Soutien à la production audiovisuelle

En application de son Contrat de gestion, la RTBF doit contribuer à la structuration du secteur de la production audiovisuelle. À ce titre, l’éditeur de service public entretient des partenariats avec les différents maillons de cet écosystème, tout en gardant une attention particulière pour les producteurs indépendants de la Fédération Wallonie-Bruxelles, dont le développement revêt de nombreux potentiels culturels et économiques.

Contexte

La RTBF doit conclure des contrats, récurrents ou ponctuels, avec des partenaires du secteur audiovisuel établis en Fédération Wallonie-Bruxelles et en Belgique. Ces contrats peuvent prendre différentes formes : coproductions, (pré)achats de droits de diffusion, achats de formats ou de concepts, commandes de programmes ou de séquences, sous-traitance technique de (post)production, achats de droits d’auteurs et de droits voisins auprès de sociétés de gestion collective ou de titulaires de droits individuels.

Le Contrat de gestion prévoit deux niveaux d’investissements :

  • Investissement 1 – En vertu de l’article 12.3, s’agissant des différents types de contrats repris ci-dessus, la RTBF consacre 8% de ses dépenses opérationnelles annuelles, avec un minimum de 30 millions d’euros par an[1].
  • Investissement 2 – En vertu de l’article 13.3, s’agissant plus spécifiquement des contrats de coproduction passés avec des producteurs indépendants de la Fédération Wallonie-Bruxelles, la RTBF consacre 2,5% de ses dépenses opérationnelles annuelles, avec un minimum de 8 millions d’euros par an. Cet investissement 2 constitue une sous-catégorie de l’investissement 1.
  • L’investissement dans la production indépendante (investissement 2) est également cadré par une clé de répartition selon les genres de programmes :
    • Minimum 70% de l’investissement doit être affecté à des « œuvres de stock », c’est-à-dire à des longs et courts métrages (de fiction ou d’animation), des téléfilms, des (web)documentaires, des (web)séries.
    • Minimum 20% doit être affecté à des (web)documentaires.
    • Minimum 25% doit être affecté à des séries belges francophones au travers du “Fonds Séries” décrits ci-après[2].
    • Maximum 30% peut être affecté à des programmes « de flux » (magazines, talk-shows, divertissements).
[1] Ce dispositif constitue une nouveauté du cinquième Contrat de gestion.
[2] Ceci se concrétise par l’alimentation d’un fonds spécifique intitulé « Fonds pour les séries belges ».

Bilan

QUANT À L’INVESTISSEMENT 1 : PARTENARIATS AVEC LES ACTEURS DU SECTEUR DE LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE

 

Sur les deux contrôles réalisés, la RTBF satisfait largement à son obligation. L’éditeur investit 41M€ euros supplémentaires, soit un excédent de 54,9% par rapport aux seuils imposés.

Les investissements éligibles à l’article 12.3 peuvent prendre des formes variées schématisées ci-dessus en 4 catégories principales : les contrats de coproduction avec des producteurs indépendants représentent 24% du montant investi sur les deux exercices, les achats/commandes de programmes 14%, les prestations techniques 32%. Enfin, les paiements en droits d’auteurs et droits voisins s’élèvent à 30% du total.

Le libellé de l’article 12.3 inclut toute société belge et ne limite donc pas les investissements éligibles aux seuls prestataires établis en Fédération Wallonie-Bruxelles. Néanmoins, la RTBF s’est jusqu’ici prioritairement adressée à des partenaires belges francophones. Sur la période 2019-2020, les investissements sont à 81% consentis sur le marché de la Fédération Wallonie-Bruxelles (75% en 2019 et 85% en 2020).

Observations

L’investissement 1 constitue une nouveauté du cinquième Contrat de gestion. Son effet est de baliser l’externalisation par la RTBF de différents apports en production. L’objectif est de consolider le secteur audiovisuel dans sa globalité en permettant à chacune de ses composantes de collaborer avec l’éditeur de service public, que ce soit ponctuellement ou de façon plus pérenne.

