Désengagement des plateformes en ligne : le CSA s'inquiète

 

Jeudi 13 février, la Commission européenne et le Conseil européen des services numériques ont approuvé l’intégration du Code de bonnes pratiques de lutte contre la désinformation (CoP) dans le cadre du Digital Services Act (DSA). Cette intégration sera effective le 1er juillet 2025. En intégrant le DSA, ce code de bonnes pratiques deviendra alors un « code de conduite contraignant » pour les plateformes. D’un dispositif d’autorégulation, le Code se transforme en outil de corégulation.  

Les engagements pris dans le Code feront l’objet d’un audit annuel indépendant et obligatoire pour les plateformes. Le Code est reconnu comme un ensemble solide d’engagements visant à limiter la diffusion de la désinformation, en s’appuyant sur les meilleures pratiques du secteur. Ses principales mesures incluent la démonétisation des contenus trompeurs, la transparence de la publicité politique, la réduction des faux comptes et des deepfakes, ainsi que le renforcement des outils pour les usagers.  

Dans le cadre de ses missions au sein du « Media Board » européen et de la taskforce au sein du CoP, le CSA et ses homologues français, allemands et slovaques ont analysé en profondeur les évolutions de l’engagement des grandes plateformes au sein du code de bonnes pratiques.  À l’issue de cette analyse, il apparait clairement une tendance générale au désengagement des très grandes plateformes et moteurs de recherche alors même que le Code est appelé à devenir le maître-étalon de la lutte contre la désinformation dans le cadre du DSA.  

Les domaines de désengagement les plus touchés concernent le fact-checking , pourtant essentiel pour juguler le phénomène, l’accès aux données pour les chercheurs ainsi que les mesures pour encadrer la publicité à caractère politique. (Cette dernière est dorénavant l’objet d’une législation spécifique avec le Règlement sur le ciblage et la transparence de la publicité à caractère politique.) 

On constate également un certain niveau de désengagement au niveau de la démonétisation des contenus jugés non fiables. 

Or les engagements initiaux représentent des moyens efficaces pour lutter contre la désinformation. Si aucun des engagements pris par les plateformes n’est à priori obligatoire, le DSA leur impose de modérer les contenus illicites et préjudiciables tels que la désinformation (art. 34 et 35). En se désengageant sur une série de domaines, les plateformes ne proposent toutefois que peu de pistes ou de solutions concrètes qui permettraient de rassurer les régulateurs nationaux.  

Dans l’attente de l’intégration du code dans le DSA le 1er juillet prochain, La Commission et le Conseil ont encouragé les plateformes signataires à adopter un système de réponse rapide pour couvrir toutes les élections nationales et afin d’anticiper et de parer aux situations crises majeures concernant notamment les campagnes de désinformation. À l’aube d’événements majeurs pour l’Europe, comme les élections en Allemagne le dimanche 23 février prochain, le désengagement des plateformes constaté par les régulateurs nationaux pour lutter contre la désinformation, les déclarations récentes de Marc Zuckerberg à l’égard du fact-checking et l’attitude d’Elon Musk, propriétaire de X à l’égard des élections allemandes, vont à l’encontre des objectifs poursuivis par le DSA.    

Karim Ibourki, président du CSA : « Au lieu d’assumer leurs responsabilités, certaines entreprises réduisent leur engagement dans des domaines essentiels qui répondent à des enjeux vitaux pour nos sociétés démocratiques. Nos réglementations en matière de désinformation doivent être solides et stables afin de résister à ceux qui ne sont pas prêts à assumer leurs responsabilités. L’attitude actuelle des grandes plateformes a de quoi alarmer, même si ces dernières restent libres de mettre en place leurs propres mesures pour se conformer aaux règles européennes. Nous appelons la Commission à être particulièrement vigilante quant au respect du DSA ».  

Au côté des autres régulateurs européens et au sein du Media Board, le CSA se tient prêt, avec la Commission européenne, les coordinateurs pour les services numériques, à faire respecter le cadre européen essentiel pour la protection des usagers et le renforcement de la souveraineté numérique européenne.  

 

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