Création Web

Contexte

L’article 10 du Contrat de gestion actuel prévoit que la RTBF marque un intérêt particulier pour les nouvelles écritures audiovisuelles, c’est-à-dire pour la création de programmes profilés pour une consommation sur internet, notamment webfiction, webdocumentaire et contenus transmédia. Certains de ces programmes doivent pouvoir être visionnés sur les nouveaux appareils numériques, entre autres mobiles. L’article ne mentionne pas la création audio (podcast natif) en tant que telle.

Dans le cadre de cette mission, la RTBF fait appel aux talents de la Fédération Wallonie-Bruxelles, en ce compris aux talents « externes ».

La mission intègre à la fois les objectifs de mise en valeur des talents émergents et d’adaptation aux usages des publics.

Les articles 25.5 et 56.2 prévoient que la RTBF « affectera 100.000 euros pour lancer, en concertation avec la Fédération Wallonie-Bruxelles, des appels à projets pour de nouveaux formats radiophoniques répondant aux évolutions des modes de consommation numérique, notamment aux formats podcast et à la consommation mobile ».

Bilan

Evolution de l’offre de création web

Depuis 2013, la RTBF a déployé son offre de production web autour de plusieurs pôles : webséries, webdocs, transmédia & réalité virtuelle (RV), et plus récemment podcast/séries sonores. D’abord centrée sur la création vidéo, la RTBF a intégré l’audio dans ses activités de création web à partir de 2017.

La RTBF ne distingue pas explicitement l’ensemble de sa production web native des contenus spécifiques de création web. Pourtant, opérer cette distinction est nécessaire afin de permettre à la RTBF de remplir ses obligations en la matière : la création web doit être comprise comme un type de production web particulier ayant un fort caractère novateur et original, mobilisant « les nouvelles écritures » pour des modes de consommation numérique. Il ne s’agit pas de donner moins d’importance au développement de la production web de la RTBF en général, en vue notamment d’atteindre des publics difficiles à toucher autrement, mais de réserver une attention et un budget spécifiques à ce type de production.

Mise en place en 2014 par la RTBF, la cellule « Webcréation » s’est attelée à soutenir le développement d’une offre variée de productions web de manière créative et innovante reconnue internationalement (56 prix reçus dans différents festivals entre 2013 et 2018). En 2018, la RTBF s’est réorganisée de manière globale autour du genre de contenu et du public auquel il est destiné, en lieu et place des plateformes de diffusion (TV, radio ou web) menant au démantèlement de l’équipe « webcréation ». Ses tâches ont alors été réparties entre l’équipe « fictions digitales » et l’équipe des coproductions documentaires belges.

Le soutien à la création web a été organisé autour d’appels à projets dont la nature a régulièrement évolué.

La liste des projets mentionnés ci-dessous n’est pas exhaustive mais reprend les plus importants.

Appels à projets webséries   

Depuis 2014, cet appel à projets en matière d’appui à la webfiction est récurrent même s’il n’a pas été organisé chaque année. Lors de chaque appel, 5 projets (maximum) reçoivent 10.000 euros pour développer le pilote. Le projet gagnant est ensuite désigné par un vote des internautes et reçoit 100.000 euros pour développer la série. Depuis 2018, le budget peut être complété par un apport du Tax Shelter. En 2020, l’appel a évolué, proposant 150.000 euros au projet gagnant pour développer une série de 6 épisodes de 15 minutes.

Lauréats : « Euh » (2014), « Burkland » (2015), « La théorie du Y » (2016), « Boldiouk & Bradock » (2019), « Jacky et Lindsay » (2020).

Dans le cadre du plan Restart, la RTBF a également lancé un projet de 3 webséries et adapté son approche afin de soutenir davantage de créateurs dans des délais courts et ce malgré les contraintes liées à la crise sanitaire.

Toujours en 2020, la RTBF a lancé un appel à projets de websérie documentaire (100.000 euros) qui a mené à la production de « Première vague », une websérie sur le personnel soignant face à la pandémie.

 

Appel à projets Snapchat

En 2017, un nouveau type d’appel, en collaboration avec la Fédération Wallonie-Bruxelles, a été lancé par l’équipe webcréation pour la création d’une série de fiction exploitant « les nouvelles écritures audiovisuelles », destinée dans ce cas à l’application Snapchat. Une enveloppe de 80.000 euros maximum a été mise à disposition du lauréat pour l’écriture et la production de 40 épisodes sous formes de “stories ».