L’investissement 1 recouvre un champ de contrats éligibles très large, allant, par exemple, de la rémunération d’un artiste pour le passage d’un titre musical en radio (au travers d’un versement à une société de gestion collective), à la rémunération d’un caméraman indépendant, en passant par l’achat de formats de programmes télévisuels de flux. En outre, l’investissement 1 peut être consenti sur la Belgique entière, ce qui rend éligibles les partenariats noués par la RTBF sur le marché audiovisuel flamand.

En résumé, il semble que les objectifs de cet investissement 1, s’ils ont toute leur utilité, peuvent néanmoins être perçus comme dilués, tant sectoriellement que géographiquement. Il conviendrait, en conséquence, de mieux baliser la répartition de ces investissements afin qu’ils poursuivent une politique audiovisuelle plus ciblée.

Il suffit, pour s’en convaincre, de prolonger deux des exemples relevés ci-dessus. En effet, la cohérence n’apparait pas comme évidente entre, d’une part, le fait de consentir un investissement sous la forme d’un versement à une société de gestion collective de droits d’auteurs, qui sera ensuite réparti vers un catalogue d’artistes en partie internationaux, et d’autre part, le fait de rémunérer des prestataires techniques locaux pour une captation sportive ou culturelle.

L’investissement 1 devrait, dès lors, être recadré.

Recommandations

Concernant les partenariats avec les acteurs du secteur de la production audiovisuelle, le CSA recommande donc les actions suivantes :

  • Limiter les investissements éligibles à ceux consentis sur le marché audiovisuel belge francophone uniquement ;
  • Supprimer les droits d’auteurs et les droits voisins des investissements éligibles car ils ne servent globalement pas -avec la même intensité- l’objectif de soutien à la production audiovisuelle locale. De plus, au regard de la manière dont la RTBF satisfait largement à l’obligation, le CSA relève que cette catégorie d’investissement est dispensable pour atteindre l’objectif ;

Les différentes sous catégories d’investissements pourraient être utilement mieux balisées, par exemple par l’ajout de proportions similaires à celles figurant à l’article 13.3 (voir ci-dessous), de sorte que l’argent public puisse servir -en fonction d’objectifs de politique audiovisuelle définis- plus précisément le développement d’une filière ou l’autre.

 

 

QUANT À L’INVESTISSEMENT 2 : CONTRATS DE COPRODUCTION AVEC LES PRODUCTEURS AUDIOVISUELS INDÉPENDANTS

Comme illustré par le graphique ci-dessus, la RTBF dépasse systématiquement son obligation d’investissement dans des contrats de coproduction avec des producteurs indépendants de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Pour la période 2016-2020, l’investissement total s’élève à 62.677.288 euros, ce qui représente un engagement supérieur de 32,7% par rapport au montant minimal prévu par le Contrat de gestion.

Le détail de cet investissement révèle globalement une stratégie basée sur des apports restreints à un nombre étendu de budgets de production. Ainsi, pour 2020, la RTBF a investi 13.340.289 euros dans 219 projets impliquant 123 partenaires différents :

  • 715.000 € dans 59 projets de téléfilms ;
  • 688.076 € dans 5 programmes de flux ;
  • 177.122 € dans 76 projets de documentaires ;
  • 934.310 € de provision pour le Fonds séries (soutien de 23 projets à différents stades) ;
  • 899 € dans 42 projets de longs-métrages ;
  • 487 € dans 17 projets de webdocumentaires ;
  • 000 € dans 5 projets d’animation ;
  • 350 € dans 15 projets de courts-métrages.

 

Éclairage 1 : Comparaison avec des investissements consentis par d’autres services publics sur leur marché respectif

Flandre – VRT

Pour l’exercice 2020, la VRT était tenue d’investir 18,25%[1] de ses recettes totales à des « productions externes ». Ces dernières comprennent à la fois la production télévisuelle, la production radio, la production numérique et les prestations de services (équipes caméra, personnel externe, location de moyens de production, studios, montage etc.)[2]. L’ensemble des investissements précités concerne des sociétés de production indépendantes[3].

La VRT indique dans son rapport annuel 2020 avoir consacré 18,48% de ses recettes totales au secteur de la production indépendante flamande d’une part (62,1 M€) et aux prestataires de services de l’autre (15,7 M€)[4]. Le Contrat de gestion de la VRT ne prévoit pas de seuils de répartition entre la production télévisuelle, radio et numérique. Néanmoins, le bilan annuel de la VRT indique que ce sont les maisons de production télévisuelle qui ont été « principalement » soutenues[5].

