Illustration au travers de la programmation sportive
Egalité et diversitéLe sport bénéficie d’un intérêt populaire et d’une couverture médiatique en conséquence. À ce titre, il constitue un puissant vecteur de lutte contre les stéréotypes. Il convient donc que les services de médias audiovisuels, a fortiori les télévisions de service public, veillent à associer chaque composante de la société aux valeurs de dépassement et de performance véhiculés par le sport de haut niveau. En effet, l’exposition de compétitions sportives diversifiées en télévision est un facteur de cohésion sociale.
Contexte
En application de l’article 34 de son Contrat de gestion, la RTBF doit diffuser des programmes d’informations sportives et des retransmissions d’événements sportifs. Cette programmation doit poursuivre un double objectif :
- la couverture d’un « éventail le plus large possible de disciplines » ;
- la maintien d’une « attention particulière » à trois pratiques sportives spécifiques : les disciplines « moins médiatisées », les disciplines pratiquées par des femmes et celles pratiquées par des personnes porteuses d’un handicap.
Bilan
Précision méthodologique : la présente analyse porte sur la télévision. Les données présentées proviennent des deux dernières évaluations produites par le CSA sur la thématique des programmes sportifs (2017 et 2019). Celle-ci est analysée lors des années impaires afin d’éviter le biais dû à la couverture de grandes compétitions telles que les Jeux Olympiques ou les Coupes internationales de football. Les données pour 2021 ne sont pas encore disponibles.
Sur ses services télévisuels, la RTBF propose une durée importante de captations et de programmes d’information dédiés au sport. Cette durée est presque totalement consacrée aux disciplines populaires. Pour l’essentiel, l’attention portée aux sports moins médiatisés se limite à des reportages proposés dans le programme multisports « Le Week-end sportif » et à quelques retransmissions marginales sur Auvio. Le focus étant davantage sur l’égalité et la diversité dans le présent chapitre, nous ne nous attarderons pas plus avant dans notre bilan sur la question des disciplines moins médiatisées.
Les disciplines pratiquées par des femmes
La médiatisation est la condition sine qua non du développement des sports pratiqués par des femmes. À titre d’exemple, depuis quelques années, la diffusion de football féminin en télévision permet à la discipline d’enregistrer des retombées positives en termes de popularité, de nombre d’adhérentes et de moyens.
Retransmissions
En 2017, le sport féminin représentait 15% des retransmissions sportives diffusées sur les services linéaires de la RTBF. En 2019, la proportion baissait légèrement à 14,3%.
Afin de mettre ces résultats en perspective, le CSA se fonde sur les travaux de l’Arcom dont les dernières données disponibles (« Rapport sur la diffusion de la pratique féminine sportive à la télévision », CSA, septembre 2017.) font état d’une proportion moyenne autour de 18% comptabilisée sur 20 services linéaires (4 publics et 16 privés). La RTBF se situe donc légèrement en deçà de cette moyenne sectorielle française. Les résultats atteints restent en conséquence perfectibles.
Caractéristiques de ces captations :
- Une partie importante de ces retransmissions couvre le parcours des tenniswomen belges lors de tournois internationaux.
- Les sportives belges sont mises en valeur dans le cadre de différentes compétitions d’athlétisme.
- Certaines rencontres d’équipes nationales féminines sont également retransmises : Belgian Cats (basket), Red Flames (football) et Red Panthers (hockey).
- Enfin, l’éditeur rapporte des initiatives spécifiques sur Auvio : retransmissions de courses cyclistes féminines, couverture du parcours d’une équipe de basket féminine en Coupe d’Europe.
Programmes d’informations sportives
En complément aux captations, la RTBF apporte une attention aux sports féminins via certaines séquences diffusées dans le programme « Le Week-end sportif ». Se fondant sur les données du rapport annuel de l’éditeur, le CSA évaluait cette proportion à 5,6% en 2017 (environ 50 minutes). Cette attention reste en conséquence très limitée.
Conclusion
Les audiences du sport pratiqué par des femmes suivent une courbe à la hausse. Le football féminin, notamment, devient une valeur sure des grilles télévisuelles à l’étranger, notamment en France, où certains matches internationaux enregistrent des audiences atteignant plusieurs millions de téléspectateurs. Ces parts de marché encourageantes récompensent les chaînes qui popularisent le sport féminin. D’autant que les coûts d’acquisitions plus restreints des sports féminins optimisent leur rentabilité.
En Belgique aussi l’engouement pour le football féminin grandit, notamment porté par les bonnes performances de l’équipe nationale belge et par la médiatisation de certaines joueuses. Ces dernières années, les droits de diffusion des Red Flames ont à plusieurs reprises changé de détenteur ; la RTBF, Proximus, puis RTL, pour revenir à la RTBF. En effet, l’éditeur de service public a récemment acquis les droits de retransmissions exclusifs des matches de l’équipe nationale féminine jusqu’en juin 2023.
