Transparence des données financières et cout net de la mission de service public

Contexte

En vertu de l’article 78 « Comptabilité » de son Contrat de gestion, la RTBF doit se doter des instruments comptables lui permettant de déterminer le montant et l’évolution de son chiffre d’affaires, de ses charges, l’analyse des écarts entre les objectifs budgétaires et leur réalisation, les coûts des programmes et des différentes chaînes de la radio et de la télévision, le coût net de ses missions de service public et toute éventuelle surcompensation[1] (art. 78.1). En outre, la RTBF doit respecter les principes comptables suivants :

« Elle impute intégralement les bénéfices nets de ses activités commerciales et ceux distribués par ses filiales au financement du coût net de ses missions de services public ;

Ses activités commerciales et celle de ses filiales ne peuvent être financées par la subvention publique ;

Elle s’interdit toute subvention croisée par les ressources publiques de l’entreprise de ses activités commerciales et de ses filiales et elle procédera à ses meilleurs efforts pour que ses activités commerciales couvrent leurs coûts. » (art. 78.2)

Pour évaluer ces dépenses, la Cour des comptes a le mandat de vérifier et d’auditer les comptes de la RTBF. Après cet audit, la Cour des comptes doit remettre un rapport au bureau du CSA, qui le publie. Ce rapport « précise de manière explicite le montant des subventions ordinaires et complémentaires qu’elle a perçues et le coût net de ses missions de service public, afin de permettre immédiatement une identification de toute surcompensation éventuelle[2] ».

La transparence des données financières a connu une évolution entre les différents contrats de gestion, notamment en ce qui concerne la publicité du coût net de la mission de service public.

La définition du rapport établi par la Cour des comptes a quelque peu évolué entre les derniers contrats de gestion, voici les principales évolutions :

2013-2017

L’article 78.4 établit que : « Dans un rapport spécial complémentaire, le Collège des Commissaires aux comptes de la RTBF analyse et évalue de manière spécifique la façon dont la RTBF s’est acquittée des obligations (…) précise de manière explicite le montant des subventions ordinaires et complémentaires qu’elle a perçues et le coût net de ses missions de service public, afin de permettre immédiatement une identification de toute surcompensation éventuelle. »

2019-2022

L’article a encore été légèrement modifié et ajoute à l’obligation ci-dessus que, « (…) A cette fin, le Collège des Commissaires aux comptes peut requérir toute information nécessaire à l’exercice des obligations lui incombant en vertu du présent alinéa. Le rapport spécial complémentaire est immédiatement communiqué au bureau du CSA. Le bureau du CSA publie le rapport spécial, sous réserve d’une autorisation préalable de l’entreprise quant aux informations confidentielles qu’il contient. Dans l’éventualité où le rapport spécial contiendrait des informations de nature confidentielle, l’entreprise fournit une version non confidentielle du rapport spécial pouvant être publiée sur le site internet du CSA. »

[1] Surcompensation : lorsque le montant des aides qu’elle reçoit en compensation du coût du service excède ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts nets occasionnés par l’exécution des obligations de service public.
[2] Art 78.4 du Contrat de gestion.

Contexte

Entre les trois derniers contrats de gestion, les obligations de transparence financière de la RTBF se sont renforcées. La définition du rapport devant être établi par la Cour des comptes a gagné en clarté et en précision sur l’objectif attendu. De plus, la RTBF s’est dotée d’un instrument comptable lui offrant notamment la capacité d’identifier et de rapporter, avec une fine granularité, ses dépenses aux différentes obligations du Contrat de gestion.

Ces dernières années, le rapport certifiant les comptes et attestant du coût net de la mission de service public de la RTBF a bien été établi par la société de réviseur d’entreprise RSM (mandatée par la RTBF) et validé par la Cour des comptes. En revanche, jusqu’à présent, ce rapport n’a pas été directement communiqué au CSA par le Collège des Commissaires aux comptes, comme le stipule le Contrat de gestion mais il lui est parvenu parmi les documents transmis par la RTBF dans le cadre du contrôle annuel.