Une ventilation des investissements par type de production télévisuelle (animation, fiction, documentaires etc.) n’est pas prévue, ni dans le Mediadecreet ni dans le Contrat de gestion de la VRT.

 

[1] Ce seuil de contribution minimale, avec progressivité jusqu’à 20% a été maintenu dans le Contrat de gestion 2020-2025. Par ailleurs, 500.000 € sont dédiés annuellement à la production audio externe.
[2] La production externe comprend les productions qui ne sont pas effectuées en interne à la VRT. Elle peut être indépendante ou non indépendante. En droit flamand, le producteur indépendant est défini comme suit : producteur indépendant : le producteur : a) dont la responsabilité morale est dissociée de celle d’un organisme de radiodiffusion; b) qui ne dispose ni directement ni indirectement de plus de 15 pour cent du capital d’un organisme flamand de radiodiffusion ;c) dont le capital n’appartient pas pour plus de 15 pour cent à une société qui détient directement ou indirectement plus de 15 pour cent du capital d’un organisme flamand de radiodiffusion (décret coordonné relatif à la radiodiffusion et à la télévision, du 27 mars 2009, art2, 49°)
[3] Decreet bettreffende radio-omroep en televisie van 27 maart 2009, gewijzigd bij decreet van 4 februari 2022, art. 2, 49°.
[4] https://www.vrt.be/nl/over-de-vrt/prestaties/jaarverslag/ p.84
[5] VRT jaarverslag 2020, op citem.

 

France – France Télévisions

France Télévisions est tenue de respecter deux types d’investissements :

L’investissement dans des œuvres audiovisuelles patrimoniales[6] [7] 

Le montant de l’obligation d’investissement est le chiffre le plus élevé résultant soit du taux de 20% du chiffre d’affaires de l’exercice précédent du groupe France Télévisions, soit du montant minimal annuel de 420 M€. Ce mode de calcul étant nettement supérieur à celui découlant de l’obligation calculée sur le chiffre d’affaires, c’est cette base qui a été retenue en 2020. Après déduction des 13,6 M€ de dépenses consacrées à la production des documentaires régionaux et ultramarins, la valeur absolue de l’obligation d’investissement du groupe en œuvres audiovisuelles patrimoniales est de 406,4 M€. La réalisation est supérieure à l’obligation, le montant étant de 408,4 M€.

Une partie de cette proportion doit être consacrée à la production indépendante (82,5%). 89% du montant réalisé consistait en 2020 à de la production indépendante, à savoir 361,7 M€.

Des obligations particulières par genre de production audiovisuelle patrimoniale (animation, documentaire de création et spectacle vivants) sont négociées entre France Télévisions et les syndicats.

[6] Par production patrimoniale, il faut entendre : « en matière audiovisuelle, la production d’œuvres de fiction, d’animation, de documentaires de création, y compris de ceux qui sont insérés au sein d’une émission autre qu’un journal télévisé ou une émission de divertissement, de vidéo-musiques et de captation ou de recréation de spectacles vivants. » Voir Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (Loi Léotard), version en vogueur depuis le 27 octobre 2021, Art.27-3, accessible via : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000006068930/
[7] Article 9 du Décret-cahier des charges, Décret n° 2009-796 du 23 juin 2009 fixant le cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions.

 

 

L’investissement dans la production cinématographique

En 2020, le seuil d’investissement minimal de France Télévisions dans la production cinématographique s’élève à 60 M€[1]. 60,2 M€ ont été investis de manière cumulée par les chaînes France 2, France 3 et France 4 en 2020. L’obligation d’indépendance des œuvres concerne 75% des œuvres, pour France 2 et France 3.

France Télévisions reste le premier financeur de la création audiovisuelle en France avec 422 M€ investis dans la production patrimoniale (408,4 M€ + 13,6 M€ de dépenses consacrées à la production des documentaires régionaux et ultramarins) et le deuxième financeur de la création cinématographique (le premier parmi les chaînes en clair) avec 60,2 M€ de dépenses, soit une contribution totale de 482,2 M€.

