Europe et régulation des médias
Ces 20 dernières années, le paysage numérique et audiovisuel a subi de grands bouleversements. Les intermédiaires en ligne, comme Meta, Twitter ou YouTube, sont devenus les champions de la transformation numérique en s’imposant sur le marché audiovisuel en quelques années à peine. Ces plateformes en ligne occupent une place essentielle dans notre quotidien, souvent pour le mieux en termes de liberté d’expression ou de partage d’informations mais aussi pour le pire quand on songe à la désinformation, la dissémination de contenu haineux ou d’images pornographiques consultables par des mineurs. Jusqu’à présent, seule la directive e-commerce permet d’encadrer ces plateformes, mais ses obligations sont minimes. Pour répondre à ces nombreux défis, la Commission européenne a présenté le Règlement sur les services numérique, ou Digital Services Act (DSA), qui est entré en application dès la fin du mois d’août 2023 pour les « très grandes plateformes » en ligne et les « très grands moteurs de recherche » et qui sera applicable pour les plus petites plateformes en février 2024. Il vise à créer un environnement en ligne plus sécurisé et davantage protecteur des droits fondamentaux des citoyen.nes européen.nes en augmentant la responsabilité des plateformes en ligne en leur imposant de nouvelles obligations et une échelle de sanctions pouvant aller jusqu’au bannissement sur le territoire de l’UE en cas de manquements graves et répétés. La philosophie générale qui a guidé les instances européennes dans la mise en œuvre du DSA est la suivante : “ce qui est interdit dans la vie réelle doit l’être aussi sur les plateformes.
S’il est un point commun entre ces grands acteurs de l’audiovisuel, c’est bien leur dimension transfrontalière. Un cadre local ne suffit pas pour les réguler efficacement. Il faut un socle de règles communes fortes et des régulateurs locaux pour les appliquer. Sur notre continent, la Commission européenne est la solution pour penser et mettre en œuvre une régulation effective et commune. On ne peut envisager l’avenir de la régulation de notre paysage audiovisuel sans prendre en compte l’importance des règlements et des directives européennes.
Cette page vous permettra de faire le point sur les instances européennes importantes en matière de régulation des médias, de mieux comprendre les enjeux actuels et de garder un œil sur les actualités utiles.
[1] AliExpress, Amazon Store, AppStore, Bing, Booking, Google Maps, Google Play, Google Search, Google Shopping, Instagram, LinkedIn, Meta, Pinterest, Snapchat, TikTok, Twitter, Wikipedia, YouTube et Zalando. Liste publiée le 25 avril 2023 par le Commissaire Thierry Breton.
Quelle est la situation aujourd'hui en matière de régulation en Europe ?
Jamais l’Union européenne n’aura eu autant d’importance pour répondre aux défis quotidiens du paysage médiatique. Unis, les États membres doivent aujourd’hui apporter une réponse efficace face aux géants du web, aux opérations d’influence étrangères et aux phénomènes qui dépassent largement les frontières nationales : désinformation, cyberharcèlement, discours de haine, etc.
Qui sont ces géants ? Il y a d’abord les grandes plateformes en ligne et les réseaux sociaux qui, jusqu’à 2022, agissaient sur la base d’un cadre légal peu contraignant et donc sur base d’autorégulation. On retrouve ensuite les services de vidéo à la demande, avec ou sans abonnement, comme Netflix, Disney+, Amazon Prime…, qui, jusqu’il y a peu, n’étaient pas soumis aux mêmes obligations que les médias traditionnels.
Certains phénomènes sont la conséquence de l’évolution du secteur. Parmi eux, la concentration des médias est une réalité depuis plusieurs années et questionne le pluralisme et l’indépendance des médias et des journalistes au sein des rédactions.