Lauréat : « #PLS » (saison 1 en 2017, saison 2 en 2018).

 

Appels à projets Instagram

Toujours dans le cadre d’un appel « nouvelles écritures », la RTBF a lancé en 2018 un appel à projets pour deux webséries (fiction et documentaire) pensées et créées pour être diffusées sur l’application Instagram, toujours en collaboration avec la Fédération Wallonie-Bruxelles et toujours avec un budget de 80.000 euros par projet. Un des deux projets gagnants a été annulé. L’appel a été relancé en 2019.

Lauréats : « +32 » (2020), « Road Tripes » (2020).

 

Appels à projets podcasts

A partir de 2018, suite au succès du premier podcast natif[1] de la RTBF « C’est tout meuf », des appels à projets spécifiques ont été initiés pour des séries sonores spécifiquement. La production de podcasts natifs a été renforcée par la mise en œuvre du cinquième Contrat de gestion (2019).

Un premier appel (identifié « nouvelles écritures » lui aussi) a eu lieu en 2018, deux dossiers ont été sélectionnés et reçu chacun une enveloppe de 50.000 euros chacun (« Doulange » et « Salade Tout »). Les termes de l’appel ont ensuite évolué en 2019 pour cibler spécifiquement les « Nouvelles Générations » (16-24 ans), et le budget a été ramené à 20.000 euros pour chacun des deux projets soutenus.

Depuis l’entrée en vigueur du présent Contrat de gestion, la RTBF est tenue d’affecter 100.000 euros « pour lancer, en concertation avec la Fédération Wallonie-Bruxelles, des appels à projets pour de nouveaux formats radiophoniques répondant aux évolutions des modes de consommation numérique, notamment aux formats podcast et à la consommation mobile » (Article 56.2). La RTBF a décidé d’allouer principalement ce montant au format documentaire.

En 2019, la collaboration avec la FWB a donc été établie administrativement par une consultation sur l’appel à projet et les projets sélectionnés. Cette collaboration ne prévoit pas de financement de la FWB ni de participation au jury.

Cette même année, la RTBF a investi plus de 127.000 euros dans des podcasts natifs (« Bisexualité », « Dis-moi oui », « Instantanées », « Réelle vie » et « Valhalla »).

En 2020, la RTBF a lancé l’appel à projet pour une enveloppe de 100.000 euros dans de nouveaux formats radiophoniques (podcasts natifs) dans le cadre de cette collaboration avec la FWB. La RTBF a investi 75.000 euros en 2020 dans 3 projets (« Diasporama », « Rock’n Moustaches » et « Et on a parlé sexe ») et un projet (« Un Diable Un jour ») reporté à 2021 à cause de la crise sanitaire.

Notons enfin que la RTBF collabore avec le Brussels Podcast Festival lancé en 2020 dans le cadre d’un appel à projet spécifique et afin d’offrir une visibilité aux productions et aux équipes lauréates.

En conclusion, l’offre de création web de la RTBF a évolué avec le temps, au gré de l’appui fourni aux créateur.rice.s web de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Le grand nombre de projets soutenus, la variété de ceux-ci, des modalités de financement et des budgets investis ou encore l’identification parfois peu précise de ce qui relève de la création web rend difficile un inventaire exhaustif sur base des informations mises à disposition du CSA et disponibles sur le web par ailleurs. Cela étant, il apparait clairement que la RTBF s’est engagée avec succès dans une démarche prospective afin de trouver des modalités adaptées à un environnement en constante mutation.

Le Collège salue le rôle moteur qu’a constitué l’obligation d’affecter 100.000 euros aux podcasts à partir de 2019, obligation qui a accéléré la réalisation et la diffusion de contenus de ce type.

Mise en valeur des talents émergents « web » et adaptation aux usages des publics

Via les plateformes et les réseaux sociaux (YouTube, Facebook, Twitch, TikTok, etc. pour la vidéo, Spotify, Apple podcasts, etc. pour le podcast), les web vidéastes et les podcasteur.euse.s touchent un public que la RTBF reconnait être difficilement atteignable (12-25 ans).

