STRUCTURATION DU CONTRAT DE GESTION

SOURCE D’INSPIRATION : LA VRT ET FRANCE TELEVISIONS

Contexte

Le Contrat de gestion de la RTBF

Le Contrat de gestion de la RTBF détermine notamment les modalités selon lesquelles l’éditeur de service public remplit ses missions et fixe un cadre d’obligations liées.

Au fur et à mesure des versions, le texte a évolué par l’ajout de couches successives, faisant du cinquième Contrat de gestion un texte long et complexe, articulé en 12 titres et 90 articles. Une simplification pourrait dès lors apparaître comme bénéfique à l’ensemble des parties impliquées dans la mise en œuvre du Contrat de gestion : l’éditeur de service public, le Gouvernement, le Parlement, le CSA et également les publics, afin qu’ils puissent s’approprier plus aisément les enjeux non seulement médiatiques, mais également sociétaux et citoyens inclus dans ce contrat.

La présente section se penche sur l’organisation textuelle du Contrat de gestion de la VRT d’une part et du contrat d’objectifs et de moyens (« COM ») de France Télévisions de l’autre afin de dégager des enseignements et éléments d’inspiration.

Articulation entre contrats de gestion et autres textes de loi référents

Le Contrat de gestion de la RTBF, ainsi que celui de la VRT et le COM de France Télévisions sont encadrés par des textes de loi complémentaires, et inscrits dans une hiérarchie des normes.

Pour le Contrat de gestion de la RTBF, il s’agit de deux décrets: celui du 4 février 2021 relatif aux services de médias audiovisuels et aux services de partage de vidéos (dénommé ici « le décret SMA-SPV ») et le décret du 14 juillet 1997 portant statut de la Radio-Télévision belge de la Communauté française, dont la dernière modification date du 4 février 2021 (dénommé ici « le décret RTBF »).

Pour la VRT, le Mediadecreet comprend une partie qui lui est dédiée (art. 3 à 34). Il stipule également l’articulation avec le Contrat de gestion de la VRT ainsi que les modalités de concertation et d’adoption de ce dernier. Le Contrat de gestion en tant que tel exprime l’ambition de fixer un cadre clair et orienté vers l’avenir, offrant la possibilité à la VRT de répondre rapidement et efficacement aux mutations du paysage médiatique et sociétal dans son ensemble. A cet effet, le texte comprend les objectifs stratégiques de la VRT ; ses objectifs opérationnels, davantage orientés vers une forme de concrétisation ainsi que les indicateurs de performance qui leur sont associés (« KPI »). Il s’ouvre sur deux éléments introductifs : les missions de la VRT d’une part et le contexte mouvant de l’autre.

Quant au COM de France Télévisions, plusieurs textes de référence assignent les missions à France Télévisions. La loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (dite « Loi Léotard ») précise le périmètre du média de service public, définissant les missions et orientations générales de France Télévisions. Tandis que le cahier des charges de France Télévisions traduit, de manière concrète, les orientations, principes et missions de la Loi Léotard. Il comprend d’une part ses statuts et de l’autre 70 articles précisant les engagements (programmes et programmation) et les dispositions (relatives à la publicité, notamment). Les piliers d’une télévision de service public « citoyenne » y sont également précisés. Par ailleurs, la Loi Léotard prévoit la conclusion de contrats d’objectifs et de moyens (COM) entre l’État et les entreprises de média de service public, sur des périodes pluriannuelles.

Les missions, obligations, objectifs, modalités des médias de service public concernés sont répartis dans ces divers textes de loi et doivent dès lors être envisagés dans leur complémentarité et leur globalité. Malgré les spécificités des cas et la finesse d’analyse qu’ils méritent, certaines tendances se dégagent et font l’objet du bilan ci-dessous.

Bilan

Vers la simplification

La structuration du Contrat de gestion de la RTBF pourrait tendre vers une simplification.

Les intentions du Contrat de gestion de la RTBF en matière de partenariats, synergies et collaborations illustrent la complexité du texte actuel. Ces dernières sont disséminées dans 12 articles différents. Les obligations de la RTBF en la matière concernent indéniablement de nombreux acteurs (secteur audiovisuel, presse écrite, enseignement et industrie), mais la structuration actuelle ne permet pas une lisibilité optimale et implique des redondances. Le Collège d’autorisation et de contrôle stipulait à ce sujet, dans l’avis RTBF de l’exercice 2019, la difficulté de « conclure de manière homogène et transversale sur ces intentions ».

