En juin dernier, l’Observatoire Européen des Médias Numériques, EDMO, a publié son rapport relatif à la mise en œuvre du Code de bonnes pratiques de lutte contre la désinformation et la manière dont les très grandes plateformes et très grands moteurs de recherche en ligne (VLOPSEs), à savoir Meta (Facebook e Instagram), Google (Search et YouTube), Microsoft (Bing et LinkedIn), ainsi que TikTok, respectent les obligations auxquelles ils ont volontairement souscrites afin de réduire la propagation et l’impact de la désinformation. Si le rapport s’intéresse à la période allant de janvier à juin 2024, il convient toutefois de rappeler que depuis le 1er juillet 2025, ce Code de bonnes pratiques s’est transformé en un Code de conduite (CoC) en vertu de l’article 45 du Digital Services Act, constituant en cela la référence européenne en matière de lutte contre la désinformation.
Scope et méthodologie :
Ce rapport EDMO s’appuie sur différentes sources : les rapports de transparence fournis par les VLOPSEs en 2024, la vérification indépendante des données par des chercheurs du programme EDMO et, enfin, des analyses qualitatives issues d’une enquête menée entre décembre 2024 et février 2025 auprès de 91 expert.e.s issu.e.s de 25 pays différents : fact-checkeurs, chercheurs et organisations issues de le société civile.
L’analyse évalue les progrès des VLOPSEs au regard de huit engagements clés, répartis en trois piliers du Code :
- La littéracie numérique (éducation aux médias) (engagements 17 : initiatives d’éducation aux médias, et 21 : outils pour aider les utilisateurs à identifier la désinformation).
- L’accès de la communauté scientifique aux données (engagements 26, accès aux données non personnelles et anonymisées, 27, gouvernance de l’accès aux données sensibles, et 28, coopération avec les chercheurs).
- Les relations avec les fact-checkeurs (engagements 30 : coopération avec les fact-checkeurs, 31 : intégration de la vérification des faits dans les services, et 32, accès aux informations pertinentes pour les fact-checkeurs).
Principaux résultats de l’évaluation :
Le rapport est organisé en trois parties. Premièrement, l’évaluation de la conformité des VLOPSEs vis-à-vis de leurs engagements. Deuxièmement, l’évaluation de la perception de l’efficacité des mesures mise en œuvre par le VLOPSEs par différents experts en éducation aux médias, fact-checkeurs et chercheurs. Enfin, troisièmement, des recommandations visant à améliorer la mise en œuvre future du Code de conduite et à renforcer la responsabilité des plateformes.

Source : EDMO
Conformité des VLOPSES :
L’analyse des rapports de transparence fournis par les VLOPSEs, ainsi que de leur de vérifiabilité, souligne une tendance constante à une mise en œuvre partielle, avec des progrès inégaux dans les différents domaines pris en compte dans le rapport : littéracie numérique, accès aux données pour les chercheurs et coopération avec les fact-checkeurs.
Perception de l’efficacité des mesures mises en place :
L’enquête menée auprès des différents expert.e.s concernant l’efficacité des initiatives et actions du VLOPSEs indiquent qu’elles restent limitées, manquent de cohérence et d’engagement significatif, quand bien même les résultats varient largement en fonction des différents services évalués. Google et Meta font ainsi partie des « bons élèves ».
Cependant, il convient de noter que l’analyse menée dans ce rapport ne fournit qu’un aperçu limité de l’efficacité des mesures mises en œuvre par les VLOPSEs dans la mesure où elle n’est perçue qu’au travers un échantillon représentatif de stakeholders (chercheurs, fact-checkeurs et organisations de la société civile).

Source EDMO
Recommandations :
Bien que des certains VLOPSEs adoptent des approches plus structurées dans certains domaines, aucun n’offre une transparence totale, une vérification indépendante ou des rapports d’impact totalement fiables et vérifiables. En somme, le rapport appelle les VLOPSEs à mieux satisfaire à leurs obligations de reporting. Il souligne également que l’obligation de réaliser des audits indépendants est une étape essentielle pour améliorer la responsabilisation des VLOPSEs et leur efficacité à mettre en œuvre leurs engagements, notamment dans le cadre de sa conversion en Code de conduite sous l’égide de l’article 45 du DSA au 1er juillet 2025.
Concrètement, le rapport établi une série de 15 recommandations dans les trois domaines visés par le rapport :
Education aux médias :
- Établir une coopération stable et durable avec des organisations issues de la société civile, des experts de l’éducation au média, des fact-checkeurs et des chercheurs
- Renforcer l’engagement avec les experts locaux
- Intégrer l’éducation aux médias et à l’information dans les expériences de la plateforme
- Localiser les outils et les ressources en prenant en compte les différentes langues des Etats-membres et les divers contextes culturels
- Améliorer la transparence des actions entreprises et soutenir l’éducation aux médias
Accès aux données pour les chercheurs :
- Faciliter l’accès aux données pour la recherche
- Établir des partenariats structurés avec des organismes de recherche et des mécanismes coopération au sein des VLOPSEs
- Améliorer la transparence des processus de recherche et leur impact sur les politiques des VLOPSEs
- Offrir des opportunités de financement et de renforcement des capacités de recherche
- Localiser la recherche en prenant en compte les différentes langues des Etats-membres et les divers contextes culturels
Coopération avec les fact-checkeurs :
- Établir, formaliser et renforcer les partenariats avec les organisations de fact-checking
- Améliorer l’accès aux données et la transparence pour les fact-checkeurs
- Intégrer le contenu vérifié aux systèmes des VLOPSEs
- Fournir de la part des VLOPSEs un soutien financier et technique aux initiatives de fact-checking
- Localiser l’engagement et améliorer la réactivité du fact-checking en prenant en compte les différentes langues des Etats-membres et les divers contextes culturels