Baromètre de l’Egalité et de la Diversité en radio : 

le CSA invite tous les acteurs du secteur audiovisuel à s’engager concrètement dans la voie du changement 

 

 

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel présente ce jeudi 4 mars les résultats d’un double Baromètre consacré à la radio. Le premier volume dresse un état des lieux de l’égalité et de la diversité dans les programmes des services radiophoniques à la lumière des critères de genre, d’origine, d’âge, de catégorie socio-professionnelle et de handicap. Le deuxième volume se penche sur la représentation des femmes et des hommes au sein de la communication commerciale diffusée en radio.   

 

Une première pour le CSA dont les précédents Baromètres de l’égalité et de la diversité étaient dédiés aux programmes et à la communication commerciale en télévision.  C’est plus de 1.000 intervenant.e.s au sein des publicités et 11.000  intervenant.e.s au sein des programmes radiophoniques qui ont été analysés.  

 

En matière de communication commerciale, l’étude montre que la publicité tend aujourd’hui encore à assigner des rôles différents aux personnages selon qu’il s’agit d’hommes ou de femmes. Elle souligne également la permanence de certaines représentations stéréotypées. Aussi, il s’agit de poursuivre les efforts et de consolider les initiatives déjà mises en place 

Du point de vue des programmes, si l’on relève des spécificités propres à la radiode nombreuses tendances rejoignent celles identifiées dans les précédents Baromètres des services télévisuels. Les modes de consommation étudiés changent mais les mécanismes semblent se répéterAutant d’indicateurs qui conduisent le CSA à interpeller les acteurs du secteur sur l’urgence de mener des actions concrètesDans cette perspective, le CSA a formulé une série de recommandations adressées aux éditeurs de services de médias audiovisuels et aux pouvoirs publics.  

 

Baromètre de la communication commerciale :  

 

L’étude porte sur dix services radiophoniques : les radios de la RTBF et les radios privées en réseau à couverture communautaire et urbaine. Elle porte sur 4 dates réparties en mai et juin 2019, aux heures de grande audience radiophonique (6h10h en semaine et 10h14h le week-end). 

2555 spots publicitaires ont été écoutés. 514 communications commerciales (hors rediffusions) ont été encodées. Cela représente un total de 1009 intervenant.e.s. 

 

  • Les femmes sous-représentées 

 

59,05 % des intervenant.e.s des communications commerciales sont des hommes et 40,95 % sont des femmes. Les femmes sont donc sous-représentées dans la communication commerciale par rapport à la réalité sociale (51 % dans la population belge). Il s’agit par ailleurs d’un écart plus marqué que celui mis en exergue dans le Baromètre 2017 de la communication commerciale en télévision. On y dénombrait 52,58 % d’hommes et 47,42 % de femmes. 

 

  • Des différences quantitatives mais surtout qualitatives entre les hommes et les femmes 

 

S’il y a des différences quantitatives, ce sont surtout d’importantes différences qualitatives qui s’opèrent dans la représentation des hommes et des femmes, à l’instar de ce que nous avions déjà observé en télévision. 

Ces différences apparaissent dans les actions ou occupations attribuées aux intervenants masculins et féminins, dans les rôles narratifs qu’ils occupent (narrateur, interprète d’un slogan…), dans les champs lexicaux auxquels ils sont associés, dans les registres de voix qu’ils endossent (voix chaleureuse, solennelle, liée au stress ou à l’émotion, …), dans les types de produits auxquels ils sont associés ou encore dans la manière qu’ils ont d’assumer des rôles parentaux. Enfin, non seulement les femmes sont plus largement associées à des stéréotypes de genre que les hommes, mais en outre les stéréotypes féminins tendent souvent (mais pas systématiquement) à être moins valorisants que les stéréotypes masculins. Ils enferment les femmes dans un spectre de représentations plus limité et moins inspirant que celui des hommes. 

Ainsi, les hommes sont majoritaires par rapport aux femmes dans le rôle de narrateur qui incarne l’autorité, la persuasion et la voix de l’expertise. Les hommes sont par ailleurs présents dans des registres de voix beaucoup plus nombreux et diversifiés que les femmes. Les trois seuls registres de voix dans lesquels les femmes dominent sont les voix chantées, les voix douces / chuchotées / sensuelles et les voix liées au stress et à l’émotion. Plus nombreuses que les hommes à être représentées en couple et en tant que parent, les femmes sont davantage représentées sous l’angle des responsabilités domestiques ou familiales que les hommes, qui sont eux davantage mis en scène dans des activités de loisir en famille. Les femmes sont par ailleurs davantage présentées dans des activités relationnelle(sociabilité, soin, donner ou recevoir de l’aide, des conseils, un service) que les hommes. Enfin, du point de vue des types de produits, les hommes sont plus présents que les femmes dans la majorité des catégories de produits, à l’exception de deux catégories où les personnages féminins dominent à savoir : les produits de soin et de beauté et la mode. 