 

Irlande – RTE

 L’obligation d’investissement de la RTE dans la production indépendante (télévisuelle et radio) était de 40,2 millions d’euros en 2020. Ce montant a été provisionné, dans le respect de la disposition du Broadcasting Act 2019, mais les dépenses réelles pour des programmes télévision et radio de producteurs indépendants ont atteint 36,5 millions d’euros[2] (l’écart entre provisionnement et dépenses est imputé à la pandémie de Covid 19 qui a annulé ou postposé de nombreuses productions. Comme prévu par le Broadcasting Act 2009, cet écart sera amorti durant les exercices n+1 et n+2).

Ces 36,5M€ sont répartis en deux segments : les programmes télévisuels d’une part (35,2M€) et radiophoniques de l’autre (1,3M€) est dépensé sur le segment radiophonique. Les deux segments étant comptabilisés dans l’obligation de production indépendante.

L’éditeur de service public collabore avec plusieurs dizaines de sociétés de production, engendrant des succès (inter)nationaux dans des formats de genres variés[3].

En 2020, les programmes de la RTE occupaient 8 places dans le top 10 annuel des audiences nationales[4].

La création de nouveaux formats et la recherche de figures emblématiques des médias font partie des priorités stratégiques de la RTE[5].

L’internationalisation des programmes issus de productions indépendantes est forte, notamment dans les formats de séries et de divertissement[6].

 

[1] Seuil fixé dans le COM, à la suite des négociations de France Télévisions avec les organisations professionnelles du cinéma.
[2]https://about.rte.ie/commissioning/wp-content/uploads/sites/3/2021/06/RTE-Independent-Productions-Annual-Report-2020.pdf, p.23.
[3] https://www.rte.ie/annual-report-2020/pub/pdf/RTE_AnnualReport_YE2020.pdf
[4] RTE independent productions annual report 2020.
[5] Idem.
[6] Idem.

Proportion des investissements dans la production indépendante – 2020

RTBF – VRT – France Télévisions – RTE

Ce graphique représente, en pourcentage, les investissements réalisés en 2020 par les médias de service public respectifs en production indépendante (hors radio).

 

Éclairage 2 : L’essor de la production indépendante en Flandre

La comparaison de ces montants d’investissement doit être nuancée au regard de la dotation de l’audiovisuel public et de la taille de la population. Elle est néanmoins exemplative d’un choix historique posé par ces pays ou Communautés en faveur de la production audiovisuelle indépendante[1].

Plus particulièrement, la décision de la Flandre d’externaliser une partie significative de la production des chaînes du service public est emblématique.

Petit à petit, ces investissements ont fait émerger un secteur de la production télévisuelle indépendante qui entretient une concurrence stimulante et maintient un niveau de création élevé. En parallèle, l’autorisation de VTM et l’apparition de VT4 ont contribué à créer un marché relativement hermétique (aux chaines non flamandes) qui a pu soutenir ces développements.

Les collaborations entre les producteurs privés et la VRT permettent un échange bénéfique d’expériences ainsi qu’une oxygénation créative, générant un renforcement mutuel.

Certaines sociétés de production se sont développées sur plusieurs marchés : formats de flux, séries, cinéma, publicité, retransmissions sportives, jusqu’à se lancer dans l’édition de chaînes de télévision.

Le phénomène des « Bekende Vlamingen » s’est consolidé en véritable ciment culturel et identitaire de la Flandre, attirant des téléspectateurs, mais contribuant de manière plus large à une dynamique culturelle fédératrice.

Cet élan vertueux a permis aux éditeurs flamands de récupérer les parts de marchés que leur prenaient les chaînes hollandaises dans les années 80.

 

Observations

Le secteur de la production indépendante reste embryonnaire en Fédération Wallonie-Bruxelles. Ce constat demeure depuis de nombreuses années. Au contraire de la dynamique constatée sur de nombreux marchés voisins, peu de producteurs belges francophones parviennent à développer leurs activités localement et à plus forte raison internationalement.

La Fédération Wallonie-Bruxelles mène des actions efficaces pour soutenir les films d’auteurs et les documentaires de création. Cette politique audiovisuelle s’est d’ailleurs concrétisée par des reconnaissances critiques internationales. Mais, jusqu’il y a peu, les programmes de télévision semblaient laissés en marge de cette dynamique. Ils sont pourtant des vecteurs culturels et économiques puissants.