Lors de ses contrôles, le Collège constate que le libellé du Contrat de gestion est rencontré stricto sensu. L’enjeu nécessiterait pourtant des efforts plus soutenus portés par la fixation d’objectifs ambitieux dans le Contrat de gestion. L’enjeu reste d’accentuer la dynamique engagée en vue d’un meilleur équilibre des genres dans la couverture sportive de la RTBF.
En outre, s’il convient de donner plus de visibilité à la pratique sportive féminine, l’enjeu de diversité implique également de veiller à la qualité de la représentation des femmes dans les programmes sportifs. Les données extraites du dernier baromètre du CSA en matière de diversité à l’écran témoignent de l’ampleur du défi pour le secteur télévisuel belge francophone, en ce compris l’éditeur de service public :
- 4,25% des sportifs professionnels qui interviennent dans les programmes sont des femmes ;
- 9,79% des personnes qui interviennent dans les programmes sportifs sont des femmes ;
- 8,45% des journalistes qui interviennent dans les magazines sportifs sont des femmes[1].
Les disciplines pratiquées par des personnes en situation de handicap
Le manque de concrétisation de la RTBF face à cet enjeu spécifique en fait le point d’attention le plus problématique de l’article 34. En effet, sur les deux exercices considérés, la RTBF n’a proposé aucune captation de « handisport » sur ses services linéaires.
La RTBF déclare apporter une attention particulière aux « handisports » via certaines séquences diffusées dans le programme « Le Week-end sportif ». Se fondant sur les données du rapport annuel de l’éditeur, le CSA évaluait cette proportion à 2,8% en 2017 (environ 25 minutes). Cette attention reste en conséquence très limitée. La RTBF relève également des initiatives sur Auvio mais celles-ci restent marginales : quelques reportages en 2017, ainsi que la retransmission en direct de deux rencontres de Joachim Gérard en 2019.
À titre de comparaison, sur l’exercice 2016, à l’occasion des Jeux de Rio, France Télévisions proposait 100 heures de directs dédiés aux handisports, soit trois fois plus qu’en 2012. Conséquence : 13,6 millions de téléspectateurs ont suivi, au moins durant 15 minutes, les épreuves paralympiques sur France 2 ou France 4.
La RTBF se déclare consciente des efforts à fournir. La signature d’une convention avec le comité paralympique participe de cette remise en question. Mais les concrétisations restent pour l’heure timides à l’écran.
Conclusions et recommandations
En matière d’égalité et de diversité dans les programmes sportif, le CSA recommande :
- La fixation d’objectifs quantitatifs concrets quant aux trois points d’attention repris à l’article 34 du Contrat de gestion. La formulation consistant à « accorder une attention particulière» ne constitue qu’un incitant trop faible. Les objectifs gagneraient à être différenciés par points d’attention. Ils pourraient également comprendre une part essentielle de concrétisation en linéaire afin de maximiser l’impact positif sur les mentalités et sur les habitudes de consommation. En effet, la qualité de la représentation des femmes dans les programmes sportifs constitue un enjeu fondamental : plus de journalistes, de chroniqueuses et de sportives doivent contribuer à « dégenrer » une thématique dans laquelle les intervenants sont trop systématiquement masculins. Le CSA relève la faiblesse des progrès statistiques accomplis ces dernières années par la RTBF en la matière.
- Outre un volet quantitatif plus précis, le CSA recommande que le Contrat de gestion prévoie un volet promotionnel afin que les disciplines relevant des trois points d’attention gagnent en visibilité, en particulier les sports pratiqués par des femmes et par des personnes en situation de handicap. À l’étranger, des campagnes sont mises en place, par exemple à l’occasion des Jeux Olympiques, des Paralympiques, ou de certaines compétitions internationales de sport féminin. Ces campagnes sont menées en partenariat avec les pouvoirs publics et ont pour objectif de valoriser les initiatives prises par les médias afin de mettre à l’honneur les sports moins populaires.
- Le CSA recommande la rétrocession, par la RTBF, des droits relatifs à des compétitions de sports féminins ou de handisports, dont elle serait détentrice mais qu’elle ne compterait pas diffuser. L’objectif étant de ne pas limiter la visibilité de ces disciplines aux impératifs programmatiques d’un seul éditeur mais de permettre à d’autres, qui en feraient la demande, d’acquérir l’une ou l’autre retransmission, au conditions générales du marché, et de contribuer dès lors à l’objectif d’intérêt général porté par l’article 34. Dans le même ordre d’idée, il conviendrait que la RTBF facilite au maximum la circulation d’images de ces compétitions dans une logique de droit à l’information.
- Concernant plus spécifiquement la diffusion de handisports, le CSA recommande que la RTBF puisse adopter un angle pédagogique, qui permette aux téléspectateurs de se familiariser avec les mécanismes de jeu de disciplines dont les règles restent très peu connues du grand public.
- Enfin, de manière générale, le CSA considère qu’il convient de sortir d’une logique éditoriale qui associe systématiquement performance et visibilité. En effet, la médiatisation peut également appeler la performance.