Media Freedom Act
Media Freedom Act
Introduction
Le Règlement européen pour la liberté des médias ou European Media Freedom Act (EMFA) est un règlement européen directement applicable dans les législations des Etats membres qui a pour objectif de renforcer la liberté, l’indépendance éditoriale et le pluralisme des médias dans l’Union européenne, face à des menaces croissantes comme les pressions politiques, économiques ou l’influence de pays tiers par le biais des médias. Il veut protéger le rôle fondamental des médias dans les sociétés démocratiques, notamment en garantissant et renforçant leur pluralisme et leur indépendance éditoriale.
Depuis le 8 août 2025, la majeure partie des obligations prévues par le règlement sont entrées en vigueur. Le Media Board, organe consultatif européen indépendant qui réunit les autorités nationales, dont le CSA, est en charge pour superviser la mise en œuvre du règlement, en étroite collaboration avec les autorités de régulation des 27 États membres de l’UE.
Les États membres seront tenus de garantir l’indépendance éditoriale des médias opérant sur leur territoire, d’assurer un financement stable, prévisible et adéquat des médias de service public, et de suivre des procédures transparentes pour la nomination de leurs dirigeants.
En ce qui concerne les grandes plateformes comme Meta, X ou LinkedIn, de nouvelles obligations leur imposent désormais d’éviter toute censure arbitraire de contenus provenant de médias européens reconnus comme tels. Si les plateformes ne sont pas certaines de l’origine d’un contenu médiatique diffusé via leurs services, elles peuvent se référer à l’autorité de régulation nationale. Le Media Board peut émettre une recommandation en cas de désaccord entre la plateforme et le fournisseur de services médiatiques sur la suppression d’un contenu spécifique, à la demande de l’un ou l’autre.
Pour éviter que le paysage médiatique européen ne soit utilisé à des fins de propagande, les régulateurs nationaux renforceront la coordination des mesures relatives à la diffusion ou à l’accès à des services médiatiques provenant de pays tiers. Les autorités nationales pourront exercer leur pouvoir de régulation à l’encontre de ces médias si leur activité menace les principes démocratiques ou la sécurité de l’UE.
L’EMFA apporte également une réponse concrète à la concentration croissante de la propriété des médias en Europe. Il instaure un cadre européen commun d’évaluation des concentrations dans le secteur des médias à l’échelle de l’Union. Si une concentration médiatique risque d’avoir un impact significatif sur l’indépendance éditoriale ou le pluralisme des médias, les régulateurs nationaux devront mener une évaluation approfondie des risques, en consultation avec le Media Board, qui pourra émettre des avis sur certaines opérations transfrontalières.
En parallèle, l’EMFA oblige les groupes de médias à rendre publics leurs structures de propriété et leurs sources de financement, afin de faciliter l’identification des acteurs dominants et de limiter les monopoles ou oligopoles dissimulés.
Les principes et articles du Media Freedom Act
- Indépendance éditoriale des médias
- Pluralisme des médias
- Censure et désinformation
- Ingérences étrangères
Afin de protéger l’indépendance des rédactions et des journalistes, le règlement européen sur la liberté des médias (EMFA) impose des mesures concrètes et obligatoires aux États membres. Il exige que les autorités nationales garantissent l’indépendance éditoriale de tous les médias opérant sur leur territoire, en interdisant toute ingérence directe ou indirecte, notamment d’origine politique ou économique. Les États devront mettre en place des cadres juridiques empêchant les pressions gouvernementales ou les représailles à l’encontre des journalistes et veiller à ce que les décisions éditoriales ne puissent être influencées par des propriétaires ou annonceurs. Pour les médias de service public, une obligation de financement stable, prévisible et suffisant est imposée, ainsi que des règles claires et transparentes pour la désignation de leurs dirigeants, afin de limiter les nominations partisanes et de renforcer leur mission d’intérêt général.
Articles clés du règlement :
Article 4 : droits des fournisseurs de services de médias
Renforce l’indépendance éditoriale des médias. Protection des sources journalistiques et protection des logiciels de surveillance.
Article 5 : garde-fous pour le fonctionnement indépendant des fournisseurs de médias de service public
Garanti le financement des médias de service public et la transparence des procédures de nomination et de révocation de son CA
Article 6 : obligations des fournisseurs de services de médias
Transparence des fournisseurs de services de médias concernant le ou les noms de ses propriétaires et liberté des décisions éditoriales
L’un des piliers fondamentaux de l’EMFA est la lutte contre la concentration excessive des médias, qui pose un risque au pluralisme des médias et à l’indépendance éditoriale. Le règlement met en place un cadre européen harmonisé d’évaluation des concentrations dans le secteur des médias, applicable dans tous les États membres de l’UE. Toute opération de fusion ou d’acquisition susceptible d’avoir un impact significatif sur l’indépendance éditoriale ou le pluralisme doit faire l’objet d’une évaluation approfondie par les régulateurs nationaux. Ces derniers devront analyser les effets de ces opérations sur la diversité des contenus, la concurrence dans le secteur, et la capacité des journalistes à exercer leur métier en toute indépendance. Le Media Board peut être sollicité pour émettre des avis sur certaines transactions, notamment celles susceptibles d’avoir un impact sur le marché intérieur, renforçant ainsi la coordination à l’échelle européenne.
