Quotas de diffusion - TV

Contexte

En vertu de l’article 19 de son Contrat de gestion, la RTBF doit consacrer, dans l’ensemble et sur chacun de ses services de médias audiovisuels linéaires télévisuels, au moins :

  • 60% de son temps de diffusion à des œuvres européennes, en ce compris des œuvres originales d’auteurs relevant de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

 Objectif : stimuler le secteur de la production audiovisuelle européenne en favorisant l’acquisition de programmes produit dans l’Union. Le Décret SMA, transposant la Directive européenne, fixe ce quota à 50% pour les services télévisuels. Tenant compte du statut d’éditeur de service public de la RTBF, le Contrat de gestion impose donc une obligation rehaussée par rapport au cadre européen (+10%).

  • 10% de son temps de diffusion à des œuvres européennes émanant de producteurs audiovisuels indépendants des éditeurs de services de radiodiffusion télévisuelle, en ce compris les producteurs audiovisuels indépendants de la FWB, étant entendu que la production de ces œuvres ne peut être antérieure à cinq ans avant leur première diffusion.

Objectif : stimuler, en Europe et en FWB, le développement d’un secteur de la production qui soit indépendant du secteur de l’édition télévisuelle. Le prescrit du Contrat de gestion est transposé à l’identique par rapport au cadre européen et au Décret. Sur cet aspect du Contrat de gestion, la RTBF se situe donc au même niveau que n’importe quel éditeur télévisuel privé.

  • 35% de son temps de diffusion à des œuvres en langue française.

Tenant compte du statut d’éditeur de service public de la RTBF, le Contrat de gestion lui impose une obligation rehaussée par rapport au cadre décrétal (+15%). Le Décret SMA fixe en effet un quota moindre pour les services télévisuels privés, qui doivent réserver une part de 20% de leur temps de diffusion à des programmes dont la version originale est d’expression française.

Bilan

De manière générale, depuis 2016, les obligations de quotas sont annuellement rencontrées par la RTBF sur ses services télévisuels. On observe néanmoins une diminution, entre les deux derniers contrats de gestion, de la proportion d’œuvres européennes diffusées (alors même que les quotas ont été renforcés[1]). Le même constat peut être opéré à propos des œuvres européennes indépendantes, cette dernière diminution s’expliquant notamment par le rachat de certaines sociétés indépendantes par des éditeurs de services ces dernières années.

[1] Ceux-ci sont passés, entre le 4e et le 5e Contrat de gestion, de 55 à 60%.

Le Contrat de gestion stipule par ailleurs que les quotas doivent être rencontrés pour l’ensemble et sur chacun des services de la RTBF.

En 2020, chaque chaîne dépassait le seuil prévu pour les trois quotas, avec une marge très confortable sur la Une tant pour les œuvres européennes que les œuvres en langue originale française. La Trois comptabilisait quant à elle le pourcentage le plus élevé d’œuvres européennes indépendantes récentes, celles-ci constituant dans leur grande majorité des programmes d’animation à destination de la jeunesse.

 

Questionnements et pistes de réflexion

Observations générales – Obligations à atteindre sur chaque service télévisuel

Le Contrat de gestion précise actuellement que les obligations de quotas doivent être rencontrées dans l’ensemble et sur chacun des services de médias linéaires télévisuels de la RTBF.

Le CSA insiste sur la nécessité de maintenir cette formulation et de continuer à imposer ces seuils pour chaque service. Vu le statut d’éditeur de service public de la RTBF et les missions qui en découlent, il est en effet primordial de garantir au public un accès égal à un niveau élevé d’œuvres européennes, indépendantes et d’expression originale française, peu importe la chaîne visionnée, et d’éviter qu’une seule ou deux chaînes ne concentrent ces contenus.

 

Quota d’œuvres européennes

Comme décrit plus haut, la RTBF rencontre très confortablement son quota de diffusion de 60% d’œuvres européennes depuis plusieurs années, sur chacune de ses chaînes. La question se pose dès lors de l’opportunité d’une augmentation de ce quota à l’occasion du nouveau Contrat de gestion.

A titre de comparaison, en France, si France Télévisions se voit imposer un quota de 60% d’œuvres européennes pour l’ensemble de ses diffusions, l’éditeur de service public est soumis, pour les heures de grande écoute, un quota plus élevé, soit 70% d’œuvres audiovisuelles européennes[1].

