Offre textuelle de la RTBF

Enjeux

Contexte

La possibilité pour la RTBF de déployer une offre textuelle est prévue par l’article 42 sexies du Contrat de gestion relatif à « l’Offre en ligne composant les missions de service public de la RTBF ».

Le développement par la RTBF de son activité d’information rédactionnelle sur Internet a fait l’objet d’un litige juridique entre l’éditeur audiovisuel de service public et les éditeurs de presse écrite belges francophones. Ces derniers ont introduit des recours, d’abord au niveau national, puis par le dépôt d’une plainte auprès de la Commission européenne. Ils considéraient l’offre gratuite proposée par le site rtbf.be/info comme une concurrence déloyale susceptible de contrecarrer le développement de leurs modèles payants.

Par un avis rendu en mai 2014[1], la Commission s’est prononcée en faveur d’une définition exhaustive du périmètre des activités en ligne de la RTBF. Elle recommande : « l’énumération précise et limitative des services qui entrent dans le mandat de service public de la RTBF et la précision que ces services doivent mettre l’accent sur les images et les sons et faire le lien avec les programmes de radio ou de télévision de la RTBF ». En conséquence, le Gouvernement de la FWB s’est vu contraint de remanier le Contrat de gestion de la RTBF par avenant (décembre 2014). Ces modifications ont notamment abouti à l’ajout de l’article 42 sexies qui pose des conditions cumulatives au déploiement de l’offre rédactionnelle en ligne de la RTBF. Enfin, le cinquième Contrat de gestion (période 2019-2022) ajoute une restriction quantitative : l’éditeur doit veiller « à ce que 51 % des articles de son site d’information en ligne ne dépassent pas 1.500 signes de textes, avec une marge de plus ou moins 5%, hors titres, intertitres et blancs ».

 

[1] https://ec.europa.eu/competition/state_aid/cases/247174/247174_1555382_256_2.pdf

Bilan

Le dernier avis annuel du CSA relatif à la concrétisation par la RTBF de son Contrat de gestion conclut à une divergence d’interprétation quant aux implications des conditions fixées au développement par la RTBF de son offre rédactionnelle sur Internet.

Conditions cumulatives

Les conditions cumulatives que l’offre d’information rédactionnelle en ligne de la RTBF doit respecter peuvent être synthétisées comme suit :

  • Être en phase avec les missions de service public.
  • Être en lien avec la programmation.
  • Être produite ou traitée par ses propres rédactions.
  • Être enrichie d’images et de sons.
  • Pour minimum 51% des articles, ne pas excéder 1500 signes.

Il s’agit de conditions destinées à cadrer les activités d’édition d’informations textuelles en ligne de la RTBF. Il convient dès lors de leur donner une interprétation effective.

Effectivité de ces conditions

Condition 1 : Être en phase avec les missions de service public

Le cadre des missions de service public confiées à la RTBF couvre un éventail très large de thématiques. Pour autant, la condition 1 ne peut être considérée comme rencontrée « de facto ».  Son respect nécessite le maintien d’une vigilance de la part du régulateur et de l’éditeur. Le CSA procède en conséquence à des examens au cas-par-cas.

Condition 2 : Être en lien avec la programmation

La programmation de la RTBF, prise dans sa globalité, couvre un large éventail de thématiques. Afin d’être effective, la condition 2 nécessite dès lors de situer ce lien avec la programmation dans un laps de temps autour de la publication du contenu rédactionnel, celui-ci devant être considéré comme l’amorce ou le prolongement d’une thématique traitée par un programme audiovisuel ou sonore.

Condition 3 : Être produite ou traitée par ses propres rédactions

La RTBF déclare que des consignes rédactionnelles sont données à ses journalistes afin de les inciter à étoffer le contenu en provenance des agences de presse. Ceci résulte d’une volonté éditoriale mais également d’une nécessité de performance au regard du fonctionnement des moteurs de recherches dont le référencement dépend de la plus-value apportée aux contenus.

Sur base de l’observation du site rtbf.be/info, le CSA constate toutefois la publication régulière de contenus rédactionnels assimilables à du relai de dépêches. Par conséquent, afin de donner plus de lisibilité à la condition, il conviendrait de préciser le niveau de plus-value permettant de justifier d’un « traitement » par les rédactions.

Condition 4 : Être enrichie d’images et de sons

Cette condition fait l’objet d’un suivi statistique par la RTBF. L’éditeur se réfère à son système de gestion des contenus, lequel est alimenté par les rédacteurs au moment de chaque publication d’article. Les données encodées portent notamment sur le nombre de caractères ainsi que sur la publication conjointe d’images et de sons.