 

  • Des représentations qui restent problématiques 

 

On voit que la publicité tend aujourd’hui encore à assigner des rôles différents aux personnages selon qu’il s’agit d’hommes ou de femmes. Les communications commerciales visant à défier et transgresser ces représentations stéréotypées existent mais elles sont encore peu nombreuses.  

Pour Camille Laville, Chargée de recherches au CSA, « il apparaît essentiel que le monde publicitaire prenne davantage conscience des représentations qu’il diffuse et surtout du rôle qu’il joue auprès du public. En effet, comme nous l’avions déjà indiqué en 2017, la publicité ne se limite pas à influer sur les habitudes de consommation, elle contribue aussi à façonner l’image du monde qui nous entoure. La publicité possède donc une responsabilité sociale et un rôle à jouer dans l’évolution de la société ».  

Plusieurs initiatives existent déjà à l’échelle nationale et internationale qui se fondent sur ce pouvoir de la publicité pour forger de nouvelles représentations dans la société. Les résultats du présent Baromètre montrent toutefois que des progrès restent à faire et qu’il convient de consolider ces initiatives. 

 

Baromètre des programmes : 

 

L’étude porte sur les radios de la RTBF et les radios privées en réseau à couverture communautaire et urbaine. L’échantillon étudié s’étend sur 7 jours consécutifs, répartis sur deux semaines : du mercredi 4 au mardi 10 septembre 2019. Les heures de grande audience radiophonique ont été intégrées à l’analyse : 6h10h en semaine et 10h14h le week-end. 11074 intervenant.e.s et 2258 titres musicaux ont été étudiés. 

 

  • Les femmes sous-représentéesdans les programmes  

 

Les femmes représentent 36,26 % des intervenant.e.s recensé.e.s au sein des programmes des matinales radiophoniques, les hommes 63,69%, les personnes transgenres, travesties ou à l’identité/expression non-binaire 0,05% (hors groupes mixtes). Les femmes sont dès lors sous-représentées par rapport à la réalité sociale. Cette sous-représentation des femmes est un constat que nous formulons dans tous les Baromètres. A titre de comparaison, le dernier Baromètre des services télévisuels (2017) recensait 34,33 % de femmes. 

 

  • Les séquences qui laissent le plus de place ou le moins de place aux femmes 

 

Lorsqu’on analyse la proportion de femmes et d’hommes dans les différentes séquences qui composent les émissions on voit que les séquences qui laissent le plus de place aux femmes sont : les « interactions avec les auditeur.rice.s » (interactions indirectes – c’est-à-dire via les réseaux sociaux ou messageries – 55,40 % et les interactions directes 43,45%), les « habillages d’antenne » tels que les voix de jingles (43,93 %), les « titres, flashs infos » (42,12 %), les « infos insolites » (40,67 %), les « infos service » (40,37 %) et les « jeux concours (38,13 %).  

En revanche, les séquences qui laissent le moins de place aux femmes sont : l’« entretien/interview »  (26,01 %), les « chroniques relatives à l’actualité » (25,09 %), le « documentaire » (23,30 %) ou encore les « chroniques ou capsules humoristiques » (25,38 %), pour reprendre les séquences les plus fréquentes. 

 

  • Des rôles médiatiques majoritairement masculins 

 

A une exception près tous les rôles médiatiques sont majoritairement masculins. Les femmes sont en effet plus nombreuses que les hommes au sein d’une seule catégorie de rôle médiatique : celui de candidat.e à un jeu (55,21 %).  

Les deux rôles médiatiques dans lesquels les femmes sont les moins nombreuses comparativement aux hommes sont ceux d’invité.e politique (21,76 %) et d’expert.e (26,03%). En revanche, dans le rôle discursif de vox populi on recense une proportion plus élevée d’intervenantes féminines (42,38%). Ainsi, comme nous l’avions déjà mentionné dans les Baromètres des services télévisuels de 2010 à 2017 : les femmes sont moins sollicitées pour leur discours critique, leur savoir que pour leur expérience personnelle, leur témoignage ou leur avis censé refléter la parole du « citoyen ordinaire ». 

S’agissant du rôle d’expert.e, on relèvera néanmoins que les femmes sont un peu plus nombreuses en radio (26,03%) qu’en télévision (20,56 % dans le Baromètre 2017) dans ce rôleC’est l’inverse pour le rôle de journaliste/animateur.trice/chroniqueur.euse : on recense 38,29 % de femmes en radio, pour 43,25 % dans le Baromètre 2017 des services télévisuels. 

