Ce jeudi 29 juin 2017, le Collège d’autorisation et de contrôle du CSA a retiré sa décision du 1er avril 2010 de transmettre à l’autorité luxembourgeoise de régulation (ALIA) les plaintes qui lui sont adressées par le public contre RTL Belgium. Le transfert des plaintes vers l’ALIA était la conséquence d’un arrêt du Conseil d’Etat de 2009 et de la volonté du CSA de réserver toute suite utile à ces plaintes. Depuis 2010, plus aucune plainte à l’encontre de l’éditeur RTL Belgium n’était traitée par le CSA. La question de savoir si la responsabilité éditoriale sur les trois chaînes de RTL Belgium s’exerçait au Luxembourg ou en Fédération Wallonie-Bruxelles n’a pourtant jamais été tranchée, ni par le Conseil d’Etat belge en 2009, ni par la Cour de Justice de l’Union européenne en 2010. La décision de traiter à nouveau les plaintes du public à Bruxelles fait suite à plusieurs monitorings des chaînes de RTL Belgium et d’une analyse des critères de rattachement de la compétence de celles-ci à la Belgique plutôt qu’au Luxembourg.

 

 

Le retrait de la décision du 1er avril 2010 intervient à l’issue d’une analyse approfondie, menée par les Services du CSA, de la situation engendrée par un acteur exclusivement actif en Fédération Wallonie-Bruxelles, mais sur lequel le Luxembourg revendique une compétence. Quatre monitorings spécifiques et réalisés sur trois ans ont relevé des indices d’infractions potentielles, importants et récurrents chez l’éditeur RTL Belgium qui auraient justifié, suivant la jurisprudence du CSA, l’ouverture d’instructions. Ces potentielles infractions concernent la législation spécifique de la Fédération Wallonie-Bruxelles, mais aussi des règles harmonisées sur le plan européen, voire les deux. Le non-respect de ces règles peut avoir pour effet de déstabiliser le paysage médiatique belge francophone sur le plan juridique, culturel et concurrentiel.

 

A partir de ce 29 juin, le CSA ne transmettra plus à son homologue luxembourgeois les plaintes dirigées contre l’éditeur RTL Belgium. Il traitera à présent lui-même les dossiers qui concernent cet éditeur au regard de la législation belge francophone qui s’applique à l’ensemble des médias audiovisuels dont l’activité est entièrement orientée vers la Fédération Wallonie-Bruxelles.

 

 

Les indices d’infractions potentielles observées par le CSA

 

Depuis 2009, RTL Belgium échappe de facto à la compétence du CSA. Cette situation et les conséquences qu’elles génèrent sur le secteur audiovisuel en Fédération Wallonie Bruxelles ont été constatées par le CSA depuis plusieurs années.  Les Services du CSA ont analysé l’impact qui en résulte sur les politiques audiovisuelles, sur la régulation et sur la concurrence. Les quatre monitorings des chaînes réalisés pointent le nombre et la gravité des infractions potentielles relevées dans le chef d’RTL Belgium, soit aux règles plus strictes de la Fédération Wallonie-Bruxelles, soit aux règles harmonisées européennes, voire aux deux.  

 

 

  • Indices d’infractions potentielles aux règles en matière de communication commerciale concernant plus précisément les obligations relatives au téléachat, au placement de produit, au publireportage.
  • Indices d’infractions potentielles en matière de protection des mineurs (signalétique).
  • Indices d’infractions potentielles aux règles concernant les quotas de diffusion des œuvres européennes.

 

Concernant l’obligation de contribution à la production audiovisuelle locale à laquelle sont soumis les éditeurs régulés en Belgique francophone, les Services du CSA restent dans l’impossibilité d’évaluer le niveau des investissements de RTL Belgium dont le montant est estimé à environ 3,800 millions d’Euros. Ces investissements doivent être réalisés dans des œuvres européennes (fictions et documentaires).

 

 

Un transfert inefficace des plaintes au Luxembourg

 

Jusqu’à présent, un tiers des plaintes en TV reçues par le CSA concernaient RTL Belgium et étaient transmises à l’ALIA. 80% des décisions rendues par l’ALIA concernaient RTL. 100 % des plaintes traitées par l’ALIA étaient adressées au CSA au 1er chef, signe selon lequel le CSA était perçu par le public comme le régulateur de RTL Belgium. Il est apparu au CSA que transmettre l’ensemble des plaintes à l’ALIA contredit la perception par le public de l’organe régulateur qu’il estime légitime, et était source d’incompréhension lorsque les plaintes portaient sur des règles propres à la Fédération Wallonie-Bruxelles.

 

 

Les conséquences sur le paysage audiovisuel belge

 

Dans le contexte de la Fédération Wallonie-Bruxelles, le fait de réguler au Luxembourg, selon la législation grand-ducale, un acteur aussi important qu’RTL Belgium impacte notre paysage audiovisuel sur plusieurs dimensions :

 

  • Une dimension politique : le CSA n’exerçant son contrôle que sur des éditeurs qui captent seulement 30% de l’audience (contre 25% pour les services de RTL Belgium) et 30 % du marché publicitaire (contre 65% pour les services de RTL Belgium), son périmètre de régulation s’avère l’un des plus petits d’Europe. L’impuissance du régulateur signifie l’impuissance du législateur lui-même, puisque les règles qu’il adopte ne s’appliquent pas à l’acteur télévisuel le plus important en Fédération Wallonie-Bruxelles ;
  • Une dimension culturelle : le contournement de la législation francophone belge entraîne, a priori, une perte d’investissement dans la production d’œuvres audiovisuelles européennes, ce qui a un impact négatif sur la diffusion des œuvres de la FWB et plus largement sur la promotion de la diversité culturelle ;
  • Une dimension concurrentielle : la soumission de chaînes de télévision à des règles plus strictes ou plus détaillées de la Fédération Wallonie-Bruxelles alors qu’elles s’adressent au même public et se financent par le même marché publicitaire cause un désavantage concurrentiel qui peut inciter au contournement de ces règles ou à la délocalisation d’éditeurs ; 
  • Quatrième dimension, le coût de la légitimité : une règle appliquée à certains éditeurs télévisuels seulement la rend illégitime, ce qui met en cause la légitimité du régulateur qui, en réaction, est potentiellement tenté d’être plus souple avec les acteurs restés dans son périmètre de régulation. Il en résulte une protection moindre du consommateur.trice et une mise en cause éventuelle de la responsabilité sociétale du régulateur.

 

 

Toutes solutions structurelles aux problèmes de ciblage du public de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de son marché par des acteurs établis hors de nos frontières, nécessite de mettre en œuvre des mécanismes régulatoires de « base ». Ces mécanismes sont les seuls garants d’un traitement efficace des plaintes. Ils rencontrent les besoins réels des consommateur.trice.s de médias audiovisuels, respectent la légitimité des principes votés par notre Parlement et assurent la crédibilité du CSA auprès de l’ensemble des acteurs qu’il régule effectivement.

 

Le Collège d’autorisation et de contrôle du CSA a retiré sa décision de 2010 avec la conviction que la bonne gouvernance et l’attachement aux valeurs démocratiques réclament qu’il soit mis un terme à une pratique contribuant à la non-application du droit de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

 

 

Plus d'infos sur la compétence territoriale :

 

 

 

  

 

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