
Le CSA a décidé de classer sans suite les plaintes qui lui sont parvenues dans le cadre de la diffusion par la RTBF d’une capsule intitulée : « Comment être moins raciste ? Estelle décortique le racisme systémique et le rôle des personnes blanches pour l’éradiquer ». Les plaignants reprochaient notamment à l’éditeur public de partager une opinion culpabilisante et discriminatoire pour traiter le sujet du racisme. Le CSA avait ouvert une instruction pour évaluer si le programme en question pouvait relever en effet de la discrimination au regard du décret audiovisuel ou d’un manquement au regard du contrat de gestion de la RTBF.
Dans le cadre de l’instruction, le CSA a saisi le Conseil de Déontologie Journalistique qui, dans son avis, estime que le traitement journalistique du programme ne comportait pas d’erreur déontologique ni de racisme.
Unia a également été saisi et a considéré que Mme Depris “ ne développe en effet qu’un argumentaire fondé sur le concept de la blanchité en vue de démontrer l’existence d’un racisme systémique. De la sorte, elle ne témoigne pas d’une volonté d’inciter d’autres personnes à la haine contre les blancs mais fait simplement état d’une théorie développée dans la recherche sociologique en vue de déconstruire et lutter contre le racisme à l’égard des personnes noires. Le développement de cette théorie relève donc de la liberté d’expression tout comme d’ailleurs le fait d’émettre des critiques à son égard”.
De même, au regard du décret audiovisuel et s’appuyant sur ces deux avis, le CSA estime que les propos ne peuvent être considérés comme contenant une discrimination ou incitant à discriminer. Le CSA rappelle que la limitation de la liberté d’expression, en ce compris celle des médias, n’intervient que dans des cas exceptionnels, et que seule la gravité d’un propos peut justifier une entrave à cette liberté. En ce sens, la diffusion de cette capsule éducative n’entre pas dans une telle catégorie justifiant une sanction de l’éditeur.
Au regard du contrat de gestion qui fixe les obligations et les missions de l’éditeur public, le CSA estime que la RTBF n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation et a, au contraire, fait une application correcte de ses obligations, qui consistent, notamment, à informer, éduquer, émanciper, développer l’esprit critique, expliquer la complexité, promouvoir le débat, favoriser la cohésion sociale, l’égalité et la diversité, lutter contre toute forme de racisme et de discrimination, dialoguer avec les publics et être moteur de développement durable, social, économique, culturel, citoyen et démocratique.
Dès lors, le Secrétariat d’instruction du CSA a décidé de classer sans suite les plaintes reçues sans qu’il soit opportun de soumettre le dossier à une décision de son Collège d’autorisation et de contrôle.
Quelles sont les règles audiovisuelles auxquelles est soumise la RTBF ?
La RTBF est un acteur central du paysage audiovisuel belge francophone, doté de missions de service public définies par son contrat de gestion et le décret sur les services de médias audiovisuels. Ces textes encadrent ses activités afin d’assurer un contenu accessible, diversifié et adapté aux attentes des citoyens et des citoyennes, tout en répondant aux enjeux technologiques, culturels et sociétaux.
Ce contrat de gestion est renouvelé tous les cinq ans et fixe des obligations précises pour garantir que la RTBF, en tant qu’éditeur public, remplisse son rôle de service public. Ces obligations couvrent des domaines variés tels que l’offre de service, la diversité et la durabilité, l’information, la culture, et bien d’autres. Le contrôle exercé par le CSA garantit le respect de ces engagements et assure une transparence totale envers les citoyens.
Extrait utile de l’avis d’Unia transmis au CSA
“Lors de l’analyse de tels faits, nous prenons avant tout en compte la liberté d’expression. La jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’Homme stipule que chacun doit pouvoir exprimer son opinion, même si celle-ci est perçue comme choquante, blessante ou heurtante par d’autres. Ce droit fondamental est la pierre angulaire de la démocratie et doit être pris en compte dans le contexte du débat social et politique.