Les autres phénomènes sont les effets délétères de la grande liberté des géants du numérique en Europe, dès lors que ces derniers n’ont pas été contraints à un cadre régulatoire très strict. Ces effets touchent aux fondamentaux de nos démocraties. Il s’agit de la haine, la violence, la discrimination, la désinformation en ligne et l’impact sur les mineurs de certains contenus, pornographiques notamment, qui circulent très librement sur le web. Ces effets sont parfois amplifiés par les algorithmes des plateformes qui peuvent servir d’outil de propagande, vus les énormes profits et revenus publicitaires qu’ils génèrent. Cependant, avec l’entrée en vigueur du Digital Services Act (DSA), pleinement applicable début 2024, un cadre juridiquement contraignant s’installe : monétisation de la désinformation interdite, transparence sur les algorithmes, modération obligatoire des contenus illicites, et droit pour les utilisateurs de signaler aisément les abus.
Bref, ce qui est interdit dans la vie de tous les jours et dans nos médias locaux le sera tout autant en ligne. Pour répondre à cette situation, c’est vers l’Union européenne que les États membres se sont naturellement tournés avec une idée en tête : restaurer la souveraineté numérique de l’Europe, en apportant une réponse forte et commune pour protéger les citoyens et les valeurs européennes.
Le long chemin vers la gouvernance a débuté le 28 novembre 2018, après de nombreux mois de contributions, d’analyses et de débats. À cette date, la nouvelle version de la Directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) a été adoptée. Elle constitue le socle régulatoire du paysage audiovisuel européen. Cette modernisation a permis d’intégrer les plateformes de partage de vidéos dans le champ de la régulation, en instaurant des obligations claires : protection des mineurs, règles en matière de publicité, et lutte contre les discours de haine.
Une directive ne pouvait suffire à elle seule pour répondre aux enjeux du paysage numérique dans sa globalité. Il fallait étendre le bouclier européen à d’autres acteurs avec, en première ligne, l’e-commerce, mais aussi les réseaux sociaux qui sont dorénavant soumis au Digital Services Act (DSA) pour les contenus, et au Digital Market Act (DMA) pour la concurrence et la structure des marchés. Le DSA constitue l’instrument central pour limiter les dérives des grandes plateformes et réaffirmer les droits fondamentaux des utilisateurs, avec des obligations renforcées selon la taille des acteurs et des sanctions allant jusqu’au bannissement en cas de manquements graves.
Deux autres textes viennent enrichir l’arsenal législatif européen pour garantir un environnement médiatique démocratique et transparent. Le premier, l’European Media Freedom Act (EMFA), vise à protéger l’indépendance éditoriale des médias, prévenir les ingérences politiques, et garantir le pluralisme de l’information. Il prévoit des garde-fous contre la concentration excessive, protège les journalistes contre les pressions et crée un organe européen indépendant de surveillance : le European Board for Media Services.
Le second, le Règlement sur la transparence et le ciblage de la publicité politique, impose des obligations strictes en matière de transparence sur les campagnes publicitaires politiques, tant en ligne que hors ligne. Il encadre notamment le ciblage algorithmique et le financement de ces contenus, afin de garantir l’intégrité des processus électoraux et d’empêcher la manipulation de l’opinion publique.
Ensemble, ces textes incarnent une nouvelle ère de régulation numérique, fondée sur les valeurs européennes de démocratie, de transparence, de pluralisme et de protection des droits fondamentaux.
Les institutions européennes, qui fait quoi ?
Le fonctionnement de l’Union européenne
L’établissement des politiques, l’adoption des législations et leur mise en œuvre dans toute l’Union européenne fait généralement intervenir trois institutions européennes : le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne.
Le Parlement européen représente les citoyens de l’Union et se compose de 705 députés élus au suffrage universel direct, à la proportionnelle, tous les cinq ans. Les prochaines élections se tiendront en juin 2024. Il est représenté par l’actuel Président Roberta Metsola et le nombre de député est calculé en fonction de la taille de la population de chaque Etat membre. Les députés européens sont regroupés en fonction de leurs tendances politiques et non par nationalité. Le Parlement siège à Strasbourg.