 

  • Les personnes issues de la diversité sous-représentées  

 

Les intervenant.e.s issu.e.s de la diversité peuvent apparaître à l’antenne soit en tant qu’individu soit en tant que groupe ou collectivitéSi l’on inclut les groupes, 15,05 % des intervenant.e.s sont perçu.e.s comme étant issu.e.s de la diversité. Cette proportion descend à 12,73 % si l’on exclut les groupes. 

Dans le Baromètre des services télévisuels de 2017, on recensait 14,4 % d’intervenant.e.s perçu.e.s comme issu.e.s de la diversité. Il convient toutefois d’être prudent.e.s dans les comparaisons opérées avec l’analyse des services télévisuels car les méthodes d’encodage de la diversité diffèrent quelque peu. 

 

  • La diversité : artistes, sportif.ve.s et actualité internationale 

La diversité apparaît dans essentiellement dans trois sphères de représentation :  

  • Les sportif.ve.s professionnel.le.s : dans les sujets relatifs à l’actualité sportive, 53,80 % des intervenant.e.s sont perçu.e.s comme étant issu.e.s de la diversité. Le sport est d’ailleurs la seule thématique dans laquelle les personnes issues de la diversité sont majoritaires ; 
  • Les artistes internationaux, dont les stars de la chanson : c’est dans le rôle d’interprète musical que les personnes perçues comme étant issues de la diversité sont les plus nombreuses ; 
  • L’actualité internationale : dans l’information, ce sont toujours les sujets internationaux qui témoignent de la plus grande diversité des origines. On recense 47,54 % d’individus perçus comme issus de la diversité dans l’information de portée internationale, 16,82 % dans celle de portée nationale et seulement 6,86 % dans celle de portée locale. 

 

  • Les catégories socio-professionnelles : prééminence du monde médiatique, artistique, sportif et politique 

 

Le monde médiatique, artistique, sportif voire du show business constitue plus des 2/3 des représentations professionnelles à l’antenne (69,63 %). Si l’on y ajoute le monde politique, ces catégories socio-professionnelles représentent plus de huit intervenant.e.s sur dix encodé.e.s (83,34 %). 

 

  • La représentation des personnes en situation de handicap 

 

Les personnes en situation de handicap représentent 0,37 % des intervenant.e.s. Elles sont toujours plus fréquemment passives à l’antenne (personne dont on parle) que les personnes qui ne sont pas perçues comme étant en situation de handicap et dans des rôles liés au témoignage ou à l’expérience personnelle (vox populi). 

 

  • Musique : des voix masculines prépondérantes 

L’analyse des titres musicaux met en exergue une nette sous-représentation des artistes féminines dans les programmations musicales des matinales radio. En effet, 63,89 % des interprètes/artistes recensé.e.s sont des hommes, 19,26 % des femmes, 16,28 % des groupes mixtes et  0,57 % des artistes à l’identité/expression de genre non-binaire 

 

Vers une mise en place d’objectifs concrets ?  

 

Si certaines tendances – positives ou non – s’avèrent spécifiques au média radiophonique, d’autres en revanche semblent nettement plus transversales. Le CSA est en effet marqué par les tendances de fond qui traversent les Baromètres quels que soient les modes de consommation étudiés (services radiophoniques ou télévisuels). 

 

Pourtant, « lheure n’est plus à la découverte des enjeux liés à la représentation de la diversité dans les médias audiovisuels », précise Joëlle Desterbecq, Directrice des études et recherches du CSA. « Plusieurs états des lieux des questions de genre et de diversité ont déjà été effectués, des bonnes pratiques ont été relayées et discutées, des recommandations ont été proposées et certains outils structurels ont été impulsés pour avancer vers le changement ».  

 

Pour Karim Ibourki, Président du CSA« il faut désormais s’engager très concrètement dans la voie du changement pour redresser ces tendances de fond qui traversent l’espace des représentations médiatiques. En outre, dans la mesure où la sensibilisation et la dynamique d’émulation ne semblent pas suffire à converger vers d’autres modes de représentation et à engranger des changements vraiment structurels, il convient selon le CSA de se poser la question des initiatives plus contraignantes et recourant à la voie législative et réglementaire » 

Dans ce contexte, le CSA adresse des recommandations aux éditeurs de services de médias audiovisuels mais aussi aux pouvoirs publics. Par exemple :  

  • Encourager les pouvoirs publics à définir des objectifs concrets quantitatifs et qualitatifs dans la législation en matière d’égalité des genres et de diversité à l’écran ou à l’antenne pour les éditeurs de services de médias audiovisuels, à tout le moins pour tous ceux qui bénéficient d’un financement public ; 
  • Aux éditeurs de SMA : formaliser des plans d’action relatifs à l’égalité de genre et à la diversité à l’écran/à l’antenne contenant des objectifs précis quantitatifs et qualitatifs et les rendre publics. 

 

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