En dépit de ces précautions, le bilan statistique de la RTBF conclut, pour l’année 2020, à la publication d’une proportion de 51,8% d’articles « enrichis d’images et de son ». Cette proportion tout juste majoritaire questionne le prescrit du Contrat de gestion. En effet, la condition n’étant associée à aucun objectif de quota, le Collège considère qu’elle s’applique théoriquement à l’ensemble des articles publiés. Dès lors, le CSA a interrogé la RTBF quant à une infraction potentielle à l’article 42 sexies, k, tiret 2, i) de son Contrat de gestion (voir ci-dessous).

Condition 5 : Restrictions Quantitatives

Sur ce point également, la RTBF dispose de données précises récoltées au moment de la publication des articles. Son dernier rapport annuel reprend les résultats par quadrimestre : Q1 = 51.3%, Q2 = 50.3% et Q3 = 52% pour une moyenne annuelle de 51.2%.

Au regard de ces données, l’objectif quantitatif de 51% d’articles n’excédant pas 1.500 signes (avec une marge de plus ou moins 5 %, hors titres, intertitres et blancs) est atteint de justesse pour 2020.

Divergence d’interprétations

Article 42 sexies :

« (…) La RTBF produit, diffuse et rend accessibles en ligne sur ses sites internet rtbf.be et/ou rtbf.be/auvio, et via les services de la société de l’information visés à l’alinéa e) ci-après, les contenus suivants :

(…) k) des contenus répondant aux missions visées aux articles 22 à 41 du présent Contrat de gestion, dans les limites visées ci-après :

-des contenus d’information connexes à ses programmes, en ce compris des contenus d’information, au sens repris ci-avant, comprenant des textes, des images et des sons, avec un accent sur les images et les sons, dans les limites visées ci-après :

  1. des contenus d’actualité, visant à alerter, montrer, certifier et expliquer les événements d’actualité, en mettant l’accent, sur son site d’information en ligne, sur des contenus d’information :
    • en lien avec les sujets développés ou à développer dans ses programmes de radio et de télévision ;
    • produits ou traités dans ses propres rédactions ;
    • enrichis d’images et de sons ;
    • et en veillant à ce que 51 % des articles de son site d’information en ligne ne dépasse pas 1.500 signes de textes, avec une marge de plus ou moins 5 %, hors titres, intertitres et blancs ;
  1. des retranscriptions écrites intégrales, partielles, analytiques ou synthétiques de ses programmes ;

iii. des chroniques, cartes blanches et éditoriaux en lien avec l’actualité en mettant l’accent sur ceux produits dans les rédactions de la RTBF ;

  1. des dossiers thématiques, réalisés par la RTBF, seule ou en partenariat avec des tiers, en lien avec ses programmes de radio et de télévision ;
  2. des enquêtes et sondages d’opinions, en lien avec ses programmes de radio et de télévision, réalisés dans le respect des dispositions visées à l’article 22 du présent Contrat de gestion ;
  3. des bases de données, en lien avec ses programmes de radio et de télévision, telles que des données chiffrées, agenda, résultats, photothèques, en lien avec l’information, à l’exclusion de bases de données à caractère pornographique ou érotique ;

vii. d’autres contenus émanant des organismes de service public de radio et de télévision et des éditeurs de presse écrite imprimée belge francophone, quotidienne ou périodique, avec lesquels la RTBF a conclu des partenariats, et pouvant renvoyer à des contenus payants le cas échéant ».

 

Interprétation de la RTBF

La RTBF considère que son obligation se limite à « mettre l’accent » sur les articles comprenant des images et des sons. Elle assure que « c’est en ce sens que cela a été négocié avec les services de la Commission européenne », que cette condition « n’implique aucune obligation quantitative quant à la manière dont cet accent est mis » et que, d’ailleurs, aucune des conditions reprise à l’article 42 sexies n’implique d’approche quantitative si ce n’est celle explicitement formulée comme telle.

 

Interprétation du CSA

En vertu de l’article 42 sexies, k, tiret 2, la RTBF peut éditer « des contenus d’information connexes à ses programmes, en ce compris des contenus d’information (…) comprenant des textes, des images et des sons, avec un accent sur les images et les sons ». Ce libellé implique que la RTBF puisse déployer une offre rédactionnelle en ligne sous la forme d’articles écrits « comprenant des textes des images et des sons » et mettant « un accent sur les images et les sons ». Les articles doivent donc systématiquement comprendre des textes, des images et des sons. Et cette « spécificité audiovisuelle » doit en outre s’affirmer par un accent mis, au sein des articles, sur les images et les sons.