Le Conseil de l’Union européenne, dont le siège est situé à Bruxelles, représente les gouvernements des Etats membres. Il est composé des ministres nationaux de chaque pays de l’Union européenne en fonction des domaines politiques abordés. La présidence du Conseil est assurée alternativement par chaque Etat membre sur base d’un système de rotation pour une durée de 6 mois. L’actuelle présidence est assurée par l’Espagne (juillet – décembre 2023). La Belgique lui succèdera en janvier 2024.
La Commission européenne, dont le siège se situe à Bruxelles, représente les intérêts de l’Union dans son ensemble. Sa direction politique réunie en « collège » est composée de 27 commissaires européens (un par Etat membre). Elle est actuellement présidée par Ursula Von der Leyen. Actuellement les 27 commissaires européens sont répartis de la manière suivante : 8 vice-présidents dont 3 vice-présidents exécutifs, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ainsi que 18 commissaires chargés chacun d’un portefeuille. La Belgique est représentée au sein du Collège par le Commissaire Didier Reynders en charge du portefeuille de la Justice.
Comment sont adoptées les législations ? La procédure législative ordinaire communément appelée « codécision » est en principe lancée par la présentation des propositions législatives par la Commission européenne dans les matières où l’Union a une compétence exclusive ou partagée avec les Etats-Membres conformément au Traité. S’en suivent des discussions et des négociations au sein de chaque colégislateur à savoir le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne pour adopter leur position respective. Une fois adoptées au sein de chaque institution, le Parlement européen et le Conseil, entament des négociations entre colégislateurs au plus haut niveau et à huis clos afin de s’accorder sur un texte final commun. La Commission accompagne ces discussions. On parle alors d’échange tripartites ou de « trilogue ». Pour finir, les Etats membres sont chargés de mettre en œuvre les textes adoptés par les colégislateurs et la Commission européenne veille à ce qu’ils soient correctement appliqués.
Quant à la procédure législative spéciale moins fréquemment utilisée, le Conseil de l’Union européenne est généralement reconnu comme le seul législateur. Elle ne s’applique que dans les cas expressément prévus par le Traité comme, par exemple, en matière de coopération policière ou en matière de droit de la famille. Le Parlement européen est de facto uniquement appelé à approuver ou être consulté sur la proposition législative.
Au niveau européen, il existe différents types d’actes législatifs.
- Les Traités européens sont le cœur de l’arsenal législatif européen car ils définissent les objectifs poursuivis par l’Union, les règles de fonctionnement des institutions européennes, les processus décisionnels et les relations entre l’Union européenne et ses Etats membres.
- Les Règlements s’appliquent, dès leur entrée en vigueur, automatiquement et directement dans tous les Etats membres sans transposition dans la législation nationale.
- Les Directives instaurent une obligation de résultat tout en laissant les Etats membres libres quant aux modalités pour y parvenir. Une fois adoptées, les Etats membres doivent les transposer dans leur législation nationale.
- Les Recommandations présentent les points de vue des institutions européennes sans force obligatoire.
Les avis sont utilisés par les institutions européennes pour faire une déclaration sans valeur contraignante.
Liens :
Parlement européen (europa.eu)
Le Media Board : la structure indépendante qui réunit les régulateurs nationaux
Le Media Board a été créé par l’Acte européen sur la liberté des médias (2024). Il s’agit d’un organe consultatif indépendant au niveau de l’Union européenne, composé des autorités et organismes nationaux de régulation (ANR) du secteur des médias et de l’audiovisuel. Il succède et remplace le Groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels, qui avait été créé en 2014 (ERGA).
Le mandat du Media Board continue de couvrir les questions audiovisuelles et s’étend désormais à des enjeux médiatiques plus larges, y compris la radio et la presse (sans toutefois impliquer une supervision réglementaire directe de la presse), ainsi qu’aux plateformes en ligne, qui jouent un rôle clé dans l’écosystème médiatique.
Le Media Board vise à promouvoir un cadre réglementaire européen garantissant un écosystème médiatique libre, pluraliste, fiable et compétitif, qui reflète la diversité culturelle, tout en assurant la protection des droits fondamentaux et en permettant aux citoyens européens de se forger une opinion éclairée et de participer efficacement au débat social et démocratique.