 

Quota d’œuvres européennes émanant de producteurs indépendants

Définition du producteur indépendant

Le Contrat de gestion définit actuellement le « producteur indépendant de la Fédération Wallonie-Bruxelles » comme le producteur audiovisuel :

  1. qui dispose d’une personnalité juridique distincte de celle d’un éditeur de services,
  2. qui ne dispose pas d’une manière directe ou indirecte de plus de 15% du capital d’un éditeur de services,
  3. qui ne retire pas plus de 90% de son chiffre d’affaires durant une période de trois ans de la vente de productions à un même éditeur de services de la Fédération Wallonie-Bruxelles,
  4. dont le capital n’est pas détenu directement ou indirectement pour plus de 15% par un éditeur de services,
  5. dont le capital n’est pas détenu pour plus de 15% par une société qui détient directement ou indirectement plus de 15% du capital d’un éditeur de services.
Producteur indépendant de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Intitulé de la définition et rattachement à la Communauté française

En l’état, si le Contrat de gestion annonce définir le producteur indépendant de Fédération Wallonie-Bruxelles, la définition ne mentionne aucun critère de rattachement à la Communauté française. Prise dans son sens littéral, elle permet dès lors de qualifier n’importe quel producteur indépendant, peu importe son lieu d’établissement, comme producteur indépendant de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ce qui pose bien évidemment question eu égard à l’objectif de valorisation de la production indépendante locale. S’il s’agit probablement d’un oubli, cet élément gagnerait à être précisé dans le nouveau Contrat de gestion. A titre d’exemple, le Décret SMA précise, après avoir décrit les critères garantissant l’indépendance d’un producteur, que « Le producteur indépendant de la Communauté française est le producteur établi dans la région de langue française ou dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qui répond aux critères repris à l’alinéa précédent ».

Différence de traitement entre la RTBF et les services télévisuels privés

Par ailleurs, le CSA observe que la définition du producteur indépendant telle que prévue par le Contrat de gestion comporte un élément supplémentaire par rapport à celle du décret SMA, ayant pour conséquence que la RTBF bénéficie de conditions moins strictes qu’un éditeur télévisuel privé en matière de quotas de diffusion d’œuvres européennes émanant de producteurs indépendants.

La définition du Contrat de gestion prévoit en effet que pour être indépendant, le producteur ne peut notamment (point 3) pas retirer plus de 90% de son chiffre d’affaires durant une période de trois ans de la vente de productions à un même éditeur de services de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ce rattachement à la Fédération Wallonie Bruxelles est un ajout par rapport au Décret, celui-ci prévoyant que le producteur ne peut retirer plus de 90% de son chiffre d’affaires (…) de la vente de productions à un même éditeur de service, peu importe son lieu d’établissement.

L’interprétation de l’indépendance par le Contrat de gestion est donc plus large que celle du Décret. En effet, en accord avec la définition du Contrat de gestion, une société qui retirerait plus de 90% de son chiffre d’affaires de la vente de productions à un éditeur de services étranger (par exemple France Télévisions ou TF1) peut être considérée comme indépendante et donc être éligible au quota, ce qui n’est pas le cas de la définition décrétale, applicable aux autres services télévisuels établis en Belgique et pourtant soumis au même seuil de 10%. La RTBF profite donc de conditions moins strictes qu’un éditeur télévisuel privé en matière de quotas de diffusion d’œuvres européennes émanant de producteurs indépendants, ce qui pose question au regard du rôle du service public dans la promotion de la production indépendante tant locale qu’européenne.

Pour davantage de cohérence, il conviendrait de supprimer ce rattachement à la Fédération Wallonie-Bruxelles au point 3 de la définition et d’utiliser une formulation identique en tous points à celle présente dans le Décret SMA.

Définition de l’œuvre émanant d’un producteur indépendant

Problématique

Si les critères permettant de juger du caractère indépendant du producteur sont précisés dans la définition du Contrat de gestion et dans le Décret SMA, les conditions permettant de qualifier une œuvre comme émanant d’un producteur indépendant ne sont pas définies, lorsque plusieurs coproducteurs, indépendants et non-indépendants, collaborent sur le projet. Il n’est notamment pas fait mention d’un éventuel seuil de participation ou d’implication du producteur indépendant à partir duquel une œuvre pourrait être considérée comme indépendante.

En l’état, semble donc être éligible au quota d’œuvres européennes indépendantes une œuvre coproduite par un éditeur de service et un producteur indépendant, dans laquelle le type de participation du producteur indépendant est incertain. Cette appréciation large pose question au regard du but poursuivi par la mesure : stimuler un secteur de la production indépendant des éditeurs de services[2].

De la même manière, aucun seuil de participation ou d’implication de producteurs émanant de la Fédération Wallonie-Bruxelles n’est précisé pour prétendre à la qualification d « œuvre émanant d’un producteur de la Communauté française ». Des contenus dès lors coproduits en Belgique parfois à hauteur de quelques pourcents, sans réelle implication du producteur belge, sont considérés comme émanant de producteurs indépendants belges francophones.

Il conviendrait dès lors de déterminer un seuil à partir duquel une œuvre peut être considérée comme émanant d’un producteur indépendant (belge francophone).