Certaines limites à la liberté d’expression sont néanmoins possibles. Dans le système juridique belge, il est ainsi punissable d’inciter délibérément à la haine, à la discrimination ou à la violence sur la base de certains critères, tels que l’origine ethnique, la conviction religieuse ou l’orientation sexuelle par exemple. Cette infraction nécessite néanmoins plusieurs éléments constitutifs dont notamment la démonstration d’un dol spécial (une intention particulière).
En l’occurrence, nous sommes d’avis que les propos contestés ne constituent aucunement une incitation à la haine, à la violence ou à la discrimination au sens de la législation anti-discrimination et qu’ils sont donc protégés par la liberté d’expression.
Dans cette interview, la personne en question ne développe en effet qu’un argumentaire fondé sur le concept de la blanchité en vue de démontrer l’existence d’un racisme systémique. De la sorte, elle ne témoigne pas d’une volonté d’inciter d’autres personnes à la haine contre les blancs mais fait simplement état d’une théorie développée dans la recherche sociologique en vue de déconstruire et lutter contre le racisme à l’égard des personnes noires. Le développement de cette théorie relève donc de la liberté d’expression tout comme d’ailleurs le fait d’émettre des critiques à son égard.”
Extrait utile des missions de la RTBF telles que décrites dans le contrat de gestion
“La RTBF est le service public audiovisuel francophone de Belgique. Moderne, indépendante et fiable, elle a pour ambition d’être un média de référence pour l’ensemble des publics de la Fédération. Ses missions historiques consistent à informer, éduquer et divertir. Elles doivent être traitées de manière transversale et équilibrée sur tous les médias de la RTBF.
Dans le monde d’aujourd’hui, cela signifie émanciper, développer l’esprit critique, expliquer la complexité, promouvoir le débat, le pluralisme et la culture, révéler les talents, divertir, oser, innover, fédérer, favoriser la cohésion sociale, l’égalité et la diversité, accompagner les publics face aux risques notamment de fausse information, de propagande, de manipulation, de fragmentation ou d’isolement, donner des clés pour exister dans l’espace privé, public et démocratique, dialoguer avec les publics et être moteur de développement durable, social, économique, culturel, citoyen et démocratique, notamment au sein des écosystèmes. La RTBF a pour vocation de « faire société », de faire sens et de créer du lien dans un monde qui polarise. Elle inspire et connecte les publics pour renforcer la confiance en soi et la société dans son ensemble.”
« La RTBF affirme sa vision de l’égalité et de la diversité où chaque personne s’épanouit, trouve sa place dans un monde en mutation et apporte le meilleur de soi au bénéfice de la société. La RTBF se fait fort d’être un vecteur d’émancipation et de cohésion sociale. Loin de se réduire à la lutte contre l’exclusion sociale, cet engagement pour la cohésion se traduit par une volonté d’impliquer toutes les parties prenantes de la société afin de développer le dialogue et l’engagement qui permettent d’assurer le bien-être collectif. Ainsi, elle investit, dans l’ensemble de ses missions, les champs liés aux défis de la pauvreté, des inégalités, des politiques économiques et sociales et de la justice. »
« La diversité du paysage médiatique est un enjeu démocratique essentiel, à l’heure où les informations non vérifiées, les fausses informations, le mensonge et la propagande menacent la cohésion sociale. La RTBF, les médias de proximité et les médias privés produisent seuls ou ensemble une information de qualité, vérifiée, capable d’expliquer les enjeux et d’apporter de la nuance. Ce pluralisme de l’information est nécessaire dans une société démocratique. »
« La RTBF est une référence en matière de liberté d’expression, de qualité, de fiabilité et d’impartialité. Vecteur puissant de représentations et d’identifications diverses, elle respecte la personne et la dignité humaine, la protection des mineurs et de l’environnement, l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre toute forme de racisme et d’incitation à la discrimination, à la haine ou à la violence, quel que soit le critère retenu. La RTBF applique une diversité inclusive où tout le monde trouve sa place ».