En complément, l’EMFA renforce la transparence dans la propriété des médias afin d’identifier plus facilement les situations de concentration cachée ou de contrôle indirect par des intérêts économiques ou politiques dominants. Les groupes médiatiques sont tenus de publier leur structure de propriété et leurs sources de financement qui proviennent de publicités d’Etats, rendant visibles les liens capitalistiques qui peuvent influencer les lignes éditoriales. Ce mécanisme de transparence est essentiel pour permettre aux autorités de régulation, aux journalistes, mais aussi au public, de mieux comprendre les dynamiques de pouvoir au sein du paysage médiatique. Ensemble, ces mesures visent à garantir un écosystème médiatique plus équilibré, où aucune voix ne peut étouffer les autres.
Articles clés du règlement :
Article 6 : obligations des fournisseurs de services de médias
Transparence des fournisseurs de services de médias concernant le ou les noms de ses propriétaires. Transparence autour des montants perçus provenant de publicité d’Etat.
Article 22 : évaluation des concentrations sur le marché des médias
Introduit un cadre commun à l’échelle de l’UE pour évaluer les opérations de concentration susceptibles de nuire au pluralisme ou à l’indépendance éditoriale. Oblige les autorités nationales à réaliser une analyse de risque . Permet au Media Board d’émettre des avis sur les opérations transfrontalières de concentration. Renforce la coordination entre régulateurs et assure une approche cohérente à l’échelle européenne.
L’EMFA introduit des règles pour encadrer les pratiques de modération des grandes plateformes numériques (comme Meta, X, YouTube, LinkedIn) en matière de contenus médiatiques. Ces plateformes ont l’interdiction de supprimer ou restreindre arbitrairement des contenus publiés par des médias européens reconnus comme tels, appelés « fournisseurs de services de médias certifiés ». Pour bénéficier de cette reconnaissance, les médias doivent respecter des normes professionnelles (transparence, responsabilité éditoriale, respect de la déontologie journalistique). Une fois certifiés, leurs contenus bénéficient d’une protection renforcée contre la censure automatisée ou injustifiée. Si une plateforme souhaite retirer ou restreindre un contenu de ce type, elle devra informer le média concerné, justifier sa décision et lui offrir un droit de recours rapide.
Articles clés du règlement :
Article 18 : contenus des fournisseurs de services de médias sur les très grandes plateformes en ligne
Interdit aux plateformes de retirer, restreindre ou réduire la visibilité des contenus publiés par des médias certifiés sans justification. Oblige à notifier le média concerné, à expliquer la mesure prise et à lui offrir un recours. Le fournisseur de service de médias peut demander au Media Board d’émettre un avis sur l’issue du dialogue, y compris, le cas échéant, des mesures recommandées pour le fournisseur d’une très grande plateforme en ligne.
Article 20 : droit à la personnalisation de l’offre de médias
Les utilisateurs ont le droit de modifier facilement la configuration, y compris les paramètres par défaut, de tout appareil ou toute interface utilisateur contrôlant ou gérant l’accès à des services de médias fournissant des programmes, et l’utilisation de ces services, afin de personnaliser l’offre de médias en fonction de leurs intérêts ou de leurs préférences dans le respect du droit de l’Union.
L’EMFA introduit des mesures spécifiques pour protéger l’espace médiatique européen contre les ingérences étrangères, en particulier la propagande orchestrée par des entités ou des États tiers. L’objectif est d’éviter que des gouvernements non européens utilisent des médias qu’ils contrôlent directement ou indirectement pour influencer l’opinion publique au sein de l’Union, fragiliser les institutions démocratiques ou diffuser de la désinformation.
Les autorités nationale de régulation peuvent saisir le Media Board dans le cas où un services de médias provenant de l’extérieur de l’UE porterait atteinte aux institutions démocratiques ou présenteraient un risque sérieux et grave d’atteinte à la sécurité publique. Le Media Board remet alors un avis sur les mesures pertinentes à prendre par les autorités nationales (ce qui permet une coordination à l’intérieur de l’UE sur la réponse apportée). Les autorités nationales doivent tout mettre en oeuvre pour tenir compte de cet avis.