Le rapport se résume à trois montants : le total des subventions reçues par la RTBF, le « coût net de la mission de service public », et la différence entre ces deux chiffres. Ces postes sont donc extrêmement agrégés et ne permettent en aucun cas de rentrer dans le détail du calcul des coûts relatifs à la mission de service public. Il nécessiterait donc un niveau de granularité beaucoup plus élevé.

Le CSA n’a de ce fait pour l’instant pas la possibilité de vérifier la qualification des différents postes rentrant dans l’évaluation du coût de la mission de service public. Il lui est dès lors impossible de pouvoir apprécier les montants publiés par la RTBF et validés par la Cour des comptes. En effet, si la mission de contrôle des comptes est la compétence indéniable de la Cour des comptes, qu’en est-il de sa compétence lorsqu’il s’agit de vérifier qu’une dépense se rapporte effectivement à l’exécution d’une mission de service public ? Sans se substituer à la Cour des comptes et sans mettre en doute le contrôle réalisé par celle-ci, le régulateur audiovisuel ne serait-il pas une composante essentielle de cette équation dans laquelle il ferait le lien entre les dépenses validées d’un point de vue comptable et l’objet de ces dépenses ?

Enfin, l’article 78.1 d), stipulant que « la RTBF doit se doter d’instruments comptables lui permettant de déterminer le coût des programmes et des différentes chaînes de la radio et de la télévision » est nécessaire pour une bonne identification des coûts, le CSA regrette de ne pas avoir accès à ces données qui aideraient notamment à évaluer le pourcentage pertinent (actuellement fixé à 3%) prévu à l’article 45 (procédure d’évaluation préalable des nouveaux services importants / modification substantielle d’un service existant) qui nécessite une connaissance des coûts afférents à la création d’un service.

En somme, les intentions de l’article 78 sont louables mais la transparence du financement de la RTBF devrait être renforcée par l’obligation de transmission et éventuellement de publication de ces différentes obligations.

 

Conclusions et recommandations

 

Le Contrat de gestion déclare actuellement que le Collège des Commissaires aux comptes de la RTBF précise de manière explicite dans son rapport le montant des subventions ordinaires et complémentaires qu’elle a perçues et le coût net de ses missions de service public afin de permettre immédiatement une identification de toute surcompensation éventuelle.

  • Le CSA insiste sur l’importance d’avoir accès à cette information circonstanciée et de pouvoir participer à l’identification des postes de dépenses importants et d’une éventuelle surcompensation. Le calcul étant établi par la Cour des comptes, le CSA ne peut que prendre connaissance du résultat mais ne dispose pas des données/détails suffisants pour corréler son analyse qualitative du respect des obligations à une compréhension fine des moyens financiers spécifiquement engagés pour la réalisation des missions de service public.
  • A cette fin, il y a lieu d’enjoindre la RTBF de communiquer, en perspective du bilan annuel, un rapport approfondi sur l’affectation et la ventilation des moyens tirés de sa dotation et entre chacune des missions de service public décrites par le Contrat de gestion. En d’autres termes, la communication de ces données permettrait au CSA d’appréhender la réalisation des différentes missions de service publique à l’aune des montants engagés pour celles-ci. Notamment, la RTBF y joindra en particulier un tableau des recettes et dépenses spécifiques relatives à son statut d’opérateur de réseau des multiplex communautaires (DAB+), de manière à garantir, par transparence, le caractère équitable, non discriminatoire et raisonnable des coûts facturés aux (autres) éditeurs de services sonores (radio numérique) et la juste attribution des recettes correspondantes.
  • Le CSA recommande donc une modification de l’article 78 qui lui permette d’accéder à un niveau plus élevé de détails. Du fait de la nature de ses activités et de sa relation avec la RTBF, le CSA serait mieux à même de pouvoir qualifier/disqualifier les montants affectés dans la composante du coût de la mission de service public. À l’heure actuelle, les montants affectés au coût de la mission de service public sont en effet laissés à la discrétion de la RTBF. Le CSA estime dès lors qu’il devrait jouer un rôle complémentaire à celui de la Cour des comptes dans l’exercice de la vérification des comptes de la RTBF en validant la qualification des postes relevant de la mise en œuvre de la mission de service public, et pris en compte pour l’évaluation du coût de celle-ci.