À l’instar de l’ERGA, le Media Board continuera à promouvoir l’application cohérente de la directive SMA, en particulier dans des domaines critiques tels que la protection des mineurs, la publicité, la promotion des contenus européens, la mise en avant des services d’intérêt général et l’éducation aux médias et à l’information, afin d’aider et d’autonomiser les audiences dans l’espace informationnel.
En plus de ces missions, le Media Board s’est vu confier de nouvelles compétences, notamment en matière de conseils sur :
- Les concentrations de marché et les mesures nationales susceptibles d’affecter significativement le pluralisme des médias et/ou l’indépendance éditoriale des prestataires de services de médias opérant sur le marché intérieur ;
- Les mesures communes visant à protéger le marché intérieur contre les fournisseurs de médias non européens qui représentent une menace pour la sécurité publique ;
- Les résultats des dialogues structurés entre les très grandes plateformes en ligne (VLOPs) et les prestataires de services de médias concernant les restrictions ou suspensions de leurs contenus basées sur les conditions d’utilisation des VLOPs.
Le Media Board favorisera également la coopération entre ses membres et l’engagement avec les acteurs des médias, tout en fournissant expertise et assistance à la Commission sur les questions liées à l’EMFA et à la directive SMA.
Le Media Board et ses membres opèrent de manière totalement indépendante de toute influence politique ou économique et ne sollicitent ni ne reçoivent d’instructions d’aucun gouvernement, institution (nationale, supranationale ou internationale) ni d’aucune personne ou entité, publique ou privée.
Le REFRAM
Le REFRAM est le Réseau francophone des régulateurs des médias (REFRAM). Ce dernier a été créé à Ouagadougou le 1er juillet 2007. ll comprend 30 membres d’Europe, d’Afrique et d’Amérique du Nord. Sa mission est d’œuvrer à la consolidation de l’Etat de droit, de la démocratie et des droits de l’Homme. Il constitue un espace de débats et d’échanges d’information sur les questions d’intérêt commun et contribue aux efforts de formation et de coopération entre ses membres.
L'EPRA
La Plateforme européenne des instances de régulation (EPRA) a été créée en 1995 pour répondre au besoin d’une coopération renforcée entre autorités de régulation en Europe. Avec ses 25 années d’expérience et son réseau solide de contacts au niveau opérationnel, l’EPRA est le doyen et le plus important des réseaux d’instances de régulation dans le secteur de l’audiovisuel. L’EPRA constitue ainsi le cadre privilégié pour l’échange d’informations et de bonnes pratiques entre régulateurs de l’audiovisuel en Europe.
56 instances de régulation de l’audiovisuel issues de 47 pays sont actuellement membres de l’EPRA. La Commission européenne, le Conseil de l’Europe, l’Observatoire européen de l’audiovisuel et le Bureau du Représentant de l’OSCE pour la liberté des médias sont des observateurs permanents au sein de la plate-forme.
L’EPRA organise deux réunions par an à l’invitation d’une instance de régulation.
L’EPRA organise deux réunions par an à l’invitation d’une instance de régulation.
L’Union européenne et les matières audiovisuelles
L’Union européenne repose sur deux traités essentiels à savoir le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et celui sur l’Union européenne. Le premier d’entre eux détermine clairement les domaines, la délimitation et les modalités d’exercice de ses compétences. Ainsi, son article 167 dispose que « l’Union contribue à l’épanouissement des cultures de Etats membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l’héritage culturel commun. L’action de l’Union vise à encourager la coopération entre Etats membres et, si nécessaire, à appuyer leur action dans les domaines suivants : […] la création artistique et littéraire, y compris dans le secteur de l’audiovisuel. […] ».
Dans pratique, ce même article prévoit également que le Parlement européen et le Conseil adoptent des actions d’encouragement par le biais de la procédure législative ordinaire. Il est également possible pour le Conseil d’adopter, sur proposition de la Commission européenne, des recommandations.