Article 17 : coordination des mesures concernant les services de médias provenant de l’extérieur de l’Union
Coordination par le Media Board des mesures à prendre par les autorités nationales lorsqu’un média étranger porte atteinte ou présente un risque sérieux d’atteinte à la sécurité publique.
Le Media Board et le rôle du CSA
Le Media Board est l’organe européen en charge d’assurer la mise en oeuvre de l’EMFA. Il a été créé par le règlement européen sur la liberté des médias (2024). Il s’agit d’un organe consultatif indépendant au niveau de l’Union européenne, composé des autorités et organismes nationaux de régulation (ANR) du secteur des médias et de l’audiovisuel, dont le CSA pour la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il succède et remplace le Groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels, qui avait été créé en 2014 (ERGA).
Le mandat du Media Board couvre les questions des services de médias, y compris audiovisuels et s’étend à des enjeux médiatiques plus larges. Il vise à promouvoir un cadre réglementaire européen garantissant un écosystème médiatique libre, pluraliste, fiable et compétitif et qui reflète la diversité culturelle, tout en assurant la protection des droits fondamentaux et en permettant aux citoyens européens de se forger une opinion éclairée et de participer efficacement au débat social et démocratique.
le Media Board a pour mission d’assurer l’application cohérente de la directive SMA et de l’Acte européen, en particulier dans des domaines critiques tels que la protection des mineurs, la publicité, la promotion des contenus européens, la mise en avant des services d’intérêt général et l’éducation aux médias et à l’information, afin d’aider et d’autonomiser les audiences dans l’espace informationnel.
En plus de ces missions, le Media Board a également des compétence au regard des matières suivantes :
- Les concentrations de marché et les mesures nationales susceptibles d’affecter significativement le pluralisme des médias et/ou l’indépendance éditoriale des prestataires de services de médias opérant sur le marché intérieur ;
- Les mesures communes visant à protéger le marché intérieur contre les fournisseurs de médias non européens qui représentent une menace pour la sécurité publique ;
- Les résultats des dialogues entre les très grandes plateformes en ligne (VLOPs) et les prestataires de services de médias qui ont soumis une déclaration concernant les restrictions ou suspensions de leurs contenus basées sur les conditions d’utilisation des VLOPs.
Le Media Board favorise également la coopération entre ses membres et l’engagement avec les acteurs des médias, tout en fournissant expertise et assistance à la Commission sur les questions liées à l’EMFA et à la directive SMA.
Le Media Board et ses membres opèrent de manière totalement indépendante de toute influence politique ou économique et ne sollicitent ni ne reçoivent d’instructions d’aucun gouvernement, institution (nationale, supranationale ou internationale) ni d’aucune personne ou entité, publique ou privée.
Les autorités nationales de régulation sont les acteurs clés de la mise en œuvre du règlement sur le terrain. Leur rôle est de veiller à l’application effective des règles de l’EMFA dans chaque État membre. Pour la Belgique, plusieurs autorités de régulation sont compétentes pour prendre en charge ces missions. Il s’agit du Vlaamse Regulator voor de Media (VRM) pour le paysage médiatique flamand, du Medienrat pour le paysage médiatique germanophone, du CSA pour le paysage médiatique de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de l’Institut Belge des Services Postaux et des Télécommunications (IBPT) dans certains cas spécifiques dépendant du Fédéral.
Concrètement, ces autorités sont chargées de contrôler le respect de l’indépendance éditoriale des médias, de garantir la transparence sur les structures de propriété, et de contrôler les procédures de nomination des dirigeants des médias de service public. Elles doivent également évaluer les projets de concentration dans le secteur des médias, en analysant leurs effets sur le pluralisme et l’indépendance éditoriale.
Les autorités nationales ont également pour mission de surveiller les pratiques des plateformes numériques à l’égard des médias européens. Elles s’assurent que les fournisseurs de médias sont soumis à des exigences réglementaires pour l’exercice de la responsabilité éditoriale et à la supervision de l’ARN. En cas de litige entre une plateforme et un média, le Media Board constitué des régulateurs, peut être saisi pour émettre une opinion. Les autorités nationales ont aussi un rôle stratégique dans la détection des ingérences étrangères, notamment en évaluant les activités des médias contrôlés par des États tiers susceptibles de menacer la sécurité ou l’ordre démocratique. Pour que ces missions soient menées efficacement, les autorités nationales coopèrent entre elles partout en Europe par le biais du Media Board, auquel elles transmettent des informations, participent aux consultations, et appliquent les lignes directrices internes communes dans un esprit de cohérence européenne.
En résumé, le Media Board est un comité d’experts nationaux qui a pour mission de fournir une expertise technique à la Commission. Il promeut la coopération et l’échange efficace d’informations, d’expériences et de bonnes pratiques entre ses membres, aide la Commission à élaborer des lignes directrices et assure la médiation en cas de désaccord entre autorités ou organismes de régulation nationaux.