Pistes de solution

S’il n’existe dans le Décret SMA ou de la Contrat de gestion aucun critère explicité, différentes pistes d’inspiration peuvent être trouvées tant en Belgique francophone qu’à l’étranger, permettant de déterminer un seuil d’implication à partir duquel une œuvre pourrait être considérée comme indépendante :

  • En Belgique francophone, en matière de contribution à la production, pour pouvoir être éligible au soutien, il est exigé que le producteur indépendant exerce au moins les fonctions de producteur délégué sur le projet.
  • Dans certains pays d’Europe, suivant les lignes directrices de la Commission européenne à propos des article 16 et 17 de la Directive SMA[3], le producteur indépendant doit détenir au moins les droits secondaires[4] sur le projet pour pouvoir qualifier celui-ci d’œuvre indépendante. La détention de la majorité des droits sur le projet par le producteur est également l’une des conditions d’éligibilité pour que celui-ci puisse solliciter l’aide prévue par les programmes de soutien européens (Europe Creative).
  • Une comparaison peut également être faite avec la définition décrétale de l’œuvre européenne, qui prévoit que l’œuvre soit réalisée essentiellement avec le concours d’auteurs et travailleurs européens. Il est en outre nécessaire, au choix, soit que l’œuvre soit réalisée par un producteur européen, soit que sa production soit supervisée et effectivement contrôlée par un producteur européen, ou que la contribution des producteurs européens soit majoritaire, sans être contrôlée par un producteur non-Européen. De manière globale, on peut donc estimer qu’un seuil minimal de 50% de participation des producteurs européens dans un projet est à tout le moins nécessaire pour qu’une œuvre soit considérée comme européenne.

 

Quota de 10 % : à revoir à la hausse ?

Parmi les trois obligations de quotas prévues par le Contrat de gestion, seul le quota de diffusion d’œuvres européennes émanant de producteurs indépendants (10%) est identique pour les éditeurs privés et la RTBF. Les obligations en termes de diffusion d’œuvres européennes et d’œuvres en langue française sont en effet plus élevées pour la RTBF que pour les éditeurs privés, ce qui semble cohérent vu son statut d’éditeur public.

La question se pose dès lors d’une éventuelle révision à la hausse de ce quota pour la RTBF. Il paraitrait en effet cohérent qu’un éditeur de service public soit invité à davantage soutenir la production indépendante, soit-elle européenne ou belge francophone, via des quotas de diffusion plus élevés.

Cet élément serait à replacer dans une réflexion plus globale prenant en compte les différentes mesures de soutien à la production entreprises par la RTBF, avec un objectif commun : stimuler le secteur de la production indépendante, européenne et locale, en développant tant la création que l’acquisition et la diffusion de formats.

Quota d’œuvres en langue française

Le Contrat de gestion prévoit que la RTBF consacre, dans l’ensemble et sur chacun de ses services de médias audiovisuels linéaires télévisuels, au moins 35% de son temps de diffusion à des « œuvres en langue française ».

Cette notion gagnerait à être reformulée. En effet, en l’état, elle laisse penser que le quota viserait simplement les œuvres diffusées en français, peu importe leur langue originale. Il ne fait pourtant pas de doute que le quota de 35% prévu dans le Contrat de gestion vise les œuvres d’expression originale française.

A titre de comparaison, l’article 4.2.1-1, §1er du Décret impose aux éditeurs télévisuels privés de diffuser une proportion majoritaire de programmes en langue française, et 20% de programmes dont la version originale est d’expression française. Il paraitrait cohérent de s’aligner sur les termes utilisés par celui-ci.

 

 Conclusions et recommandations

 

En matière de quotas de diffusion en télévision, le CSA recommande de :

  • Maintenir des obligations de quotas imposées sur chacun des services ;
  • Réfléchir à une revue à la hausse des quotas d’œuvres européennes et d’œuvres européennes indépendantes ;
  • Préciser la définition du « producteur indépendant de la Fédération Wallonie-Bruxelles » et la notion d’ « œuvre en langue française » ;
  • Préciser, dans le cas de coproductions, le seuil à partir duquel une œuvre peut être considérée comme émanant d’un producteur indépendant, voire un producteur indépendant belge francophone, et donc être éligible au quota.
 
[1] 14h-23h le mercredi et le week-end, 18h-23h les autres jours.
[2] A titre d’exemple, des séries comme « Clem » (coproduction TF1/RTBF/producteurs indépendants), « Une famille formidable » (TF1/RTBF/coproducteurs indépendants), « Candice Renoir » (France Télévisions/RTBF/coproducteurs indépendants) sont actuellement considérées comme émanant de producteurs indépendants (belges francophones).
[3] « Orientations révisées relatives au contrôle de l’application des articles 16 et 17 de la Directive ‘Services de medias audiovisuels’», Doc CC AVMSD (2011) 2, Juillet 2011.
[4] C’est-à-dire les droits d’exploitation de l’œuvre sur d’autres fenêtres de distribution et sur d’autres marchés au-delà de la distribution initiale par le fournisseur de services de médias audiovisuels, qui est généralement limitée dans le temps et, dans le cas de la radiodiffusion, dans le nombre des retransmissions.