Ainsi en est-il de la directive des services de médias audiovisuels (SMA) adoptée en 2010 et révisée en 2018 via la procédure ordinaire ainsi que de la directive de 2018 établissant le code des communications électroniques européen. Ces directives ont été transposées en Fédération Wallonie-Bruxelles par le décret coordonné SMA adopté en février 2021.
Toutefois, les colégislateurs (le Parlement et le Conseil) recourent parfois à la voie du Règlement (l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) au motif que pour assurer le fonctionnement du marché intérieur des mesures d’harmonisation sont nécessaires. C’est le cas du Digital Services Act (la législation sur les services numériques). Il s’agit d’un règlement amendant la directive e-commerce de 2000, qui sera de pleine application dès février 2024
La Directive sur les services de médias audiovisuels (SMA)
Votée en octobre 2018, la directive SMA a pour objectif de moderniser le cadre juridique du secteur audiovisuel européen en vue d’assurer un meilleur équilibre entre les différents acteurs du secteur audiovisuel. Depuis son adoption par les instances européennes, la directive est en cours de transposition dans le droit national des différentes Etats-membres de l’Union.
Cette directive a permis de mettre en place un socle de règles communes pour permettre de réguler avec cohérence un nombre croissant d’acteurs du paysage audiovisuel européen.
Ce cadre légal commun permet d’éviter que les médias ne fassent du « forum shopping » au sein de l’Union européenne. Concrètement, certains médias proposent un contenu audiovisuel spécifiquement destiné au public d’un pays, mais agissent sous couvert de la législation d’un autre pays. Ils contournent ainsi – volontairement ou non – la législation du pays auquel ils s’adressent principalement. Le fait d’avoir un socle de règles communes permet d’harmoniser les législations locales et de lutter contre ce phénomène.
La directive a également permis d’amener des acteurs nouveaux dans le giron de la régulation, à savoir les Services de partage de vidéos en ligne comme YouTube qui échappaient jusqu’alors aux règles auxquelles étaient soumis les autres médias en Europe. Ces acteurs nouvellement régulés devront par exemple mettre en place des leviers pour protéger les mineurs des contenus qui pourraient leur être préjudiciables.
La directive permet de renforcer le secteur audiovisuel de chaque Etat-membre en définissant un système de contribution à la production locale des services de vidéos à la demande ou des télévisions linéaires qui ciblent les marchés européens. À partir du moment ou une chaîne de télévision étrangère perçoit des revenus sur le marché local en matière de publicité, de distribution ou d’audiotel surtaxé, elle doit en contrepartie en réinvestir une certaine partie dans la production locale.
Enfin, les Services de vidéos à la demande comme Netflix, Disney+ ou Amazon doivent désormais mettre en avant dans leur catalogue les contenus audiovisuels européens.
Le règlement du Digital Services Act (DSA)
Au cours des 20 dernières années, le paysage numérique et audiovisuel a connu de grands bouleversements. Les intermédiares en ligne, comme Facebook ou YouTube, sont devenus les champions de la transformation numérique en s’imposant sur le marché audiovisuel en quelques années à peine. Ces plateformes en ligne occupent une place essentielle dans notre quotidien, souvent pour le mieux en termes de liberté d’expression ou de partage d’information mais aussi pour le pire quand on songe à la désinformation, la dissémination de contenu haineux ou violents, ou encore d’images pornographiques accessibles aux mineurs. Jusqu’à présent, seule la directive e-commerce permettait d’encadrer ces plateformes, mais les obligations étaient minimes. Pour répondre à ces nombreux défis, la Commission européenne a présenté le Digital Services Act (DSA), un projet de règlement européen qui entre en application dès la fin du mois d’aout 2023 pour les « très grandes plateformes » et qui sera de pleine application en février 2024. Le DSA entend créer un environnement en ligne plus sécurisé et davantage protecteur des droits fondamentaux des citoyen.nes européen.nes en augmentant la responsabilité des plateformes en ligne, en leur imposant de nouvelles obligations, avec pour philosophie générale que “ce qui est interdit dans la vie réelle doit l’être aussi sur les plateformes.