Ce constat répété impose une réponse ambitieuse, par le rehaussement drastique de l’enveloppe que l’éditeur de service public doit consacrer à la production indépendante, par la place préférentielle qu’il doit octroyer aux programmes et formats locaux sur ses services, par son positionnement clair en tant que partenaire de développement des producteurs indépendants belges francophones.

 

Recommandations

Concernant les partenariats avec les contrats de coproduction avec les producteurs audiovisuels indépendants, le CSA recommande donc les actions suivantes :

  • Rehausser fortement le montant que la RTBF doit investir dans des contrats passés avec des producteurs indépendants, afin que la proportion budgétaire consacrée s’approche de celle appliquée sur des marchés où la politique publique en faveur de ce secteur a porté ses fruits ;
  • Favoriser l’exposition des programmes émanant de producteurs indépendants locaux dans l’offre de services de la RTBF ;
  • Encourager la prise de risques, par l’éditeur de service public, en faveur du secteur de la production indépendante : participation conséquente dans les budgets de coproduction, promotion et exposition des programmes coproduits, investissements dans l’accompagnement à l’écriture lorsque nécessaire ;
  • Enfin, le Contrat de gestion pourrait explicitement formuler la finalité concrète du dispositif de l’article 13.3 du Contrat de gestion. Il s’agit pour la RTBF, à moyen terme, de jouer un rôle structurant afin de susciter l’émergence et la consolidation de sociétés de production indépendantes en Fédération Wallonie-Bruxelles, ainsi que la création locale de formats et de programmes audiovisuels susceptibles d’être diffusés par la RTBF, mais également par d’autres éditeurs, qu’ils soient belges ou étrangers. Formulé comme une obligation de moyens, cet objectif pourrait impliquer un état des lieux périodique, par exemple au terme du Contrat de gestion.

 

[1] Ou dans la production externe dans le cas de la Flandre.

 

QUANT À LA CLÉ DE RÉPARTITION DE L’INVESTISSEMENT 2 (PRODUCTION INDÉPENDANTE)

Le graphique ci-dessus détaille, par genres de programmes, l’investissement total consenti par la RTBF dans des contrats avec des producteurs indépendants entre 2016 et 2020.

La clé de répartition prévue à l’article 13.3 est globalement respectée, à la fois sur chaque exercice pris isolément, mais également sur la période considérée dans sa globalité. Le CSA note que cette répartition reste très stable par rapport au dernier bilan pluriannuel qu’il a réalisé[1].  Les œuvres de stock captent 77% des investissements et restent donc largement majoritaires. Les programmes de flux restent en-deçà du plafond maximum fixé à 30%.

Concernant le Fonds Séries, le montant total investi sur les 5 dernières années n’atteint cependant que 8.343.295 euros. Ceci représente 16,6% de moins que le montant minimum prévu par le Contrat de gestion.

 

Observations

Etant donné l’évolution rapide des tendances audiovisuelles, il est pertinent que la répartition des investissements par catégories laisse à la RTBF une certaine latitude pour s’adapter à la demande des téléspectateurs.

Dans ses rapports annuels, la RTBF calcule ces proportions en se référant au montant de l’obligation. Le CSA estime que les considérer par rapport au montant total de l’investissement serait plus en phase avec l’esprit du Contrat de gestion.

Une proportion de ces investissements pourrait être consacrée à la coproduction de contenus explorant les « nouvelles » écritures audiovisuelles, c’est-à-dire la création de programmes destinés à une primo diffusion sur les plateformes internet. Il s’agirait d’intégrer au Contrat de gestion la logique d’investissements spontanés consentis ces dernières années par la RTBF au travers des appels à projets lancés par sa cellule webcréation. Cette nouvelle filière de production s’est révélée propice à l’émergence de talents locaux. Il suffit pour s’en convaincre de constater le nombre remarquable de distinctions internationales récoltées par la webcréation de la RTBF ces dernières années. Il conviendrait donc d’en faire une ligne d’investissements pérenne. Ces formats pouvant appartenir à toutes les catégories reprises ci-dessus (webdocumentaires, webfictions, etc.), la proportion devrait constituer une part marginale à calculer sur l’ensemble de l’investissement.

