inquiète. Développer des solutions locales est crucial pour garantir la maîtrise des données et renforcer la compétitivité du secteur. L’IA, intégrée de manière responsable, offre des leviers puissants pour la production, la distribution et la monétisation des contenus. Mais l’Europe accuse un retard d’investissement : seuls 7 des 800 plus grands investisseurs mondiaux en R&D sont des entreprises médias européennes.

 

  • Valoriser la propriété intellectuelle

 

Dans une économie saturée de contenus, les marques fortes deviennent un capital stratégique. Le rapport encourage une meilleure exploitation transmedia (livres, films, séries, jeux) pour fidéliser les publics et diversifier les revenus.

 

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