Parmi les principales obligations instaurées par le DSA, notons :
- Les plateformes en ligne doivent proposer aux internautes un outil leur permettant de signaler facilement les contenus illicites. Une fois le signalement effectué, elles doivent rapidement retirer ou bloquer l’accès au contenu illicite ou préjudiciable, notamment pour les mineurs.Les plateformes doivent rendre plus transparentes leurs décisions en matière de modération des contenus et doivent prévoir un système interne de traitement des réclamations permettant aux utilisateurs dont le compte a été suspendu ou résilié de contester cette décision.
- Les plateformes ont l’obligation d’expliquer le fonctionnement de leurs algorithmes de recommandation et les « très grandes plateformes » et les « très grands moteurs de recherche » doivent proposer un système de recommandation de contenus non-fondé sur le profilage.
- La publicité ciblée pour les mineurs est interdite pour toutes les plateformes, de même que la publicité basée sur des données sensibles comme les opinions politiques, la religion ou l’orientation sexuelle.
- La monétisation de la désinformation par de la publicité est prohibée et, plus généralement, le Code renforcé de bonnes pratiques de lutte contre la désinformation devient un Code de conduite juridiquement contraignant pour les « très grandes plateformes ».
- Les market places (tels Aibnb ou Amazon) doivent mieux tracer les vendeurs qui proposent des produits ou services sur leur plateforme et mieux en informer les consommateurs.
En cas de non-respect des obligations contenues dans le DSA, des astreintes et des sanctions pourront être prononcées. Pour les « très grandes plateformes » et les « très grands moteurs de recherche », la Commission pourra infliger des amendes pouvant aller jusqu’à 6% de leur chiffre d’affaires mondial. En cas de violations graves et répétées du règlement, les plateformes pourront se voir interdire leurs activités sur le territoire de l’UE.
L’European Media Freedom Act (EMFA)
Adopté en mars 2024, l’EMFA représente un projet unique et global dont l’objectif est de protéger la liberté et l’indépendance des médias dans leur fonctionnement, mais aussi sur les plateformes en ligne et de préserver leur pluralisme en imposant notamment une série de mesures de transparence.
Des mesures concrètes pour protéger les journalistes et les médias
L’indépendance des journalistes et des médias est au centre des mesures envisagées par l’EMFA. Il sera par exemple interdit aux autorités, quel que soit leur nature, de faire pression sur les journalistes et les rédacteurs en chef pour qu’ils révèlent leurs sources, par exemple en les plaçant en détention, ou en leur infligeant des sanctions.
L’indépendance des médias publics devra aussi être garantie pour éviter qu’ils ne soient utilisés à des fins politiques en leur garantissant par exemple un financement durable et prévisible dans le temps, mais aussi en prévoyant ces financements dans des procédures objectives et transparentes.
… Aussi dans leur environnement en ligne
La présence des médias indépendants et de sources fiables sur les grandes plateformes en ligne (Facebook, X, Instagram…) posaient jusqu’à présent une série de difficultés dès lors qu’elle dépendait des règles dictées par ces plateformes. Avec l’EMFA, il ne sera plus possible pour les plateformes de restreindre, voire de supprimer arbitrairement le contenu des médias indépendants. Ces derniers devront être également clairement identifiés par les plateformes auprès des utilisateurs et des utilisatrices comme relevant de la presse indépendante et dont les sources sont fiables.
De la transparence sur qui possède quoi ?
Le pluralisme représente une autre thématique centrale de l’EMFA pour préserver l’indépendance et la liberté des médias. Une série de mesure de transparence seront imposées aux médias pour permettre aux citoyens et citoyennes, mais aussi aux régulateurs de monitorer régulièrement le niveau de concentration du marché médiatique. L’ensemble des médias devront fournir les informations nécessaires et faire savoir qui les contrôle et quels intérêts peuvent influencer leur travail. Ces obligations de transparence concerneront aussi les fonds qu’ils perçoivent provenant de la publicité politique et de toutes aides financières d’Etats, y compris de pays tiers. Les Etats membres seront également tenus d’introduire des règles procédurales qui permettent d’évaluer la concentration de leurs médias et le risque sur le pluralisme.
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