 

Recommandations

 

Concernant la clé de répartition des investissements entre les différents genres de programmes, le CSA recommande donc les actions suivantes :

  • Clarifier la base sur laquelle les proportions doivent être calculées, à savoir en prenant comme référence le montant de l’obligation ou le montant total investi par la RTBF ;
  • Supprimer le plafond maximal pour les investissements dans les « autres types de programmes», à savoir essentiellement le flux (formats de divertissements et de magazines notamment) car cela parait antinomique avec le développement de ce secteur de la production indépendante, historiquement délaissé par les politiques audiovisuelles menées en Fédération Wallonie-Bruxelles.
  • Envisager qu’une proportion de l’investissement doive être consentie dans la coproduction de programmes qui explorent les formes d’écriture audiovisuelle natives d’internet ;
  • Enfin, en ce qui concerne les investissements dans la production et leurs éventuelles retombées (vente de programmes, droit de diffusion,…), il serait judicieux de réinvestir ces potentiels retours sur investissement dans le circuit de la production.

 

[1] CSA, Bilan RTBF sur le Contrat de gestion 2012-2016, 2017 : https://www.csa.be/document/bilan-rtbf-sur-le-contrat-de-gestion-2012-2017/

QUANT AU FONDS SPÉCIAL POUR LES SÉRIES BELGES

 

La RTBF contribue à un « Fonds pour les séries belges » dont les appels à projets successifs dynamisent la production de séries grand public en Belgique francophone. Ce Fonds est également alimenté par la Fédération Wallonie-Bruxelles ainsi que par le Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel. Ses modalités de fonctionnement font l’objet d’une convention conclue entre la RTBF et la Fédération Wallonie-Bruxelles[1]. Le Fonds propose un « parcours » d’aides au développement : écriture, production d’un pilote, et va potentiellement jusqu’à la production d’une saison entière.

Les producteurs indépendants bénéficiaires du Fonds concluent un contrat avec la RTBF qui leur permet, si leur projet ne va pas jusqu’au bout du développement, de récupérer leur liberté contractuelle après 24 ou 36 mois, selon les phases de développement atteintes.

Les montants investis par la RTBF dans le « Fonds Séries » n’atteignent pas systématiquement les seuils minima fixés par le Contrat de gestion. Les trois derniers contrôles réalisés par le CSA ont mis en évidence les difficultés rencontrées par l’éditeur pour affecter le provisionnement du Fonds à des projets concrets en phase de production. Sur la période 2016-2020, le CSA identifie un delta de 1,65 million d’euros. Mais ce provisionnement atteint plus de 5 millions d’euros depuis la création du Fonds.

 

Observations

Le CSA et la RTBF entretiennent un dialogue constructif afin de réfléchir à diversifier les possibilités de liquidation des montants provisionnés dans le Fonds, tout en restant en phase avec l’objectif initial. Ces réflexions intègrent également les autres investisseurs publics du Fonds.

La RTBF rappelle son attachement à l’objectif de développer et de structurer un secteur de la production de séries en Fédération Wallonie-Bruxelles. L’éditeur précise que cette dynamique positive ne suit pas forcément la temporalité des contrôles annuels. En effet, lors de ces deux derniers exercices, par exemple, certains projets ont accumulé des retards au fil des différentes étapes de développement, et ont dès lors nécessité un encadrement plus soutenu par les équipes de la RTBF. Ceci explique que la liquidation annuelle du montant prévu par le Contrat de gestion, en ce qu’elle est essentiellement centrée sur la production, n’ait pas pu suivre le rythme imposé.

Lors de réunions bilatérales au CSA, la RTBF a évoqué plusieurs pistes susceptibles de permettre une liquidation du montant provisionné tout en restant en phase avec les objectifs du Fonds : l’élargissement du soutien à des formats plus courts, la revalorisation des montants investis pour les projets renouvelés pour une saison supplémentaire, ou encore le renforcement des formations et ateliers pour les talents émergents.

Le CSA note que la volonté de l’éditeur de poursuivre les objectifs du Fonds est manifeste. Il constate également que le dispositif, dans sa forme de contrôle centrée sur un rythme de liquidation soutenu, laisse une marge de manœuvre trop étroite à la RTBF pour faire face aux aléas de production que rencontre tout secteur créatif émergent.

