Le CSA adresse un avertissement à RTL Belgium pour non-respect de l’égalité entre les femmes et les hommes 

 

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a décidé d’adresser un avertissement à RTL Belgium pour non-respect de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le cadre la diffusion de son émission « Au commissariat » du 24 mai 2020 sur son service RTL-TVi. Il est reproché à l’éditeur d’avoir traité de manière inappropriée un sujet relatif à des violences conjugales et, ce faisant, d’avoir contribué à renforcer leur banalisation et leur perpétuation.  

Par ailleurs le Collège organisera, à l’attention des éditeurs, dans les prochaines semaines, une séance d’information et de sensibilisation pluridisciplinaire sur l’importance, dans la lutte contre la violence faite aux femmes, du traitement médiatique de la problématique. 

 

Contexte  

L’émission « Au Commissariat » propose une « immersion » au sein des commissariats belges. La séquence concernée traite des conséquences d’une agression au sein d’un couple. L’homme se dit victime d’une agression au couteau perpétrée par sa compagne. On comprend néanmoins rapidement que cette agression relève d’une forme de légitime défense. Tout au long de l’émission, plusieurs intervenant.e.s dont un psychologue, le commissaire et la voix-off s’alternent pour commenter le sujet.  

À la suite de cette émission, le CSA a été saisi d’une plainte. La plaignante et son mari y dénoncent la maladresse avec laquelle est traité ce reportage qui, selon eux, criminalise le comportement de défense de la victime, minimise les faits, victimise l’auteur, renforce la banalisation des violences conjugales, nuit à l’image des femmes victimes de violences et détruit l’image des femmes. Ils pointent le manque d’intervention, dans le programme, de personnes spécialisées dans les violences conjugales qui auraient pu apporter un éclairage professionnel ainsi que l’absence de débat contradictoire avec des associations de victimes. Après une ouverture d’instruction, le Collège d’autorisation et de contrôle du CSA avait décidé de notifier le grief à l’éditeur d’avoir diffusé un programme contraire aux lois ou à l’intérêt général et contraire au respect de l’égalité entre les femmes et les hommes1 

 

Risque de banalisation des violences faites aux femmes  

Dans sa décision finale, le Collège d’autorisation et de contrôle du CSA estime que l’émission tend à banaliser les violences faites aux femmes dans la manière dont le sujet a été traité. Le Collège se base sur une étude scientifique réalisée au sujet du traitement médiatique des violences faites aux femmes pour identifier différentes pratiques qui tendent à perpétuer les stéréotypes liés à celles-ci et à les perpétuer. 

Ainsi, alors que le sujet constitue une problématique grave qui relève d’un phénomène structurel, il est présenté comme un simple « fait divers » et régulièrement décrit dans des termes minimisants, l’agression étant présentée comme un « simple conflit familial », ou encore comme un « problème de communication ».  Par ailleurs, l’homme qui s’avère être en réalité le véritable agresseur y est présenté comme une victime tout au long de l’émission et comme une personne plutôt gentille qui s’est retrouvée dans une situation compliquée. On relève aussi l’absence de mise en perspective par des experts ou des associations spécialisées. 

Le Collège insiste sur le rôle que doivent jouer les médias dans la mise en lumière des rapports structurels de domination qui fondent les violences contre les femmes. Un média qui ne joue pas ce rôle ne respecte pas l’égalité entre hommes et femmes.  

 

Avertissement  

Au regard du grief, de l’absence d’arguments de fond invoqués par l’éditeur et de la nécessité que les médias prennent conscience du rôle central qu’ils ont à jouer dans la lutte contre les inégalités entre femmes et hommes, et notamment dans le phénomène de la violence envers les femmes, le CSA a décidé d’adresser à RTL Belgium un avertissement. La décision se veut avant tout pédagogique. Bien que l’éditeur ait déjà été mis en cause pour non-respect de l’égalité entre les femmes et les hommes, ce dossier est le premier dans lequel un éditeur est épinglé non pas pour des propos directement attentatoires à l’égalité mais plutôt pour le traitement global inapproprié d’une problématique.  L’infraction apparaît dès lors résulter davantage d’une ignorance des bonnes pratiques qui doivent être mises en place dans une société plus égalitaire que d’une réelle intention.  

Dans une optique constructive et pédagogique, le Collège invitera en outre, dans les prochaines semaines, l’éditeur, ainsi que tous les autres éditeurs qui le souhaitent, à une séance pluridisciplinaire d’information et de sensibilisation sur l’importance, dans la lutte contre la violence faite aux femmes, du traitement médiatique de la problématique. Il s’agit d’un sujet crucial qui a fait l’objet d’une Convention du Conseil de l’Europe, dite Convention d’Istanbul sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. 

 

 

Voir la décision

 

(1) Article 9, 1° du décret SMA : La RTBF et les éditeurs de services soumis au présent décret ne peuvent éditer 1° des programmes contraires aux lois ou à l’intérêt général, portant atteinte au respect de la dignité humaine, au respect de l’égalité entre les femmes et les hommes ou contenant des incitations à la discrimination, à la haine ou à la violence, en particulier pour des raisons de prétendue race, d’ethnie, de sexe, de nationalité, de religion ou de conception philosophique, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle ou tendant à la négation, la minimisation, la justification, l’approbation du génocide commis par le régime nazi pendant la seconde guerre mondiale ainsi que toute autre forme de génocide.