Le Conseil supérieur de l’audiovisuel clôture la période électorale sur une note positive. Les médias qui ont couvert les élections ont globalement respecté les obligations du « règlement sur la couverture médiatique des élections », mais certains manquements importants ont été identifiés auprès de certains éditeurs et font l’objet d’instructions. À l’aube d’une seconde période électorale, les élections communales approchant, le CSA entend rappeler aux médias certaines obligations qui assurent le bon déroulé de la campagne, dont l’adoption d’un dispositif électoral spécifique à chaque éditeur.
En télévision, les 12 médias de proximité, les médias de la RTBF (la Une, Tipik, la Trois, Auvio), RTL TVI, RTL Play, LN24 et Canal Z ont couvert les élections. 6 radios en réseau, 2 provinciales, 13 indépendantes, ainsi que les radios de la RTBF ont également assuré une couverture électorale. Que ce soit d’un point de vue local ou régional, les médias de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont largement couvert les élections, à tous les niveaux et avec une diversité de dispositifs qui ont permis de garantir le pluralisme dans le traitement des sujets, des débats et des projets médiatiques qui se sont déroulés tout au long des 4 mois de la période électorale.
Une campagne tardive pour les plus petits éditeurs
Le CSA constate que la campagne a démarré tardivement pour les plus petits éditeurs. À l’exception des médias de la RTBF et de RTL, les dispositifs des médias ont surtout été mis en place dans les deux mois qui ont précédé le scrutin du 9 juin, alors que la période électorale avait été élargie à 4 mois au lieu de 3. Les élections étant régionales, fédérales et européennes, ce démarrage tardif s’explique peut-être aussi par le fait que les médias concernés ont davantage vocation à un traitement local des sujets électoraux. Cette tendance pourrait donc s’inverser durant les prochaines élections communales d’octobre prochain.
Des dispositifs électoraux non-remis au CSA
6 médias n’ont pas transmis au CSA leur dispositif électoral alors qu’ils ont couvert les élections. Il s’agit d’un manquement important aux obligations qui s’imposent aux éditeurs durant la période électorale, car l’adoption d’un tel dispositif est l’un des grands piliers du règlement. En effet, chaque dispositif est le résultat d’une réflexion aboutie d’un éditeur quant à la manière dont il va couvrir la période électorale dans le respect des obligations telles que l’équilibre ds tendances idéologiques, philosophiques et politiques, la détermination des critères de participation aux débats, la visibilité des petites listes ou encore l’équilibre entre les femmes et les hommes. Un dispositif électoral permet donc à chaque média de s’approprier les principes du règlement et de les adapter aux réalités et aux spécificités qui lui sont propres.
L’adoption d’un dispositif électoral avant de couvrir les élections n’est pas une simple formalité administrative mais un exercice démocratique et de transparence de premier plan qui permet à l’éditeur d’assurer un traitement électoral de qualité et respectueux des règles, au CSA d’assurer sa mission de contrôle, mais aussi aux citoyens de connaître la manière dont leurs médias vont couvrir les élections.
À la suite des avertissements du CSA, certains éditeurs ont remis leur dispositif, mais certaines instructions sont toujours en cours.
En vue des prochaines élections communales, le CSA rappelle à l’ensemble du secteur que les dispositifs doivent être publiés sur leur site internet ou transmis au CSA avant le 13 juillet, soit 3 mois avant le jour du scrutin.
Pas de plaintes de la part des listes politiques
Autre constat marquant durant cette période électorale, c’est l’absence de plaintes de la part des listes politiques. Lors des élections de 2018, 69 plaintes, pour la plupart provenant de partis politiques, avaient été adressées au CSA. Ces plaintes concernaient pour l’essentiel des questions liées à l’équilibre des tendances politiques sur les plateaux ou lors des émissions programmées durant la campagne électorale.
Il s’agit d’une tendance positive qui témoigne sans doute d’une certaine satisfaction des différentes listes politiques quant à leur visibilité dans les médias. Une tendance au respect de l’équilibre que le CSA confirme à la lecture des différents dispositifs et des résultats de ses monitorings aléatoires réalisés durant la période électorale.
Le CSA n’a reçu aucune plainte non plus de la part des « petites listes » qui doivent elles aussi faire l’objet d’une certaine visibilité dans les médias. Cette absence de plaintes pourrait s’expliquer par une méconnaissance de leurs droits. Dans le cadre des élections d’octobre, le CSA sera attentif à ce que l’ensemble de ces listes soient au fait des obligations durant la période électorale.
Instructions en cours
Au total, 4 instructions sont toujours en cours. Elles concernent pour la plupart la non-remise du dispositif électoral. On pointera par exemple un média qui a proposé des débats avec une septantaine d’invités politiques sans aucun dispositif. Les 4 dossiers pointent une infraction potentielle en matière d’équilibre des tendances politiques, dont un qui concerne l’apparition de bourgmestres candidats dans une émission de divertissement.
Plusieurs thématiques se sont avérées problématiques durant la période électorale, notamment la question des règles en matière d’équilibre entre les femmes et les hommes politiques invités sur les plateaux. Le CSA rappelle aux médias que cette thématique doit bien sûr constituer un objectif prioritaire, mais qu’’il s’agit d’une obligation « de moyen » à mettre en œuvre et non « de résultat ». Il invite par ailleurs les mouvements politiques à prendre systématiquement en compte la question du genre lorsqu’ils ont la possibilité de désigner leurs différents représentants et représentantes pour s’exprimer dans les médias durant la campagne électorale. En cas d’impossibilité pour un éditeur de réaliser un équilibre de genres et dans l’intérêt de l’information complète des citoyens, l’équilibre entre les tendances idéologiques démocratiques prime.
Enfin, la problématique d’échanges de programmes électoraux entre les médias ou de la retransmission de débats a été soulevée durant la période électorale. Le CSA rappelle aux éditeurs que, même si un programme dont ils ne sont pas les auteurs est diffusé ou rediffusé sur leurs canaux, ils en deviennent les éditeurs responsables et ces programmes doivent, par conséquent, être considérés dans leurs dispositifs électoraux.
Propos de Monsieur Jeholet sur RTL
Le CSA a enfin été saisi de plaintes à la suite des propos tenus par Monsieur Jeholet dans un débat électoral sur RTL-TVi le dimanche 2 juin 2024, durant la période électorale lors d’un échange sur le port du voile. Après avoir analysé la séquence, le CSA constate que les propos en question ont fait l’objet d’un recadrage et n’ont donc pas été banalisés. Le CSA a dès lors décidé de ne pas ouvrir d’instruction à l’encontre de RTL.
Bien que légalement compétent pour traiter des questions liées à toutes formes de discrimination dans les médias, le CSA rappelle que la liberté d’expression est fondamentale dans une société démocratique. Les propos de Monsieur Jeholet peuvent en effet poser question, mais le rôle du CSA est de vérifier que l’éditeur ne laisse pas dire librement sur antenne des propos potentiellement infractionnels. En l’espèce, Monsieur Deborsu, qui animait le débat, est intervenu à plusieurs reprises à la suite des propos. Le CSA estime donc que RTL a exercé correctement son rôle en tant qu’éditeur responsable.
Les plaintes qui ont été adressées au CSA étant toutefois susceptibles de comporter un enjeu déontologique, elles sont transmises, comme le prévoit la procédure, au Conseil de Déontologie Journalistique.
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Quels sont les médias concernés par le règlement électoral ?
Le règlement s’adresse à l’ensemble des médias audiovisuels qu’ils soient « traditionnels » (TV, radios) ou en ligne (podcasts, vlogs, catalogue de vidéos, etc.). Seuls les services ouvertement partisans ou édités par des candidat.e.s, listes ou partis sortent du champ d’application pour autant qu’ils soient clairement et visiblement identifiés comme tels pour le public et leurs communications identifiées comme des communications électorales politiques.
Le règlement précise également aux vlogueur.euse.s et aux autres éditeurs actifs uniquement sur Internet, que le recours à des journalistes professionnel.le.s pour la gestion des programmes électoraux ne leur est pas obligatoire, contrairement aux autres types de médias, mais qu’ils doivent bien se conformer aux autres dispositions du règlement du CSA et aux principes déontologiques émis par le Conseil de déontologie journalistique (CDJ).
La période de référence durant laquelle les médias devront se conformer aux dispositions du règlement est allongée, passant de 3 à 4 mois pour les scrutins des élections fédérales, régionales et européennes afin de s’aligner sur la loi sur les dépenses électorales au niveau fédéral. La période électorale pour les élections communales et provinciales reste quant à elle de 3 mois.
Les différents articles du règlement sont la base de la couverture des élections par les éditeurs de services de médias audiovisuels mais, afin de respecter leur liberté éditoriale, il leur revient de choisir eux-mêmes la manière de les appliquer et les mettre en œuvre sous forme d’un dispositif qui leur est propre et qu’ils mettent à disposition du public, des candidat.es et des formations politiques. C’est dans ce dispositif qu’ils doivent préciser, par exemple, s’ils doivent limiter le nombre de participant.es à un débat, les critères objectifs de sélection des candidat.es, la façon dont ils réaliseront la visibilité des petites listes ou encore la manière dont ils vont veiller à la diversité des candidat.es ou à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Ce dispositif obligatoire est aussi destiné à faciliter le travail des médias. En effet, celui-ci diminue fortement le risque de contestations de la part des candidat.e.s, des partis et des électeurs et électrices puisqu’il objective ses choix et garantit la transparence des débats.
Quelles sont les grandes obligations du règlement ?
Les synthèses des principes du règlement qui sont communiquées par le CSA ne dispensent pas les éditeurs de la lecture du règlement élections pour en avoir une connaissance complète et précise. Le CSA est à leur disposition pour tout éclaircissement à son sujet.
Pour tous les médias audiovisuels
Le règlement s’applique à tous les éditeurs de services de médias audiovisuels même à ceux qui ne couvrent pas les élections. En effet, les éditeurs doivent également veiller notamment à limiter l’intervention des candidat.es aux seules nécessités de l’information, ne pas maintenir à l’antenne tout animateur.trice, présentateur.trice déclaré.e. candidat.e. aux élections, ne pas diffuser de communications commerciales ou gouvernementales et institutionnelles en lien avec un ou une candidat.e, liste ou parti politique.
Balises
Les programmes et séquences dédiées à la couverture des élections doivent être clairement identifiés comme tels.
Objectivité, équilibre et représentativité
Les éditeurs de services de médias audiovisuels doivent assurer l’objectivité dans leur traitement des sujets et l’équilibre et la représentativité des différentes tendances idéologiques, philosophiques et politiques dans leurs programmes consacrés aux élections. Ils définissent dans leur dispositif la manière dont ils s’y prendront sur ces différents aspects (temps de parole, invitation des candidat.es, interactivité avec le public, etc…).
Veille et avant-veille des scrutins
Les éditeurs, par prudence, devront s’abstenir de diffuser des débats la veille du scrutin, tout résultat même partiel avant la fermeture du dernier bureau de vote et tout sondage, simulation de vote ou consultations analogues du vendredi qui précède les élections à la fermeture des bureaux de vote.
Nouvelles listes ou listes non représentées
Les médias définissent dans leur dispositif la manière dont ils vont assurer la visibilité des nouvelles listes, de celles qui n’avaient pas d’élus lors de précédentes élections ou des listes qui ne peuvent participer aux débats selon les critères de sélection objectifs définis.
Partis non respectueux des valeurs démocratiques
Comme pour les précédentes élections, le règlement cadre l’intervention des candidat.es des listes relevant de courants d’idées non respectueux des valeurs démocratiques. Il n’est donc pas interdit de faire état de leur existence, ni de leur consacrer des reportages et des interviews pour autant que ces interventions ne soient pas en direct et que les thèses développées fassent l’objet d’un traitement journalistique.
Accessibilité des programmes consacrés aux élections
Parmi le volume de programmes que les médias sont tenus de rendre accessibles aux personnes en situation de déficience sensorielle, ils devront veiller à ce que figurent certains programmes consacrés aux élections et choisir la manière dont ils vont mettre en œuvre cette obligation.