La directive européenne des services de médias audiovisuels (SMA) a fait l'objet d'un accord entre le Parlement, le Conseil et la Commission européenne. Le paysage audiovisuel sera impacté par ces mesures nouvelles, tant du point de vue des acteurs que des publics. YouTube, Dailymotion, Viméo… Ces acteurs du paysage audiovisuel étaient jusqu'à présent écartés du champ de la régulation. Quelles seront leurs nouvelles obligations?
Dans un environnement numérique qui évolue à toute vitesse, la régulation du secteur audiovisuel doit pouvoir s’adapter. Sur le Web, la vidéo est devenue l’un des formats les plus diffusés, notamment par les plateformes de partage de contenus. Quant à la presse en ligne, elle développe de plus en plus ses propres productions vidéo d’information. Les chaines de YouTubeur.euse.s comptent désormais parfois plus d’abonnés (followers) que certaines émissions télévisées de grande audience proposées par nos chaines en Fédération Wallonie-Bruxelles. C’est sans parler des millions de vidéos qui sont diffusées en permanence sur les réseaux sociaux.
Au-delà des services de vidéo à la demande déjà biens établis, le CSA estime que ces nouveaux supports de diffusion doivent être régulés comme le sont les services avec lesquels ils entrent en concurrence. Compte tenu de leur impact grandissant sur le public, ces services doivent être intégrés aux politiques de protection du consommateur et des mineurs et de promotion de la diversité culturelle .
Un premier pas vers la régulation des plateformes de partage de vidéos
La précédente révision du cadre réglementaire européen des SMA était intervenue en 2007. A cette époque, le législateur européen avait hésité à prendre en compte des développements en cours, tant en terme de production de contenus audiovisuels (ex. les UGC ou contenus générés par les utilisateurs) que de dif- fusion (les plateformes de distribution de contenus) qui, depuis lors, sont venus à maturité. La convergence des services interpelle la coexistence de certains cadres réglementaires distincts. Si la directive SMA contenait déjà des premières réponses à ces développements en cours, il convenait aujourd’hui d’apporter des clarifications indispensables.
Dans son accord, l’Union européenne fait ainsi un pas en avant en proposant que les plateformes de partage vidéo entrent dans le champ de la régulation audiovisuelle.
Dans ce cas particulier qui touche principalement des géants mondiaux, les règles en matière de compétence territoriale seront adaptées. Sont ainsi concernées non seulement les plate- formes établies en Europe mais aussi celles qui ne le seraient pas mais dont la société mère, filiale ou une société membre de son groupe serait établie en Europe.
Initialement, la Commission européenne envisageait de soumettre ces nouveaux acteurs à deux seuls objectifs, à savoir : la protection des mineurs et la protection des consommateurs relative aux discours de haine. Les géants du Web, comme YouTube, seraient donc amenés à prendre des mesures pour protéger les consommateurs de contenus haineux et protéger les mineurs de contenus inappropriés. Par exemple, ils devraient organiser leurs services différemment pour éviter de donner accès à des contenus nuisibles aux mineurs dans un flux auxquels ils ont accès. Le CSA estimait que les mesures envisagées par la Commission européenne restaient insuffisantes. Pourquoi se cantonner, pour ces derniers, à la seule protection des mineurs et à la lutte contre le discours de haine ? Qu’en est-il de la question du pluralisme des médias, de la diversité culturelle ou encore de la protection des consommateurs auxquels sont soumis les SMA déjà régulés ?
L’accord obtenu entend certaines des inquiétudes formulées par bon nombre de régulateurs. Les obligations en matière de protection des mineurs et des discours de haine ont été d’abord précisées. Les obligations ont ensuite été étendues à la protection du consommateur : il s’agit en particulier d’informer l’utilisateur sur l’existence de contenus commerciaux, d’y appliquer les règles générales de contenu, de prévenir l’exposition des enfants à la diffusion de contenus commerciaux pour des aliments et boissons à haute teneur en sucre ou en graisse.
Le fait d’étendre les obligations va indiscutablement dans la bonne direction. Le CSA regrette néanmoins que les obligations essentielles que sont le pluralisme, la diversité culturelle et la visibilité des contenus d’intérêt général n’aient pas été intégrées aux obligations des plateformes de partage vidéo.
La visibilité et l’accessibilité des contenus d’intérêt général
Dans l’univers numérique où règne une abondance de services et de contenus, une question impor- tante, relevée par les régulateurs audiovisuels, est celle de la visibilité et de l’accès aux contenus d’intérêt général. Si les œuvres audiovisuelles européennes font déjà partie de ceux-ci, des pro- grammes d’information générale, des programmes culturels ou des programmes relevant d’une mission de service public devraient aussi être visibles et accessibles au public. Sans mesure réglementaire, ils risquent d’être noyés dans un flux et perdre leur visibilité davantage encore qu’en télévision.
L’accord proposé par la Commission européenne propose de déléguer aux Etats-membres la responsabilité de désigner ces programmes et contenus en leur laissant la possibilité de définir – s’ils le souhaitent – des mesures spécifiques qui pourraient dès lors être appliquées à tous les Service de médias audiovisuels comme aux plateformes de partage vidéo.
Le CSA estime que sans une harmonisation eu- ropéenne plus volontaire de cette obligation, cet objectif risque d’être compromis, vu le caractère transfrontalier de la distribution en ligne.
Clarification des notions de « service de médias audiovisuels » et de « programme ».
Les critères définissant la notion de « service de médias audiovisuels » se sont avérés d’une im- portance essentielle pour délimiter les catégories de contenus et de services entrant dans le champ d’application de la directive.
Dans sa version de 2010, la directive SMA définissait la notion de programme en la rattachant à l’idée qu’il devait s’agir de programmes « comparables à la radiodiffusion télévisuelle », tout en affirmant la nécessité d’interpréter largement ce concept afin de prendre en compte l’évolution des services susceptibles de concurrencer la radiodiffusion télévisuelle. En pratique, certains acteurs ont prétendu que cette formulation soustrayait les programmes de courte durée proposés par des éditeurs non linéaires à la régulation audiovisuelle. Dans la proposition de directive de la Commission Européenne, cette référence à la forme et au contenu de la radiodiffusion télévisuelle est désormais retirée, confirmant, à la suite de l’arrêt de la Cour Européenne de Justice du 21 octobre 2015 New Media Online (C-347/14), que tous les services de médias audiovisuels sont sur pied d’égalité, quels que soient leur forme et leur contenu mais en gardant la référence au but d’in- former, de divertir ou d’éduquer.
Du côté de la notion de service de médias audio- visuels, dans la directive actuelle, un service proposant des programmes n’est soumis à la directive que si son objet principal consiste en la diffusion de contenus audiovisuels.
Pour illustrer le principe, un service de vidéos à la demande de films diffuse majoritairement de la vidéo et répond dès lors à la qualification d’objet principal, même s’il fournit également d’autres éléments écrits ou images fixes, comme des fiches descriptives de ces films.
Concernant les vidéos éditées par des acteurs de la presse écrite dans certaines sections de leurs sites internet, relevons que l’arrêt New Media Online précité a confirmé la pratique régulatoire dans plusieurs Etats-Membres, reconnaissant qu’un site multimédia peut offrir plusieurs services, chacun caractérisé par un objet principal distinct.
En clair, il est tout à fait possible pour un site de presse d’offrir de l’information écrite d’une part et de diffuser des contenus audiovisuels d’autre part. Cette seconde activité le rattachant à la régulation des services de médias audiovisuels. En écho à cette jurisprudence, le projet de révision de la directive confirme que les « sections » dissociables des sites Web qui contiennent majoritairement du contenu audiovisuel sont intégrées à la notion de service de médias audiovisuels.
Mieux comprendre les travaux relatifs à la compétence matérielle :
ERGA: Le rapport en synthèse "compétence matérielle"
ERGA: le rapport complet "compétence matérielle"
ERGA: extrait de l'Opinion sur le révision DSMA
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