Réuni en Collège d’avis au CSA, le secteur audiovisuel a analysé l’avant-projet de décret relatif à la réforme des médias de proximité. Ce projet annonce répondre à un double objectif : d’une part, « renforcer le rôle des médias de proximité en leur offrant une structure financière et administrative plus stable et adaptée aux réalités actuelles » et, d’autre part, « favoriser une meilleure gouvernance des médias de proximité, en laissant d’une part plus de marge de constitution des Conseils d’administration, tout en resserrant la structure de gouvernance ».

Les membres du Collège d’avis ont remis leur avis sur les 11 articles du décret qui portent le projet de réforme. Ces articles entendent modifier de manière structurelle le secteur et visent concrètement à réduire le nombre des acteurs qui le composent en passant de 12 à 8 médias de proximité, élargir leur zone de couverture en introduisant des critères par province, revoir la composition des Conseil d’administration et supprimer l’indexation de leur financement.

Le Collège d’avis a adopté à l’unanimité l’avis dont les conclusions traduisent les préoccupations substantielles du secteur quant à la faisabilité des mesures envisagées, leur conformité au Règlement européen sur la liberté des médias (l’European Media Freedom Act – EMFA) et leurs impacts sur le plan économique et du pluralisme de l’information locale en Fédération Wallonie-Bruxelles.

 

Pluralisme et ancrage local au cœur des préoccupations

 

Bien que le secteur soit conscient de la nécessité d’une réforme et de la situation financière de la Fédération Wallonie-Bruxelles, le projet de réduction du nombre de médias de proximité suscite des interrogations quant à son impact concret sur le pluralisme des médias en Fédération Wallonie-Bruxelles.  Le découpage de leur zone de couverture sur une base provinciale est jugé inadapté à la mission de proximité.

Le secteur souligne, dans un contexte aggravant de contraction budgétaire, le risque de désertification informationnelle dans certaines zones, la perte de contact avec le terrain et une centralisation excessive des rédactions.

L’avis propose une alternative au critère provincial fondée sur les bassins de vie, plus fidèle aux réalités locales et aux logiques socioculturelles des territoires.

La suppression de l’indexation des subventions suscite une opposition importante au sein du Collège d’avis. Tous redoutent une perte de prévisibilité et une érosion des emplois, contraires aux exigences de financement stable, durable et suffisant posées par le droit européen.
Certains membres du Collège demandent le gel de la mesure ou son report à 2031.

La combinaison de trois mesures – réduction d’un tiers du nombre de médias, extension des zones de couverture et baisse du financement – est perçue comme une “régression organisée” de l’offre d’information locale, dans un contexte marqué par la concentration de la presse écrite, la contraction des missions de la RTBF et la montée de la désinformation.

Ces mesures comportent un degré d’incertitude important pour le secteur, notamment sur le plan financier et opérationnel. La question du financement par les communes se pose, de même que la réforme APE en cours dont dépendent largement les médias de proximité et qui pourrait affecter davantage encore le secteur.

De manière transversale, plusieurs acteurs réclament la réalisation préalable d’une étude d’impact complète avant toute adoption du décret. Ils appellent à mesurer les effets économiques (coûts de fusion, économies attendues, besoins financiers pour assurer la couverture intégrale du territoire) et les impacts sur le pluralisme médiatique, conformément à l’EMFA. Cette étude pourrait enfin envisager concrètement les économies réellement générées par le projet de réforme.

Le Réseau des Médias de Proximité demande au CSA de saisir le Comité européen pour les services de médias (Media Board) afin d’évaluer la conformité du texte à la législation européenne.

 

Gouvernance : le Collège d’avis met en garde contre une re-politisation

 

Le Collège d’avis exprime ses plus fortes réserves sur le nouveau modèle de gouvernance prévu dans le projet de réforme. Ce dernier prévoit en effet, en matière de composition des conseils d’administration des médias de proximité, de supprimer la représentation minimale du secteur associatif et culturel et de permettre l’accès notamment aux bourgmestres et échevins, ainsi que de limiter le nombre d’administrateurs.

Ces mesures sont considérées comme des atteintes à la liberté d’association et à l’indépendance fonctionnelle des médias. Le Collège y voit une re-politisation des conseils d’administration, contraire à l’EMFA et au processus de dépolitisation des conseils d’administration initié depuis plusieurs années au sein des médias de proximité. Le Collège s’interroge sur les critères de représentation communale dans les CA tel que l’envisage le projet de réforme, sur la garantie de maintenir une perspective intercommunale et sur le risque de dépendance financière à l’égard d’une commune prépondérante.

De manière générale, le Collège rappelle la nécessité d’une gouvernance pluraliste. Il souligne enfin que la fragilité économique du secteur couplée à la mise en place de conseils d’administration davantage politisés comportent un risque d’ingérence réel sur le fonctionnement et sur les rédactions des médias de proximité.

Sur base des enjeux soulevés par ses conclusions, le Collège d’avis invite dès lors le Gouvernement à revoir le texte, objectiver les effets du projet de réforme et garantir un cadre conforme aux principes de l’EMFA, protecteur du pluralisme et de l’indépendance des médias.

 

Consulter l’avis

 

Liste des membres du Collège d’avis :

 

CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel), RTBF, BX1, RMDP (Réseau des médias de proximité), PmH (Proximus Media House), BETV, RTL Belgium, LN 24, FM Developpement (Fun Radio), Maximum, Fédération Radio Z, CRAXX Asbl, VOO, PROXIMUS, Telenet, UPFF (Union des Producteurs de Films Francophones), UPTV+M (Union Professionnelle des Producteurs de Télévision et de contenus Multimédias, Pro Spere, CDJ (Conseil de Déontologie Journalistique), La Presse.be, AJP (Association des Journalistes Professionnels).

 

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