 

Réalisations

« Unité 42 » de Mathieu Mortelmans, Christophe Wagner & Hendrik Moonen

Société de production : Steel Fish Pictures

Année de diffusion : depuis 2017

Deuxième saison de 10 épisodes de 52 minutes

Troisième saison en développement

Audiences :  275.000 téléspectateurs[2]

Achats : VRT, France 2, RTS, Sky Atlantic HD (Allemagne/Autriche), Netflix

Récompenses : « Unité 42 » a reçu la Mention spéciale du Jury séries TV du Geneva International Film Festival

« E-Legal » d’Alain Brunard

Société de production : To do Today

Année de diffusion : 2018

Une saison de 10 épisodes de 52 minutes

Audiences : Pas de données à disposition

« Champion » de Monir Ait Hamou, Mustapha Abatane, Thomas François, Julie Bertrand, Mourade Zeguendi, Omar Arrak Semati.

Société de production : Kings of Comedy (Gilles Morin)

Année de diffusion : 2018

Une saison de 10 épisodes de 52 minutes

Audiences : Pas de données à disposition

« Invisible » de Marie Enthoven, Bruno Roche & Nicolas Peufaillit,

Société de production : Kwassa Films

Année de diffusion : 2020

Une saison de 8 épisodes de 48 minutes

Audiences : 229.591 téléspectateurs[3]

Achats : Série Club (France), Salto, RTS

« Baraki » de Julien Vargas, Peter Ninane et Fred De Loof 

Société de production : Koko arrose la culture & 10.80 Films

Année de diffusion : 2021

Une saison de 20 épisodes de 26 minutes

Audiences :  Pas de données à disposition

« Coyotes » de  Vincent LavacheryAxel Du Bus et Anne-Lise Morin

Société de production : Panache Productions et Compagnie Cinématographique

Une saison de 6 épisodes de 52 minutes

Année de diffusion : 2021

Audiences :  Pas de données à disposition

Achats : Netflix

« Pandore » de Vania Leturcq, Savina Dellicour et Anne Coesens 

Société de production : Artémis Productions

Année de diffusion : 2022

Une saison de 10 épisodes de 52 minutes

Audiences moyennes des deux premiers épisodes :  309.758 téléspectateurs [4]

« Ennemi Public » d’Antoine Bours, Gilles de Voghel, Matthieu Frances, Frédéric Castadot, Gary Seghers & Christopher Yates

Société de production : Entre Chien et Loup

Diffusion de la saison 3 prévue pour 2022

Audiences : 256.000 téléspectateurs[5]

Achats : VRT, Movistar +, Sky, Ale Kino, C-More, TF1, Zo­diac Rights, TV5

« Warning » de Vincent Lannoo, Jérôme Colin et Vincent Tavier

Société de production – Need Productions

Statut : en production (8 épisodes de 52 minutes)

« Fils De » de Camille Pistone, Salim Talbi, Antoine Negrevergne & Ely Chevillot

Société de production : AT Séries & Films

Statut : en production (8 épisodes de 52 minutes)

« Attraction » de Sophia Perié, Barbara Abel & Julien Gras-Payen 

Société de production : Les Gens

Statut : en production (6 épisodes de 52 minutes)

Recommandations

Concernant le Fonds Séries, le CSA recommande donc les actions suivantes : 

  • Pérenniser le Fonds et le modèle de l’appel à projet. Le dispositif a démontré qu’il constituait un catalyseur pour le développement d’un écosystème de production indépendante ;
  • Favoriser l’ouverture du modèle (formats, durées, genres). Favoriser également les possibilités de liquidation étendues sur plusieurs exercices ;
  • Étudier la possibilité pour les producteurs de retrouver leur liberté contractuelle plus rapidement, afin de pouvoir démarcher d’éventuels autres acheteurs ;
  • Garantir que les montants provisionnés par la RTBF resteront affectés au Fonds Séries ;
  • Stimuler la coopération, la coproduction et les synergies avec d’autres chaînes publiques tel que France Télévision, la VRT, …
[1] http://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/39757_000.pdf
[2] Source : «Unité 42»: un bilan correct et une autre manière de consommer » 
[3] Source : « La loi des séries »
[4] Source : Site de la RTBF.
[5] Source : « Bilan 2019 du Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel ».