Dans un arrêt, le Conseil d’État a rejeté le recours introduit par la RTBF. Elle contestait la sanction que le Conseil supérieur de l’audiovisuel lui avait infligée suite à des propos d’incitation à la haine tenus par l’animateur Alain Simons sur les antennes de Vivacité Charleroi. Unia et le CSA se réjouissent des clarifications apportées par cette décision à l’application de la législation anti-discrimination dans le contexte médiatique.

 

 

Le 26 novembre 2016, l’animateur avait invité les audit.eur.rice.s à se méfier de « la présence de gitans qui rôdent », à bien fermer les portes et à prendre des précautions s’ils avaient des « trucs volables » chez eux. De nombreuses plaintes étaient parvenues au CSA. Unia avait également saisi le régulateur.

 

À la suite de l’instruction menée, le Collège d’Autorisation et de Contrôle du CSA (CAC) avait condamné la RTBF à la diffusion d’un communiqué. Elle devait informer le public qu’elle avait diffusé des propos incitant à la haine ou à la discrimination, ce qui constitue une infraction au décret sur les services de médias audiovisuels (SMA).

 

La RTBF a diffusé le communiqué, mais a ensuite attaqué devant le Conseil d’État la décision du CSA. Elle estimait notamment que l’animateur n’avait pas eu « l’intention » de discriminer dans ses propos, et que la sanction était disproportionnée à l’égard de la liberté d’expression.

 

Unia avait introduit une demande d’intervention dans le dossier, demande que le Conseil d’État avait accueillie favorablement, permettant à Unia de renforcer l’argumentation du CSA.

 

 

Une décision qui précise l’application du droit audiovisuel sur la question fondamentale de l’incitation à la haine ou la discrimination ainsi que la notion de responsabilité éditoriale. 

 

 

Le Conseil d’État a estimé que le CSA était compétent pour sanctionner l’éditeur car le décret SMA donne une compétence spécifique au CAC pour sanctionner les propos constituant une incitation à la haine ou à la discrimination tenus dans les médias audiovisuels. C’est sur cette base que le CSA a agi. Le fait que ce type de propos puisse éventuellement aussi tomber sous le coup de la loi fédérale contre le racisme ne doit pas empêcher le CSA d’agir de son côté, sans devoir tenir compte des conditions d’application différentes de cette loi.

 

Contrairement à la loi, le décret SMA instaure un régime de « responsabilité éditoriale », qui n’implique pas nécessairement une responsabilité civile ou pénale. En d’autres termes, le CSA ne sanctionne pas Alain Simons, mais l’éditeur responsable, la RTBF. Il n’est pas nécessaire de prouver que l’auteur des propos avait « l’intention de discriminer » pour impliquer la responsabilité d’un éditeur. En tant qu’éditeur soumis au décret SMA, la RTBF a une « responsabilité objective ».

 

Le CSA et Unia se réjouissent que la décision du Conseil d’État vienne clarifier l’application du droit audiovisuel sur la question fondamentale de l’incitation à la haine ou la discrimination. « La question du discours de haine soulève de nombreuses questions relatives à la liberté d’expression », estime Patrick Charlier, directeur d’Unia. « Entre condamnation morale et sanction pénale, nous cherchons la réaction la plus appropriée. Unia a toujours considéré que l’exigence de la preuve de l’acte intentionnel était une garantie essentielle pour le respect de la liberté d’expression. La décision du CSA, confirmée par l’arrêt du Conseil d’État, offre une opportunité supplémentaire ».