L’éditeur public a récemment concrétisé des exemples créatifs de synergies entre la production télévisuelle classique et les codes web, via des vidéastes reconnus.

Ainsi, « La Roue » était un programme en direct sur la plateforme Twitch sous la chaîne Tarmac Gaming, qui permettait à 4 candidat.e.s de jouer avec le célèbre Twitcheur Kreeks. Comme il est d’usage selon les codes audiovisuels de cette plateforme, une conversation entre participants et l’animateur se tisse en parallèle du jeu. L’animateur y fait figure de « grand-frère » (« bro »), notamment pour répondre aux questionnements et éventuelles inquiétudes liées à la crise du Covid (en mars 2021) dans le cas de « La Roue ».

Autre exemple récent : « L’Internet show », talk-show de décryptage web et sociétal sur Tipik est présenté depuis janvier 2022 par Lufy[2] et Enzo, vidéastes web bénéficiant d’une solide notoriété[3], via leurs chaînes YouTube, mais également via Instagram et Tik-Tok. Solidement ancrés sur les plateformes et réseaux sociaux, ils deviennent désormais des visages de Tipik et de la RTBF dans son ensemble.

Ces interconnexions sont bénéfiques pour les deux parties : les web vidéastes profitent de la force de production du média historique (conditions de production, mais aussi promotion et notoriété du média) et le média propose une approche adaptée aux publics concernés, prouvant sa capacité d’adaptation dans un monde audiovisuel aux codes mouvants. 

 

Conclusions et recommandations

 

Depuis une dizaine d’années, la RTBF porte une attention marquée pour la création web et a mis en œuvre des mécanismes d’appui ponctuels avec succès, contribuant ainsi au développement d’un écosystème de créateurs et d’entreprises dans le domaine. Les défis actuels sont ceux de la pérennisation et de la mise en valeur des contenus créatifs soutenus, dans cette optique, le CSA formule les recommandations suivantes :

  • Le modèle de l’appel à projets pourrait être envisagé de manière systématique et régulière. Le CSA recommande que le prochain Contrat de gestion intègre une obligation concrète d’investissement en matière d’appels à projets réguliers (par exemple sur base annuelle) en distinguant les créations web audiovisuelles et les créations sonores afin de consolider ces offres spécifiques de manière durable. Ces appels d’offres pourraient faire l’objet d’un reporting spécifique ;
  • Dans cette optique, et sur base des investissements actuels de la RTBF en la matière, le CSA recommande que le montant de 100.000 euros affectés à des « appels à projets pour de nouveaux formats radiophoniques répondant aux évolutions des modes de consommation numérique, notamment aux formats podcast et à la consommation mobile » (art. 25.5 et 56.2) le soit sur base annuelle de manière explicite dans le prochain Contrat de gestion ;
  • La création web sonore devrait être mentionnée en tant que telle dans le futur Contrat de gestion. Ce n’est pas le cas actuellement même si ce type de création web a été intégré naturellement par la RTBF dans ses activités ces dernières années (principalement des séries sonores). D’autres formes de podcast natifs de création pourraient d’ailleurs être soutenues ;
  • Afin de pouvoir assurer un soutien ciblé et transparent à la création web, la RTBF pourrait développer des lignes directrices visant à déterminer ce qui relève de la création web parmi ces productions web natives ;
  • En termes de mise en valeur de talents web et de leur intégration au sein de la RTBF, les exemples récents cités témoignent d’initiatives de convergence audacieuses, dont la réitération et la consolidation apparaissent comme bénéfiques pour les deux univers audiovisuels.
[1] Programme sonore spécifiquement créé pour une diffusion par un canal non linéaire. A contrario, lorsqu’une émission, séquence ou rubrique d’une station radio est proposée en rediffusion sous forme de podcast, il ne s’agit pas d’un « podcast natif ».
[2] Lufy avait déjà présenté le programme « Beauty match », sur TFX (Groupe TF1) en 2018.
[3] Chaîne YouTube Enzovoort : 287.000 abonnés ; chaîne YouTube LufyMakes YouUp : 1,49M d’abonnés ; chaîne YouTube Lufy & Enzo : 1,25M d’abonnés (source : YouTube – mars 2022).