La volonté de simplifier les textes en les rendant plus synthétiques fut mise en œuvre tant pour la VRT que France Télévisions. Les motivations sont plurielles : offrir un cadre plus efficace tant pour les éditeurs des médias de service public que pour les instances concernées par leur contrôle et favoriser la compréhension, par les citoyens, des enjeux non seulement médiatiques mais également sociétaux. L’on peut en effet supposer que cette transparence accrue permette de rapprocher encore davantage les publics de leurs médias.

Intégrer l’environnement en mutation

Le consensus est établi sur la nécessité d’un cadre structurant pour atteindre des objectifs et des points de mire pour la concrétisation des missions de médias de service public. Toutefois, il apparait également essentiel que les médias de service public aient la possibilité, selon les moyens, ressources et potentiels propres, de faire preuve de créativité et d’adaptabilité, indispensables pour faire face aux mutations sociétales d’une part et de modes de consommation et de diffusion médiatiques de l’autre.

Ainsi, la flexibilité est présentée dans le Contrat de gestion de la VRT comme un élément crucial pour que le média de service public puisse affronter les changements de consommation médiatique, les mutations macro sociétales et jouer son rôle de liant entre citoyens flamands.

Objectifs : stratégiques et opérationnels

Une forme de conciliation entre un cadre structurant et une capacité de flexibilité pourrait résider dans la combinaison de deux types d’objectifs : les stratégiques, dont les textes précisent l’essence, l’ADN, tout en laissant à l’éditeur une forme de souplesse pour les atteindre (assimilable à des objectifs de moyens) et les opérationnels, plus concrets, et assortis de mesures d’efficience. Tant le COM de France Télévisions que le Contrat de gestion de la VRT intègrent cette distinction d’objectifs.

France Télévisions

Quatre axes constituent le cadre stratégique du COM :

  1. La transformation de l’audiovisuel public doit continuer à anticiper l’évolution des technologies et des usages, à commencer par la consommation croissante de contenus délinéarisés ;
  2. Les synergies au sein de l’audiovisuel public doivent être multipliées et approfondies, dans un univers numérique très concurrentiel ;
  3. L’ensemble des offres évolue pour garantir la meilleure adéquation entre les missions du secteur audiovisuel d’une part, les usages et attentes des Français d’autre part ;
  4. Cette efficacité accrue permet également d’associer le secteur audiovisuel public à l’effort collectif de réduction des dépenses publiques.

Outre ce cadre stratégique, commun à l’ensemble des entreprises de média de service public, cinq objectifs sont précisés dans le COM, déclinés en indicateurs :

  1. Proposer une offre de service public identifiée qui s’adresse à tous les publics et accélérer la transformation numérique ;
  2. Développer des synergies et des partenariats au sein de l’audiovisuel public ;
  3. Consacrer prioritairement les moyens disponibles à l’offre au public ;
  4. Assurer la maitrise de la masse salariale et optimiser la gestion pour garantir la soutenabilité économique ;
  5. Être une entreprise de média exemplaire : faire progresser la conscience individuelle et collective des citoyens dans l’ensemble des champs de la responsabilité sociale et environnementale.

VRT

La VRT veille à la concrétisation de six objectifs stratégiques, à travers l’ensemble de son offre et des différentes marques qui la composent. Ses missions sont accomplies en totale indépendance rédactionnelle et opérationnelle.

Chaque objectif stratégique est décliné en objectifs opérationnels.  Des KPI, dont le nombre varie selon l’objectif, sont précisés dans le Contrat de gestion et utilisés par le Gouvernement et le VRM dans le cadre des contrôles (annuels).

A titre d’illustration, cette section détaille l’objectif stratégique 2, qui consiste à proposer, pour tous, une offre large, qualitative et en progression dans le digital. A savoir : toucher le plus grand nombre et faire en sorte que l’offre soit techniquement accessible. Cette vision stratégique est déclinée en trois objectifs opérationnels :

  1. La VRT existe pour l’ensemble des Flamands, avec une attention particulière pour des publics divers, jeunes et peu lettrés ;
  2. La VRT s’engage avec ambition sur la représentativité et l’accessibilité de l’offre :
    dans ses productions, elle est ambitieuse dans la création de représentations nuancées. Par ailleurs, la diversité est un point d’attention important, notamment avec le secteur créatif extérieur ;

Résolument multimédias et digitale, la VRT propose un portfolio de marques dynamiques et multimédias. Elle est totalement autonome sur le développement des marques
autour de ses missions de service public, mais néanmoins, elle est sollicitée à sortir ses marques de la logique de l’exclusivité du linéaire, l’offre à la demande et les formats digitaux étant amenés à être développés endéans la durée du Contrat de gestion.