Le sous-point i. du tiret 2 stipule que l’éditeur doit mettre l’accent, au sein de son site d’information en ligne, sur certains contenus d’information, à savoir ceux « enrichis d’images et de sons » mais également ceux répondant aux deux autres conditions fixées (« produits ou traités par les rédactions », « en lien avec la programmation »). La nécessité de « mettre l’accent » semble donc porter ici spécifiquement sur les articles répondant aux trois conditions, ce qui laisse entendre que d’autres articles pourraient y déroger. Face à cette potentielle contradiction, le CSA comprend l’argumentaire de la RTBF repris ci-dessus. Mais il n’y souscrit pas. 

En effet, le Collège constate que suivre l’interprétation de l’éditeur aurait pour conséquence de mettre en péril l’objectif du dispositif. Pour rappel, celui-ci consiste globalement à limiter les possibilités pour la RTBF de développer une offre rédactionnelle en ligne par la nécessité d’ancrer ses publications dans le caractère audiovisuel de ses activités.

Premièrement, la nécessité d’enrichir les articles d’images et de sons, ainsi que de mettre l’accent, au sein des articles, sur les images et les sons, figure dans le paragraphe introductif du point k). Il s’agit donc du contexte général dans lequel les autres composantes de l’article doivent être interprétées.

Deuxièmement, aucune précision n’est apportée, ni par le Contrat de gestion, ni au surplus par l’éditeur, afin de, suivant l’argumentaire de ce dernier, définir la manière dont l’accent devrait être mis sur les contenus d’information respectant les conditions du point i. La RTBF ne semble d’ailleurs procéder à aucune mise en valeur particulière au sein de son offre rédactionnelle en ligne car l’agencement des articles répond uniquement à une logique chronologique. Au surplus, si « mettre l’accent » devait être interprété dans le sens de « garantir une certaine proportion » d’articles qui puisse satisfaire aux conditions, le Collège considère qu’une proportion à peine majoritaire ne pourrait suffire.

Troisièmement, le Collège constate que l’interprétation de la RTBF rendrait ineffectives les conditions du point i. En effet, selon l’éditeur, il suffirait pour satisfaire à l’obligation qu’il mette l’accent, selon une méthode indéfinie, sur les articles répondant à ces conditions, peu importe la proportion dans laquelle ces derniers sont présents sur son site. Il s’agit d’une interprétation inopérante qui confère une liberté presque totale à l’éditeur dans la manière dont il déploie son offre rédactionnelle en ligne.

Quatrièmement, l’interprétation de la RTBF conduit à ce que la condition d’enrichir les articles d’images et de sons s’impose plus strictement aux points ii. à vii. puisque le paragraphe introductif leur est applicable indépendamment de la mention potentiellement contradictoire des termes « mettre l’accent » au point i. Ceci parait antinomique avec l’objectif poursuivi. En effet, tant les procédures introduites par Lapresse.be, que la décision de la Commission européenne et la modification subséquente de Contrat de gestion, visaient à renforcer l’ancrage audiovisuel des contenus d’information édités par la RTBF en vertu du point i. Le Collège considère dès lors que la mention « mettre l’accent », ainsi que le rappel de la condition « enrichis d’images et de sons », poursuivent, au-delà d’une potentielle contradiction dans les termes, la volonté exprimée dans le Contrat de gestion de renforcer ces conditions et non de les rendre inopérantes.

Conclusions et recommandations

Le nouveau Contrat de gestion doit apporter des clarifications afin que le cadre fixé par l’article 42 sexies soit lisible, effectif et contrôlable.

  • Ces clarifications du Contrat de gestion sont nécessaires pour éviter toute divergence d’interprétation. Ceci est en effet déterminant car cela conditionne l’effectivité des conditions cumulatives fixées pour le développement par la RTBF de son offre rédactionnelle en ligne.
  • Il convient ensuite de consolider l’effectivité des conditions 2 (« être en lien avec la programmation ») et 3 (« être produite ou traitée par ses propres rédactions ») :  
    • Par l’ajout d’une temporalité dans l’établissement d’un lien avec la programmation ;
    • Par la clarification de l’intensité de traitement attendu des contenus en provenance d’agences de presse.