D’application depuis le 8 août dernier, les obligations du Règlement Européen sur la Liberté des Médias (European Media Freedom Act : EMFA) s’imposent à l’ensemble des Etats membres. L’EMFA représente un projet unique et global qui renforce la protection de l’indépendance journalistique et médiatique en Europe. Il interdit toute forme de pression des autorités sur les médias et impose aux États membres de garantir l’indépendance des médias publics par un financement stable, transparent et prévisible. Dans l’environnement numérique, les très grandes plateformes en ligne devront faire preuve de transparence auprès des médias, notamment lorsqu’elles suppriment ou restreignent leurs contenus.
L’EMFA vise également à renforcer le pluralisme des médias grâce à des obligations accrues de transparence sur la propriété des acteurs médiatiques qui permettront aux utilisateurs de connaître les acteurs qui détiennent les médias. Les régulateurs nationaux et dans certains cas le “Comité européen pour les services de médias”, au sein duquel siège le CSA, joueront un rôle central : ils surveilleront la concentration du marché, évalueront les risques pour l’indépendance éditoriale et veilleront à l’application de ces règles dans toute l’Union européenne.
En Belgique, la mise en œuvre de ce règlement implique notamment de désigner les autorités compétentes qui auront la charge de veiller au respect des différents articles pour les médias en Fédération Wallonie-Bruxelles, en Flandre et en Communauté germanophone et de modifier les décrets qui régissent le fonctionnement de ces autorités pour leur permettre d’intégrer ces nouvelles compétences.
Pour la Fédération Wallonie-Bruxelles, c’est le CSA qui est désigné pour veiller à la bonne application d’une partie du règlement européen. Le projet de modification du décret sur les services de médias audiovisuels et des plateformes de partage de vidéos a été soumis au Collège d’avis du CSA qui rassemble les représentants et représentantes du secteur médiatique.
L’avis du secteur
L’avant-projet de décret engendre des avis divergents concernant certains des articles du décret qui mettent en œuvre l’EMFA, sur les obligations de transparence des médias, l’évaluation des concentrations sur le marché, les procédures de nomination et de révocation des membres du conseil d’administration et de la direction des médias de proximité. Certains membres du collège d’avis ont appelé à ce que le CSA travaille en coordination avec d’autres autorités ou organismes compétents lorsque ses missions portent sur l’analyse du pluralisme des médias et sur l’indépendance éditoriale.
Certains membres du Collège d’avis ont jugé les procédures de nomination des directions et des membres des conseils d’administration des médias publics trop contraignantes et peu adaptées aux réalités du secteur. D’autres acteurs ont à l’inverse considéré que la procédure manquait de précision dans l’avant-projet.
Le Collège d’avis a trouvé un consensus à deux reprises : la scission en deux articles distincts des dispositions relatives aux procédures d’évaluation des concentrations d’une part et de la position significative dans le secteur médiatique d’autre part, et le fait d’accorder une voix délibérative à l’AJP, le CDJ et à la Presse.be au sein du Collège d’avis d’autre part.
Les nouvelles missions du CSA émanant de l’EMFA
Avec ses nouvelles attributions telles que prévues dans l’avant-projet de décret, le CSA aurait la mission essentielle de veiller à l’application concrète de certaines dispositions du règlement, en contrôlant la transparence, l’indépendance éditoriale des médias et le pluralisme du marché. Plus concrètement, l’avant-projet de décret prévoit que le CSA intègre notamment les articles 5, 6,18, 20, 22 et 24 de l’EMFA dans son champ de compétence.
L’article 5 impose aux États membres de veiller à ce que les fournisseurs de services de médias de service public soient indépendants sur les plans éditorial et fonctionnel. Plusieurs mesures sont prévues pour garantir le respect de cet objectif. Cet article prévoit des règles plus strictes pour encadrer les nominations et la révocation des dirigeants des médias et de leur conseil d’administration, et impose au Gouvernement de garantir un financement stable, prévisible et transparent des médias de service public, en l’occurrence la RTBF et les médias de proximité pour la FWB. Ces dispositions renforcent l’arsenal juridique existant en matière d’indépendance éditoriale et fonctionnelle des médias de service public et il appartiendra au CSA de les contrôler et d’en assurer le respect.
L’article 6 renforce quant à lui la transparence sur la propriété des médias : chaque opérateur devra rendre publiques notamment les informations relatives à ses propriétaires et à ses bénéficiaires effectifs. Le CSA sera chargé de collecter, mettre à jour et rendre accessible ces données pour éclairer le public.
Dans l’espace numérique, l’EMFA prévoit de protéger et de valoriser les médias locaux dans les plateformes en ligne. L’article 18 encadre les relations entre les très grandes plateformes en ligne et les médias : si une plateforme en ligne limite ou retire le contenu d’un média de la FWB, elle devra en motiver la décision et lui offrir un droit de réponse rapide
L’article 20 affirme le droit des utilisateurs à une offre médiatique personnalisée et diversifiée, tandis que l’article 22 confie aux régulateurs la surveillance des concentrations médiatiques, pour préserver le pluralisme des médias et l’indépendance éditoriale. En FWB, il sera désormais prévu que le CSA puisse mener deux types d’analyses.
La première, introduite par l’EMFA, interviendrait en amont d’un changement potentiel du paysage médiatique. Lorsqu’un projet de concentration entre plusieurs médias est prévu sur le marché et est susceptible d’avoir un effet important sur le pluralisme des médias et l’indépendance éditoriale, le CSA analysera notamment l’effet attendu de la concentration sur le marché des médias sur le pluralisme des médias, les garde-fous protégeant l’indépendance éditoriale, etc. Le CSA devra collaborer avec l’Autorité Belge de la Concurrence lors de cette évaluation.
La seconde analyse, qui préexistait à l’EMFA, intervient lorsqu’un éditeur ou un distributeur exerce une position significative sur le marché. Le CSA peut alors engager une procédure d’évaluation du pluralisme de l’offre dans les services de médias audiovisuels.
Enfin, l’article 24 impose des standards en matière de mesure de l’audience. Le CSA aura pour mission d’encourager les fournisseurs de systèmes de mesure de l’audience à élaborer des codes de conduite en collaboration avec le secteur de la mesure de l’audience.
L’EMFA en quelques mots