Les indicateurs associés (KPI)

Le « Key Performance Indicator » (KPI) peut être défini comme un élément mesurable, déterminé en amont d’actions, afin d’en évaluer l’efficacité. Ces indicateurs ont l’ambition d’être « smart », à savoir spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et temporellement définis.

De la sorte, 39 KPI accompagnent les objectifs opérationnels de la VRT, en voici quelques exemples :

  • Des KPI liés aux objectifs d’audience : la VRT touche, avec son offre, et sur base hebdomadaire, 85% de l’ensemble des Flamands. Et 75% de groupes-cibles précisés dans le Contrat de gestion (KPI 9). Notons que le Contrat de gestion de la RTBF comporte des objectifs d’audience également (art. 83). C’est le conseil d’administration de la RTBF qui fixe les objectifs d’audience pour l’année à venir. Contrairement au CSA qui n’est pas mandaté pour le faire, le VRM fait état des objectifs d’audience et se prononce sur l’accomplissement ou non de ces mesures performatives.
  • Les quotas chiffrés de diversité de représentations dans l’ensemble de l’offre (qu’elle soit produite en interne et en externe) (KPI 10) ;
  • Les quotas chiffrés de diversité au sein des ressources humaines de la VRT (KPI 11) ;
  • Les critères quantitatifs et qualitatifs d’accessibilité des programmes de la VRT (KPI 12) ;
  • L’attention octroyée par la VRT au sein de son offre de sport aux compétitions de sport féminin et au G-sport (KPI 13).

Reprenant l’exemple des dispositions du Contrat de gestion de la RTBF en matière de partenariats, synergies et collaborations, le Collège d’autorisation et de contrôle du CSA avait exprimé qu’elles sont rarement quantifiées et que « sur ce point comme sur d’autres, les objectifs des obligations du Contrat de gestion gagneraient à être mieux définis pour que la bonne exécution des obligations soit plus objectivable et quantifiable. » Reformuler ces ambitions en objectifs opérationnels assortis d’indicateurs pourrait permettre un gain en termes de clarté et d’efficacité de contrôle par le régulateur. 

Paradigme de la confiance

Le principe, implicite, qui sous-tend les objectifs stratégiques (de moyens) est la confiance[1], mutuelle, entre les parties impliquées (la RTBF, le gouvernement, les secteurs et associations et le CSA). En effet, les exemples de la VRT et de France Télévisions soulignent l’importance, voire la nécessité, d’une forme de flexibilité laissée aux médias de service public pour répondre de manière nuancée et pertinente aux défis intrinsèques liés aux mutations sociétales et médiatiques.

L’ambition du Contrat de gestion, conclu pour une période de cinq années, entre le pouvoir politique subsidiant et la RTBF, est de trouver l’équilibre entre des missions objectivables et objectivées et des lignes directrices, non figées, permettant des évolutions pertinentes de l’éditeur de service public, en phase avec la société contemporaine.

Conclusions et recommandations

Le renouvellement du Contrat de gestion de la RTBF est le moment opportun pour repenser sa structuration. Les exemples vertueux de France Télévisions et de la VRT inspirent nos recommandations suivantes :

  • Il faudrait viser une simplification du Contrat de gestion de la RTBF dans sa structuration ;
  • L’équilibre de l’ensemble des textes de loi encadrant la RTBF devrait être reconsidéré étant donné leur complémentarité (à savoir le Contrat de gestion et les deux décrets (SMA-SPV et RTBF) : par exemple, une partie des orientations générales (assimilables à des objectifs stratégiques) pourrait passer du décret SMA-SPV au décret portant statut ;
  • Le Contrat de gestion devrait clairement distinguer des objectifs stratégiques (de moyens, permettant une flexibilité, notamment pour faire face aux imprévisibles défis rencontrés au long de la durée du Contrat de gestion) et des objectifs opérationnels (de résultats). Le contrôle des obligations par le régulateur portant bien évidemment sur l’ensemble des objectifs ;
  • Il serait pertinent et utile d’associer aux objectifs opérationnels des indicateurs de performance (« KPI »).